Le ministre des Affaires étrangères, Garret Fitzgerald, fait plusieurs interventions remarquées à Bruxelles. Il a fait comprendre à ses collègues de la Commission que l'Irlande, malgré les dimensions réduites de son territoire et de sa population, n'a pas l'intention de se contenter d'un strapontin.

Procès

L'été 1973 est marqué par la peu reluisante affaire Littlejohn. Deux Anglais, les frères Keith et Kenneth Littlejohn, sont accusés d'avoir dévalisé, un an auparavant, une banque de Dublin ; ils sont condamnés à de lourdes peines de prison. Mais, pendant leur procès, ils expliqueront, avec quelques arguments troublants, qu'ils sont, en fait, des agents des services spéciaux de la police britannique et que, s'ils ont attaqué une banque, c'était « pour déconsidérer l'IRA ». Quelques mois plus tard, les deux Littlejohn parviendront à s'évader dans des circonstances peu claires de la prison Mountjoy, en plein cœur de Dublin. Keith sera presque tout de suite repris, mais son frère, Kenneth, réussira, lui, à prendre le large.

L'affaire ne jette pas d'ombre sur les relations entre Londres et Dublin, qui sont aussi bonnes que du temps du gouvernement du Fianna Fail, mais elle embarrasse le gouvernement britannique, qui ne peut totalement fermer les yeux sur les moyens parfois discutables qu'utilise sa Special Branch pour combattre le terrorisme irlandais.

En septembre 1973, le Premier ministre britannique, Edward Heath, se rend à Dublin et à Belfast. Ses entretiens avec le Premier ministre irlandais, Liam Cosgrave, portent surtout sur la lutte contre l'IRA des deux côtés de la frontière et le projet de conseil de l'Irlande qui réunira, un jour, des représentants des deux parties de l'île.

Les protestants d'Irlande du Nord continuent à réclamer vigoureusement l'extradition des hommes de l'IRA arrêtés en Irlande du Sud, mais le gouvernement irlandais hésite à prendre cette mesure impopulaire étant donné les liens amicaux, et même souvent familiaux, qui existent de part et d'autre de la frontière.

L'évasion spectaculaire, le 31 octobre, de l'ancien chef d'état-major des provisoires, Seamus Twomey, et de deux de ses acolytes, enlevés en hélicoptère de la cour de la prison Mountjoy, relance les polémiques sur l'énergie que met la police irlandaise à combattre l'IRA.

Pendant ce temps, à Bruxelles, les représentants irlandais, nombreux et accrocheurs, jouent un rôle important dans les discussions sur la création du Fonds de développement régional européen. Les délégués de Dublin sont, avec ceux de Rome et de Londres, les plus intéressés par cette éventualité, seule façon pour l'Irlande, estiment-ils, de sortir de son sous-développement industriel.

Expansion

La politique d'accueil aux entreprises étrangères commence, cependant, à porter ses fruits : sur les 732 entreprises industrielles qui se sont installées dans le pays depuis dix ans, 500 sont d'origine étrangère, en majorité américaines, britanniques et allemandes. L'expansion économique, en général, fait des progrès notables : 4 % par an depuis trois ans.

La production industrielle progresse, elle, à un taux de 9 % ; 35 % du produit national brut sont maintenant fournis par l'industrie, qui emploie 31 % de la main-d'œuvre. Depuis trois ans, l'émigration massive, cette plaie séculaire de l'Irlande, a cessé et on voit même des émigrés rentrer de plus en plus nombreux au pays, un contrat de travail en poche.

Le taux de chômage reste cependant (8 %) le plus élevé de la Communauté européenne : c'est l'une des raisons essentielles pour lesquelles Dublin s'intéresse aussi vivement à la création du Fonds régional de Bruxelles.

La crise de l'énergie, qui a frappé gravement toutes les économies occidentales, ne se fait pas trop sentir en Irlande, qui est cependant dangereusement tributaire de la Grande-Bretagne pour son ravitaillement en pétrole brut et raffiné. Stimulées par les découvertes considérables de gaz et de pétrole en mer du Nord, les recherches se multiplient dans la mer Celtique, un terme diplomatique de plus en plus employé pour éviter de parler de mer d'Irlande...