Panorama

Introduction

L'euphorie continue. Pour la huitième année consécutive, les pays industrialisés connaissent l'expansion à un rythme encore supérieur à 3 %, même s'il se ralentit par rapport à 1988, particulièrement aux États-Unis et au Royaume-Uni.

Le scénario de « l'atterrissage en douceur » espéré par les dirigeants, qui naviguent tout au long de l'année entre le risque de surchauffe et la crainte de la récession, semble se confirmer. En effet, face aux pressions inflationnistes menaçantes, et tout en restant prudentes pour ne pas casser la croissance, les autorités adoptent des politiques monétaires restrictives qui conduisent à un relèvement général des taux d'intérêt, si bien que les hausses de prix restent dans la limite – jugée raisonnable – de 5,2 % en moyenne.

La vigueur de la croissance s'explique surtout par le « boom » des investissements et la forte reprise des échanges internationaux. Les entreprises se portent bien, fonctionnent à plein régime et embauchent à nouveau – voire sont confrontées à une pénurie de main-d'œuvre qualifiée –, contribuant à abaisser un peu partout le taux de chômage qui, avec une moyenne de 7,3 %, retrouve son niveau de 1981. Toutefois, ce dernier reste encore trop élevé, notamment en Europe où il frôle toujours 10 %, tandis que s'étendent les emplois précaires et les phénomènes d'exclusion et de pauvreté.

Le triomphe du libéralisme économique

Alors que la plupart des pays industrialisés ont adopté le libéralisme économique, la bonne conjoncture tend à renforcer la thèse en faveur de l'économie de marché et celle de la nécessité pour les pays dont la situation économique est beaucoup moins satisfaisante, voire dramatique, de s'y rallier.

Depuis le début de la décennie, les pays sous-développés ont suivi des politiques libérales, le plus souvent sous la contrainte du Fonds monétaire international (FMI). Pourtant, hormis quelques pays d'Asie, l'économie de nombreux pays endettés du tiers monde s'est détériorée. Les pays de l'Est semblent à leur tour convaincus des bienfaits de l'économie de marché et, avec l'effondrement en série de leurs régimes politiques, les changements s'accélèrent dans cette direction puisque, après la Pologne et la Hongrie, l'onde de choc a gagné l'Allemagne de l'Est, la Tchécoslovaquie, la Bulgarie et la Roumanie.

Cette évolution modifie les rapports de l'Occident avec ces deux zones et conduit à une intensification des relations Est-Ouest au détriment du dialogue Nord-Sud. Lors du sommet de l'Arche de la Défense en juillet, les sept pays les plus industrialisés ont en effet décidé d'encourager les réformes économiques dans les pays d'Europe de l'Est, par une aide (alimentaire, financière et économique) occidentale accrue, que la Commission européenne est chargée de coordonner et qui s'adresse d'abord à la Pologne et à la Hongrie. De même, M. Gorbatchev, par une lettre adressée à M. Mitterrand en sa qualité de président du sommet, a affirmé sa volonté de s'intégrer pleinement à la communauté internationale et s'est déclaré favorable à une coopération Est-Ouest.

En revanche, alors qu'à ce même sommet, quatre pays représentatifs du tiers monde – l'Égypte, l'Inde, le Venezuela et le Sénégal –, soutenus par la France, ont réclamé un nouveau dialogue Nord-Sud comme à Cancun en 1981, les pays riches n'ont pas retenu cette idée et ont manifesté à nouveau leur préférence pour le traitement au cas par cas. Ainsi, le déséquilibre Nord-Sud continue de se creuser. Le tiers monde se considère comme oublié et relégué au rôle de simple spectateur des décisions prises au sein des organisations internationales. Seule la CNUCED défend véritablement leurs intérêts et montre comment l'ajustement structurel censé faciliter leur insertion dans le système économique dominant a finalement eu pour effets d'aggraver les « désordres » et les inégalités et de conduire à la marginalisation croissante les pays les plus pauvres du Sud.

Pourtant, sur le problème primordial de la dette, le pragmatisme semble l'emporter et, à l'initiative de la France, du Japon et des États-Unis, une nouvelle stratégie de réduction de celle du tiers monde se met en place, même si la hausse des taux d'intérêt et celle du dollar effacent en partie les effets positifs des nouvelles mesures. À cela s'ajoute la détérioration continue des termes de l'échange au détriment de ces pays, d'autant que les accords internationaux sur les matières premières s'écroulent les uns après les autres. Seul le marché pétrolier a véritablement profité de la reprise de l'économie mondiale. La hausse des cours a commencé à l'automne 1988 pour finalement se stabiliser à un niveau proche du prix de référence de 18 dollars le baril.

Une compétition internationale exacerbée

Le néolibéralisme triomphant repose sur la défense des grands équilibres économiques, le recul de l'État, la revalorisation du secteur privé, où l'entreprise est particulièrement privilégiée, et l'ouverture internationale. Dans ce contexte, la concurrence devient impitoyable. Pour l'affronter, les entreprises sont contraintes de réduire leurs charges afin de pouvoir investir et se moderniser. L'objectif essentiel – présenté comme un impératif économique – est d'être compétitif afin de gagner des parts de marché à l'exportation.