Autre civilisation lointaine et antique : les aborigènes d'Australie débarquent au Festival d'automne à Paris avec leur peinture, leur musique et leurs danses, qui représentent les différentes formes d'expression de rites, maintenus passionnément à l'intérieur de chaque tribu, soucieuse de préserver l'intégralité de sa sensibilité et de ses rêves, accordés à l'espace, à la terre, au soleil.

Quant à La civilisation romaine de la Moselle à la Sarre, elle est l'occasion d'une association européenne d'une ampleur exceptionnelle. Les musées de Metz, de Luxembourg, de Trèves et de Sarrebruck se sont unis, en effet, pour offrir au public parisien une leçon d'histoire. Il y a environ 20 siècles, les Romains envahissaient les vallées de la Moselle, de la Sarre et de la Sure. Dans cette région qui était alors un carrefour d'invasions, les musées concernés célèbrent leur alliance, comme un signe de paix et d'harmonie.

D'Yves Klein à Turner

D'Yves Klein à Turner, la peinture en France s'est montrée sous tous ses aspects. La FIAC (Foire internationale d'art contemporain) s'en est faite le reflet nonchalant. Pas d'excès de passion pour ce 10e anniversaire de la fête annuelle des marchands d'œuvres d'art, mais un très bel hommage à Jean Arp, une superbe exposition des toiles récentes d'Antonio Segui, un ensemble important de tableaux de Degottex, austère et abstrait, et des Chirico, des Picasso, des Klee, des Masson, des surréalistes, des futuristes, des expressionnistes : tout ce que l'art moderne a pu inventer pour exorciser ses peurs et exalter ses rêves.

Tout ce que synthétise la folie d'Yves Klein, si bien montrée au Centre Georges-Pompidou. Yves Klein, le provocateur, l'apprenti sorcier, l'iconoclaste, n'a rêvé que de fusion, de feu, d'or, de bleu absolu comme le bleu du ciel de Nice, qui a fasciné son enfance et qu'il veut répandre et étendre au monde entier. Yves Klein avait rêvé de peindre en bleu l'obélisque de la place de la Concorde. Et Paris à peint de lumière bleue, tout un soir, la fameuse colonne, en signe d'hommage à l'artiste et en guise d'annonce de l'ouverture de la plus singulière des expositions.

Vingt ans après sa mort, Klein n'est pas rentré dans l'ordre. Ses bleus monochromes, les empreintes du corps humain, qu'il peignait de bleu encore, portent désormais l'empreinte de sa hâte à traduire ses dégoûts, ses joies, sa conquête de l'impossible et d'en imprégner la couleur, dérisoire comme une musique inquiétante et fragile.

Et voici Turner, le voyageur ébloui, qui parcourt l'Angleterre, la France, l'Italie, la Suisse. Il voyage en témoin passionné, prompt à noter un éclairage, une scène, une émotion ; plus enclin, cependant, à décrire les drames de la nature, ses accidents, ses tensions et ses violences ; attiré par les côtes, les lacs, les forêts, la montagne, les rivières, les tourbillons de l'air et de l'eau, leurs bouillonnements et leurs effervescences.

Chaque voyage est l'occasion de réinventer les atmosphères les plus diverses, de les approfondir ou d'en jouer comme de miroirs, ou de reflets de circonstances historiques ou d'influences poétiques. Sa grande toile de 1812, intitulée Hannibal et son armée traversent les Alpes, est à ce titre très significative. De même, son Déclin de l'Empire carthaginois, comme ses vues de Venise qui brillent des plus beaux éclats romantiques.

À l'école de Claude, de Poussin, de Watteau, Turner se soucie de répartir au mieux les formes et de construire au plus juste le mouvement. Turner, visionnaire, aime Byron, les navires en perdition, les ruines, les crépuscules exaspérés, les mirages emportés dans les incertitudes de la lumière. À la différence des impressionnistes, il ne se contente pas de traduire la « beauté de l'air ». Il recompose dans ses plus subtiles et ses plus déchirantes résonances la « musique du monde ». Les aventures qui le tentent sont les « plus élevées ». Et le monde qu'il peint doit convenir aux « actions héroïques ».

Au modernisme qui s'essouffle, Turner revient à point rappeler la permanence de la passion et ses multiples effets. Sa redécouverte renvoie à l'impressionnisme, bien sûr, mais aussi au symbolisme, à l'abstraction. En un mot, à la peinture.