On note également un retour de Carolyn Carlson, toujours aussi évanescente. Mais son étoile à pâli au profit de l'Allemande Pina Bausch, dont l'œuvre violente, agressive — très discutée — semble plutôt se rattacher au théâtre.

À côté du pur mouvement de la danse américaine, de la poétique de Carolyn Carlson ou des résurgences expressionnistes de Pina Bausch, on assiste actuellement à l'avènement d'une nouvelle danse française, très diversifiée dans ses objectifs et son langage, et dont la réputation commence à dépasser les frontières. Plusieurs groupes ont participé cet été à l'American Dance Festival en Caroline du Nord et obtenu un beau succès. On peut dès maintenant parler d'une école française moderne. Elle a ses valeurs sûres (révélées pour la plupart au concours de Bagnolet dans les dix dernières années) qui ont nom Maguy Marin, François Verret, Jean-Claude Gallotta, Dominique Bagouet, Karine Saporta, Régine Chopinot ou encore Caroline Marcadé, Hideyuki Yano, Quentin Rouillier et quelques autres.

Marcelle Michel

Chanson

À pas comptés

Elle n'en a peut-être pas l'air, elle se veut avenante, voire souriante, mais la chanson souffre de la crise comme tout le monde. On a prévu pour elle des dispositions pour lui faire retrouver sa bonne santé d'antan, au temps où l'on sifflait L'hymne à l'amour et Les feuilles mortes dans les rues de Tokyo ou de Buenos Aires, mais le moral semble atteint.

Les monstres sacrés attendent plus ou moins patiemment que l'orage se calme, les débutants piaffent d'impatience dans la coulisse. Mais les organisations de spectacles ne prennent pas de risque et n'engagent que des artistes confirmés, c'est-à-dire ceux qui remplissent les salles, et les éditeurs de disques, devant le coût de la production sans cesse en accroissement, hésitent de plus en plus à révéler des inconnus.

Des moyens restreints

Cette ambiance, on la ressent au MIDEM (Marché international du disque et de l'édition musicale) qui se tient à Cannes en janvier. Les firmes discographiques présentes cherchent plus à vendre leurs enregistrements qu'à acheter des produits neufs, et les éditeurs français reprochent à leurs autorités de tutelle de ne pas avoir modifié, comme elles l'avaient laissé entendre, le système fiscal qui les frappe. Les centres régionaux de la chanson, créés pour aider les jeunes talents et leur proposer une première scène dans le cadre d'une formation ou d'un perfectionnement, battent de l'aile, eux aussi. Trop peu de moyens dans un contexte entièrement mal défini amènent certains, comme celui de Nanterre, à renoncer à leur mission, d'autres, comme celui de Bordeaux, à la démission de leur directeur.

On espérait que la multiplication des radios privées locales allait apporter un souffle neuf, des sons nouveaux. Or, la chanson française n'est pas parvenue à reprendre sa place sur les ondes françaises. Certaines stations appuient même leur succès sur la quasi-exclusivité de la production anglo-saxonne.

Les jeunes espoirs

Et pourtant les affiches ne manquent ni d'allure ni d'allant. Robert Charlebois retrouve l'Olympia en janvier et la cote d'amour d'un public qui l'avait un peu oublié, avec des œuvres simples mais toniques (J't'aime comme un fou, News). Quelques jours après, c'est Alain Bashung (Gaby oh Gaby, Vertige de l'amour) qui réunit ses fans au Casino de Paris. Puis Catherine Lara, Julos Beaucarne, Serge Reggiani, Michel Jonasz, tous tenants d'une popularité méritée qu'ils confirment dans des spectacles bien faits.

Au Printemps de Bourges, festival annuel de la Chanson (2-10 avril 1983) connu pour avoir suscité de belles découvertes (Renaud, Michèle Bernard, entre autres), on retrouve Francis Lalanne, Julien Clerc, Maxime et Catherine Le Forestier, Graeme Allwright, soutenant les premiers pas de jeunes venus du monde entier, l'Italienne Lucilla Galeazzi, la Québécoise Sylvie Tremblay, la Finlandaise Maija Hapuoja, le Camerounais Francis Bebey et la Wallonne Christiane Stefanski. Un cosmopolitisme suivi de près à Paris par le Théâtre du Forum des Halles, désormais dévoué à la cause de la chanson et qui programme, aux côtés de réels espoirs (Amélie Morin, Jean-Yves Joanny, Élisabeth Wiener), la Brésilienne Nazaré Pereira ou la Polonaise Ewa Demarszyck et la Grecque Angélique Ionatos, chantre des poètes de son pays : Ritsos, Cavafy, Elytis, Séféris.

Succès d'hier et d'aujourd'hui

Quand vient l'été, les ondes se mettent elles aussi au rythme de l'actualité. Les devises sont limitées pour partir à l'étranger. On entend Philippe Lavil évoquer les couleurs de Rio, Michèle Torr Midnight Blue en Irlande et Toto Cotugno affirmer sa fierté d'être Italiano, tandis qu'un joyeux luron, venu de Belgique avec son groupe — Lou & the Hollywood Bananas — nous emmène dans Les petites rues de Singapour. Sans compter la production antillaise qui connaît une vogue en ascension constante : la France du bout du monde envoie aux Français enfermés dans l'Hexagone un peu de soleil et l'incomparable chaleur de ses rythmes. C'est bon pour le moral résume l'une de ces sympathiques rengaines.