En définitive, cet événement (auquel le développement de la carrière personnelle de Gilbert Amy n'aura pas été étranger : il venait d'être nommé conseiller musical de la radio à l'ORTF) fait plus de bruit à l'étranger qu'en France, où l'on se contente de mettre l'accent sur la crise de la création pour faire oublier la crise de la diffusion.

Cependant, après les journées de musique contemporaine d'octobre (intégrale Webern et thème Degré second), le vide musical de Paris, en matière de création, se fait de plus en plus sentir au fil des mois. Les autres ensembles conventionnés (Ars nova, Musique vivante, Ensemble Simonovitch) ne présentent pas de saison importante et régulière.

Refuge

La jeune musique se réfugie dans les quartiers et les banlieues où des animateurs dynamiques (P. Mariétan, P. Méfano, F. Vandenbogaerde, Ph. Capdenat) tentent toutes sortes d'expériences (au Théâtre Présent, au Bio-Théâtre, à Champigny, à Gennevilliers entre autres). Mais les pouvoirs publics veulent relancer de grandes sociétés de promotion de la création, puisqu'ils en ont les moyens.

En annonçant, au mois de décembre, l'aide prioritaire qu'il a décidé (sans consulter la commission ad hoc) d'apporter à L'itinéraire et à Musique Plus, Marcel Landowski montre bien que ses préférences vont aux fédérations de personnalités ou aux communautés d'intérêt plutôt qu'aux mouvements de tendance. L'itinéraire, patronné par Olivier Messiaen, rassemble quelques-uns de ses récents élèves autour d'une certaine idée de la musique française, de la poésie des sons et de l'expressivité de la phrase musicale, considérées comme planche de salut pour échapper à l'inquiétude des langages et de la forme.

Malheureusement, la saison de concerts de L'itinéraire, au Carré Thorigny, n'a révélé aucune partition déterminante, ni même souligné quelque orientation esthétique particulière.

Musique Plus reste à l'état de projet, puisque ses premières manifestations ne sont prévues que pour la fin d'octobre 1974. Ce groupe de réflexion collective comporte des compositeurs (Jean-Claude Éloy, François Bayle, Ivo Malec, Georges Aperghis, Georges Couroupos), mais aussi des critiques, des chefs d'orchestre, des instrumentistes et un metteur en scène (Pierre Barrat).

Conflit

C'est au moment où la diffusion de la musique d'avant-garde connaît à Paris tous ces problèmes, au moment où les Journées de musique contemporaine entrent en conflit avec le Festival d'Automne d'où la Ville de Paris a décidé de se retirer en 1975, que le ministère des Affaires culturelles choisit de lancer le Printemps musical de Paris, présidé par Marcel Landowski et dirigé par Antoine Goléa. Il s'agit d'une entreprise de « réaction » en faveur de la génération sacrifiée (Honegger, Milhaud, Jolivet, Lesur, etc.) et dont les six manifestations d'avril, conclues par la création du monumental oratorio de Claude Ballif, La vie du monde qui vient, ne semblent pas avoir prouvé l'absolue nécessité. Cette nouvelle combativité de l'académisme est peut-être destinée à préparer une certaine résistance au retour de Pierre Boulez à Paris, prévu pour la fin de l'année 1975, et qui met déjà les milieux musicaux français dans un état extraordinaire d'inquiétude ou d'enthousiasme et toujours de fébrilité.

IRCAM

En effet, Pierre Boulez quittera la direction du BBC Symphony Orchestra en 1975 et celle du New York Philharmonic en 1977, pour se consacrer essentiellement à ses travaux de compositeur et de chercheur, dans le cadre de l'Institut de recherche et de coordination acoustique-musique (IRCAM) qu'il dirigera au Centre Beaubourg. Pour lui, il s'agit de se « réconcilier complètement avec la composition » selon une « conception prospective de la musique, allant avec une rénovation des moyens », qui implique obligatoirement de « réunir les efforts perdus dans des sentiers dispersés » et de mener « un travail de groupe comparable à celui du Bauhaus ».

Dans les 8 000 mètres carrés de studios, de laboratoires électroniques, de salles d'ordinateurs, de chambres acoustiques, de bureaux, de bibliothèques et d'auditoriums, creusés et aménagés sur mesure par les architectes Piano et Rogers, entre le bâtiment central de Beaubourg et l'église Saint-Merri, Boulez étudiera avec Vinko Globokar, Luciano Berio, Jean-Claude Risset, Gerald Bennett, et en liaison avec le Centre d'études de mathématique et automatique musicales de Iannis Xenakis, la nécessité de perfectionner les instruments de la tradition, d'en créer de nouveaux, d'inclure dans cette recherche les découvertes de l'électroacoustique et de la micro-électronique, de rompre avec les contraintes économiques et géographiques imposées par la structure des orchestres symphoniques et celle des salles de concerts.