Jeanine Baron

Sculpture

Le nouveau pari

Le nouveau pari de la sculpture contemporaine semble se jouer entre Richard Serra, d'une part, et Anne et Patrick Poirier, d'autre part.

Serra est américain. Admirateur de Brancusi, il a choisi de défier l'équilibre. Géante, ou non, l'œuvre doit tenir comme un château de cartes. Il utilise divers matériaux avant d'en venir à ses immenses pièces de métal, assemblées sans soudure et sans support, disposées de telle sorte que la forme change selon le point de vue du spectateur : sculptures en plaque, en cône, en courbe, à visiter, à pénétrer ; machines à décoder le temps, le mouvement, l'échelle du réel.

À ce baroque austère s'oppose le baroque faussement classique d'Anne et Patrick Poirier, qui inventent une archéologie, relèvent l'empreinte de la terre, reconstituent les cicatrices laissées par le temps, mettent en scène des signes de permanence et de fragilité, réveillent la mémoire des grands mythes.

Les paysages foudroyés qu'ils imaginent, les ruines, les colonnes brisées, les géants invitent à un voyage entre les civilisations dans le grand silence de l'univers. Voyage décalé entre la beauté et l'enfer, la sécurité et la mort, le réel et le simulacre.

Une autre sculpture venue de Grande-Bretagne, dans les années 70, poursuit son chemin et crée, elle aussi, ses propres archéologies. Ces nouveaux sculpteurs, qui utilisent essentiellement des matériaux et des objets de récupération, mêlent les héritages du dadaïsme, du surréalisme, du pop'art, de l'Art pauvre... Ils détournent l'objet au gré de leur humour et de leur imagination : d'un amas de revues, David Mach fait un sous-marin ou une tour Eiffel. À l'aide de faïence, Tony Gragg construit un tableau précieux. Ces sculpteurs aiment le jeu, l'insolite, l'éphémère, le gratuit. Ils considèrent l'objet comme le signe d'une culture.

La sculpture, comme la peinture, a ses nouveaux fauves, ses figuratifs, ses symbolistes, ses modernes et ses postmodernes et ceux qui synthétisent toutes les classifications. Jean Tinguely et Nicki de Saint-Phalle, par exemple. Eux aussi utilisent des matériaux de récupération. Eux aussi aiment le jeu et l'humour. Si la fontaine, qu'ils ont créée au pied du Centre Georges-Pompidou à Paris, est si vite devenue un lieu d'attraction, c'est qu'elle joue à merveille son rôle d'objet d'art : hommage à Stravinski, elle mêle les jeux de l'eau à ses jeux de baladins.

Jeanine Baron

Ventes

Intérêt pour les curiosités

Entre l'optimisme et la morosité, l'évolution du marché de l'art au cours de l'année se manifeste de façon fort différente selon qu'on l'observe de New York ou de Paris. La vigueur de la reprise aux États-Unis et la stagnation des affaires du côté français montrent une fois de plus que le négoce des œuvres d'art dépend étroitement de la santé économique des pays considérés.

Le chiffre d'affaires des géants qui dominent le marché de l'art a connu une progression beaucoup plus forte que celui des commissaires-priseurs français et c'est en Amérique qu'ont lieu les ventes les plus spectaculaires. Ces considérations s'illustrent par des chiffres significatifs.

Sotheby qui reste le numéro un mondial avec un produit de 273 millions de livres pour l'exercice 1982-1983 (environ 3 milliards de F) a surmonté ses difficultés financières. Dans ce total, les ventes de New York dépassent nettement le chiffre de Londres (125 millions de livres contre 106).

Avec un chiffre d'affaires mondial de 230 millions de livres (2 milliards 760 millions de F), Christie's, la plus ancienne maison de vente britannique, enregistre une progression de 33 %, et, là aussi, le produit des ventes américaines (92 millions de livres) est en forte hausse.

À Paris, en attendant la publication des chiffres officiels, on s'estime satisfait d'une hausse de l'ordre de 14 % pour 1982, qui a permis aux 86 commissaires-priseurs parisiens de faire passer leur chiffre d'affaires total au-dessus du milliard de F. Cette progression est due en partie à des achats américains dans les ventes de prestige, aussi bien pour les tableaux modernes que pour les meubles du xviiie, et d'une façon générale pour toute marchandise de haut de gamme de caractère international. Il est vrai qu'avec un dollar à plus de 8 F en moyenne (aux cours de 1983) les acheteurs venus d'Amérique sont favorisés.