Culture

Cinéma

La vitalité du film français

En couronnant le dernier film de Jean-Luc Godard, Prénom Carmen, les jurés du festival de Venise ont peut-être voulu donner un coup de chapeau tardif à un réalisateur qui a, sans nul doute, profondément marqué le 7e art, mais semble aujourd'hui donner des signes d'essoufflement. Qu'importe. Ce Lion d'or a surtout été accueilli comme la reconnaissance d'une sorte de renaissance du cinéma français, également primé sur la lagune pour deux autres œuvres, et qui avait déjà été à l'honneur à Cannes à travers le dernier film de Robert Bresson. Les lauriers n'ont qu'une signification symbolique, mais ils peuvent, aussi, avoir des retombées psychologiques... Et, conjuguées avec les mesures nouvelles prises par le ministre de la Culture et l'augmentation, dans son budget, des dotations destinées au cinéma et à l'audiovisuel, les nombreuses révélations de l'année 1983 laissent bien augurer, en effet, d'un intéressant sursaut de notre production longtemps anémique...

D'autant que, parallèlement, nos redoutables concurrents d'outre-Atlantique semblent souffrir d'une certaine panne d'inspiration, que leurs moyens toujours importants ne pallient pas toujours.

Les chefs-d'œuvre ont été rares cette année

Et viennent, c'est de tradition, de l'étranger, tout comme le champion du box-office, l'inattendu petit film du... Botswana, Les dieux sont tombés sur la tête, que le bouche-à-oreille a propulsé tout en haut de la liste. Un succès qui prouve, si c'était encore nécessaire, que le public est loin d'être saturé par les charmes du 7e art (d'ailleurs, la fréquentation, c'est également un signe encourageant, progresse lentement mais qu'on ne peut plus, désormais, l'appâter avec un produit trop banal.

Ici, la fraîcheur, l'humour, le dépaysement ont joué à fond. Ailleurs (Tootsie), c'est la prodigieuse performance d'acteur (celle de Dustin Hoffmann), à rapprocher de celle d'Isabelle Adjani dans L'été meurtrier, le troisième champion des recettes.

Pour une fois, aucun de ces best-sellers n'est à ranger dans la catégorie « gros comique », qui, jusqu'alors, fournissait généralement le peloton de tête.

France : le sursaut

Abondante, variée, la production française n'obtient peut-être pas, au box-office, les résultats de certaines années précédentes, mais il semble que l'on puisse, dans son éclectisme même et, surtout, dans l'arrivée de jeunes metteurs en scène, trouver des raisons d'espérer un sursaut.

Une fois de plus, la sélection cannoise ne reflète pas la production de l'année : deux films considérés comme « difficiles », L'argent de Robert Bresson, L'homme blessé de Patrice Chéreau, une tentative d'esthétisme pur avec La lune dans le caniveau du jeune metteur en scène Jean-Jacques Beineix, l'auteur de Diva, et un policier psychologique particulièrement bien mené, L'été meurtrier de Jean Becker, qui donne à Isabelle Adjani l'occasion d'une création spectaculaire.

Côté femmes, c'est, une fois de plus, l'année de Miou-Miou (Coup de foudre, un joli film de Diane Kurys sur l'amitié féminine, qui sait évoquer avec justesse les années d'après-guerre, et Une femme peut en cacher une autre, où Georges Lautner, sans doute inspiré par son interprète, a su nuancer son comique pour flirter du coté de la tendresse). Et encore l'année Isabelle Huppert, partenaire de Miou-Miou dans Coup de foudre, mais aussi étonnante petite allumeuse du marivaudage aigre-doux de Bertrand Tavernier, La femme de mon pote. Et surtout, peut-être, l'année Adjani, qui aurait mérité le prix d'interprétation à Cannes pour son personnage, elle aussi, d'allumeuse, mais complètement névrosée, de L'été meurtrier, où Alain Souchon lui donnait une réplique de charme, et qui a su endosser avec maestria les multiples personnalités de la tueuse de l'étrange et séduisante Mortelle randonnée de Claude Miller. Avec son air de sainte nitouche, qui lui réussit moins quand elle joue Strindberg au théâtre, Isabelle Adjani semble se faire une spécialité de jeunes femmes au bord de la folie — il est vrai que, déjà, Truffaut avait su le deviner en lui offrant Adèle H...