Ayant frôlé le désastre en juin 1981, les différents centres de pouvoir ont réussi, en dépit de leurs divergences, à consolider les structures essentielles de l'État, assurant sa survie ainsi dans des conditions difficiles. Les forces de sécurité, épurées et réorganisées sur de nouvelles bases, sont devenues d'une redoutable efficacité.

Factions

Peu à peu la situation se normalise à Téhéran. Le rythme des arrestations et des exécutions, qui ne sont plus annoncées officiellement, baisse. Le bilan est cependant lourd. Amnesty International fait état, en février 1982, de plus de 4 000 exécutions depuis le début de la révolution. Un chiffre vraisemblablement très en deçà de la réalité.

Le prestige de l'imam Khomeiny, bien que diminué, contribue pour beaucoup à assurer la stabilité du régime. Les rivalités demeurent cependant vives entre les différentes factions religieuses et civiles qui gravitent autour de l'imam. Le Majlis (Parlement), dont la composition reflète les divisions au sein du pouvoir, s'oppose en octobre 1981 à la nomination de Ali Velayati, candidat du président de la République, au poste de Premier ministre en remplacement de Mahdavi Kani démissionnaire, avant d'accepter, à l'issue de vifs débats, la désignation à ce poste de Hossein Moussavi, le chef de la diplomatie.

Le Majlis, où les libéraux dirigés par l'ancien président du conseil M. Bazargan sont de plus en plus neutralisés, devient l'arène où s'opposent en permanence les partisans de la ligne de l'imam et une minorité de blocage — de plus en plus influente — de députés conservateurs très profondément anticommunistes.

Complot

La droite musulmane mène un combat d'arrière-garde pour empêcher l'adoption et l'application des projets de loi sur la réforme agraire et sur la nationalisation du commerce extérieur, considérés par bon nombre de religieux comme anti-islamiques.

Des mesures sont prises en janvier 1982 contre le parti Toudeh (communiste), dont les publications sont peu à peu interdites et qui se voit presque relégué à une semi-clandestinité. En même temps, la campagne antisoviétique prend de l'ampleur et suscite en mars un violent éditorial de la Pravda contre « l'extrême droite » iranienne.

L'état de santé de Khomeiny, qui annule le 15 février tous ses rendez-vous jusqu'au 1er mars, relance la lutte pour la succession. Le président Khamenei se déclare, dans une interview à Newsweek, en faveur d'une direction collégiale de 3 à 5 membres pour succéder au Guide de la révolution après sa disparition. Pour l'entourage de l'imam, le seul héritier possible est l'ayatollah Montazeri, totalement dévoué à Khomeiny.

L'affaire Ghotbzadeh — du nom de l'ancien ministre des Affaires étrangères du président Bani Sadr, arrêté le 8 avril 1982 pour « avoir comploté l'assassinat de l'imam » — intervient au moment où l'armée iranienne vient de remporter une victoire décisive sur les troupes iraqiennes. Cette affaire donne le signal d'une nouvelle vague d'arrestations dans les différents milieux de l'opposition.

Conditions

L'ayatollah Chariat Madari, un modéré qui s'oppose aux doctrines politiques et religieuses de l'imam, est accusé le 15 avril de « complicité » avec S. Ghotbzadeh et pratiquement privé de son titre religieux. À travers lui, c'est l'ensemble du haut clergé chiite, qui ne partage pas toutes les opinions de l'imam ou lui est franchement hostile, qui est visé. Les divergences se manifestent également au sujet des suites à donner à la victoire spectaculaire remportée le 24 mai à Khorramchahr sur les forces iraqiennes.

Officiellement, les dirigeants iraniens maintiennent leurs trois conditions pour une paix négociée : retrait inconditionnel ; versement d'indemnités de guerre (le président Khamenei exige 150 milliards de dollars) ; création d'une commission chargée de déterminer les responsabilités du conflit — et donc de « châtier le criminel Saddam Hussein » — et retour dans leur pays des réfugiés iraqiens qui le souhaitent.

Certains des dirigeants estiment cependant qu'il faut « poursuivre l'ennemi jusqu'à Kerbala » pour précipiter la chute du régime et installer à Bagdad un pouvoir islamique. Les partisans d'une solution négociée du conflit redoutent la prolongation d'une guerre « qui ne peut que servir les intérêts des impérialistes si elle s'éternise » et aggrave une situation économique qui reste lourdement grevée par les dépenses militaires.

Pétrole

Le rationnement des produits alimentaires de première nécessité, imposé dès le déclenchement des hostilités, a créé un marché noir florissant qui enrichit une minorité de bazaris et de spéculateurs aux dépens de la population, dont le pouvoir d'achat est sérieusement entamé. Contraint de s'approvisionner à des prix élevés en armements — surtout sur le marché libre international —, l'Iran consacre plus de la moitié de ses revenus pétroliers au conflit du Golfe.