caméléon
Un œil capable de surveiller le sol pendant que l'autre regarde en l'air, une langue qui jaillit comme un ressort pour capturer les insectes à distance, des pattes qui leur servent de pinces, une queue qui leur tient lieu de cinquième main et une proverbiale faculté de changer de couleur : avec tous ces atouts, les caméléons sont d'habiles acrobates et de bons chasseurs.
Introduction
Dans la grande classe des reptiles, l'ordre des squamates regroupe les serpents, les amphisbènes (petits reptiles sans pattes et quasiment aveugles qui se nourrissent de termites) et les lézards lato sensu, dont font partie les caméléons. Leur plus ancien ancêtre commun connu, Prolacerta, a dû apparaître au début de l'ère secondaire, il y a entre 204 et 250 millions d'années. Mais on ignore à quelle époque ces trois grands groupes se sont différenciés. On sait seulement que les premiers vrais lézards dont on ait retrouvé la trace datent du jurassique supérieur, il y a quelque 180 à 140 millions d'années. C'est alors, en effet, qu'apparaît en Europe Bavarisaurus, sans doute annonciateur des premiers iguanes. À leur tour, ces iguanes (sous-ordres des Iguania), vont se diversifier ; seuls subsistent aujourd'hui les iguanes vrais, les agames et les caméléons. Avec son crâne étroit et haut se prolongeant en casque proéminent, son museau court, le genre Mimeosaurus, dont on a retrouvé, en Amérique du Nord, des fossiles datant du crétacé, est sans doute un des premiers caméléons.
De nos jours, les iguanes habitent surtout les régions chaudes. Les iguanes vrais (à l'exception de rares genres vivant dans les îles Fidji ou à Madagascar) se dispersent sur tout le continent américain, et aux Antilles. Les agames, leurs cousins, peuplent plutôt l'Ancien Monde : l'Asie, l'Australie et l'Afrique, à l'exception de Madagascar, terre privilégiée de la troisième famille, les caméléons.
C'est en effet dans cette île que ceux-ci sont aujourd'hui le mieux représentés, avec plus d'une soixantaine d'espèces. Mais ils occupent aussi l'Afrique, du nord au sud, les Seychelles, le Moyen-Orient, l'Inde et Sri Lanka. Le caméléon commun (Chamaeleo chamaeleon) est la seule espèce à avoir pénétré en Europe, par l'Espagne, le Portugal, par la Sicile ou encore par Malte et le Péloponnèse.
La vie des caméléons
Un habile acrobate dans les arbustes ou les buissons
Le caméléon est un reptile qui ne rampe pas, il marche ou grimpe dans les arbustes ou les buissons. À terre, il avance toujours très lentement et avec beaucoup de prudence, mais, dans les arbres, c'est un habile acrobate. Ses cinq doigts, soudés en deux groupes (l'un de deux doigts et l'autre de trois), opposables l'un à l'autre, forment comme une pince qui lui permet de s'agripper aux petites branches. Quand elles sont trop grosses et qu'il ne peut les enserrer entièrement avec ses mains ou avec ses pieds, il s'accroche aussi avec ses griffes.
Pour assurer encore mieux sa prise, le caméléon utilise sa queue comme cinquième main : il forme une véritable « clef de sécurité » en l'enroulant autour du support. Le « verrouillage » de l'ensemble est efficace et il est très rare de voir un caméléon tomber de son perchoir. Par les positions improbables qu'il peut prendre parmi les feuillages, paraissant ignorer toute différence entre le haut et le bas, il semble ne connaître ni pesanteur ni peur du vide.
Quand le caméléon marche à terre (ce qu'il fait relativement bien sur les terrains meubles, mais moins facilement sur les surfaces lisses), son corps s'allonge, sa queue se relève et il se dresse sur ses pattes en s'appuyant sur le sol de toute la surface de ses doigts. Pendant que trois pattes restent en appui, une seule se déplace, même lorsqu'il fuit un danger.
Solitaire et routinier
Les caméléons mènent une vie solitaire et territoriale. En général, chaque caméléon adopte un arbuste ou un buisson dont il fait son gîte et où il se repose la nuit. Il le quitte parfois le matin, suivant les mêmes tracés routiniers chaque jour, pour aller se réchauffer au soleil avant de se poster pour la chasse. Les caméléons défendent leur territoire contre leurs congénères. Le seul moment où ils supportent un individu du sexe opposé est celui de la reproduction. En revanche, pendant cette période, les femelles sont très agressives entre elles, et les mâles se livrent à de violents combats qui peuvent entraîner la mort d'un des protagonistes.
Le matin, il se chauffe au soleil
Le matin, il se chauffe au soleil
En Espagne, le caméléon commun, après son repos hivernal, qui dure de décembre à mars, ne retrouve vraiment son activité normale qu'au milieu du printemps. Il est alors actif surtout tôt le matin et en fin de journée, évitant les heures les plus chaudes. Le matin, il se réchauffe très vite en dilatant ses muscles intercostaux pour exposer la plus grande surface possible de son corps au soleil ; ses flancs deviennent alors presque entièrement noirs. C'est ainsi qu'il semble réguler sa température.
L'émotion le fait changer de couleur
Le caméléon ne possède ni mâchoire puissante ni venin pour se défendre contre les agressions. Ses armes, plus subtiles, sont l'immobilité et le camouflage. Les bandes, les marbrures, les épines, les cornes et autres protubérances diverses qui ornent son corps, ainsi que la forme de celui-ci, très aplati dans le sens vertical, contribuent à fondre le caméléon dans le feuillage. De plus, il oscille perpétuellement ; ces incessants balancements, propres à l'espèce, aident sans doute à dissimuler l'animal dans une végétation agitée par le vent.
Quant à sa faculté de changer de couleur, depuis les études de H. Parker en 1938, elle n'est plus considérée par les scientifiques comme un art du camouflage adapté au milieu, mais comme l'expression des émotions ou des variations de température du caméléon. Il est quasiment impossible de repérer dans un feuillage un caméléon « affichant » des tons verts. Mais ce même caméléon, s'il sent une menace, peut devenir pâle d'inquiétude ou noir de colère : c'est là une bien mauvaise manière de se dissimuler ! De même, sur la peau du caméléon commun effrayé apparaîtront des bandes brunes et jaunes qui trahiront sa peur.
Jeu de couleurs
Jeu de couleurs
Chez le caméléon, sous l'effet d'excitations physiques ou émotionnelles, des cellules (ou chromatophores) de la peau, de nature huileuse ou riches en granulations de mélanine ou en pigments colorés, se rétractent ou bien étalent leurs ramifications. Ainsi, au repos, le caméléon est à dominante vert clair ou jaune ; lorsque la température est basse, il perd de ses couleurs et devient gris ; lorsqu'il s'apprête à combattre, il devient brun rougeâtre.
Devant la menace, il se « gonfle »
Le caméléon ne supporte aucun intrus sur son territoire, qu'il soit prédateur mal intentionné, simple « passant » ou individu de sa propre espèce, y compris du sexe opposé (en-dehors de la période de reproduction). Il tente aussitôt d'impressionner l'importun : il gonfle démesurément son corps, se dresse sur ses pattes et se balance de droite et de gauche, en ouvrant grande la gueule pour souffler et même parfois grogner !
C'est lors de leurs déplacements au sol que les caméléons semblent le plus vulnérables. Ils sont alors à découvert pendant une longue durée et ne peuvent s'accrocher à un support en cas de menace ; s'ils doivent traverser une portion de sable en plein soleil, ils deviennent brun foncé, presque noirs.
Un chasseur immobile à la vue perçante
Toute la journée, le caméléon reste sans bouger (à l'exception des oscillations de son corps), à l'affût, profitant de la mobilité indépendante de ses yeux pour explorer tous les horizons.Dès qu'il a repéré sa proie, il la capture avec sa longue langue, sans s'aider de ses griffes.
À la différence d'un lézard des murailles qui, apercevant un insecte à quelques centimètres de lui, court brusquement pour l'attraper, le caméléon, lui, ne bouge pas. Sa technique, c'est l'affût. Pour guetter, il dispose d'un appareil oculaire sophistiqué permettant à chaque œil, par des mouvements dans tous les sens, de couvrir un champ d'environ 180° à l'horizontale et de 90° à la verticale. Dès que son œil droit a repéré un insecte, par exemple un criquet, le caméléon tourne la tête vers sa proie et fait converger ses deux yeux vers celle-ci, la vision binoculaire permettant une meilleure appréciation de la distance. S'il s'aperçoit qu'il est à plus d'une longueur de langue (une vingtaine de centimètres), il s'approche lentement et s'arc-boute sur ses pattes, prêt à l'attaque. Lorsque ses yeux lui indiquent qu'il est à bonne distance, il entrouvre la bouche et, avec une rapidité et une précision extrêmes, il détend sa langue et va frapper le criquet de sa massue terminale.
Le coup est foudroyant, la victime se trouve engluée dans le mucus collant qui permet au caméléon de la soulever, de la rapporter à sa bouche en repliant sa langue en accordéon, puis de l'avaler. Une proie de belle taille est d'abord maintenue entre les mâchoires et broyée.
Une langue en accordéon
Une langue en accordéon
La langue du caméléon, qu'il peut lancer à une distance égale à sa propre longueur, se présente comme un long tube terminé par un bulbe rendu visqueux par le mucus, sécrétion des glandes muqueuses. Au repos, le tube est replié en accordéon autour d'un os très pointu appelé processus entoglossus. Pour chasser, le caméléon propulse sa langue en relâchant les muscles longitudinaux qui fonctionnent comme une gâchette libérant un ressort. La vitesse de détente est de l'ordre de 1/25 de seconde, celle du retour d'environ une demi-seconde.
À chacun ses goûts
Le caméléon est insectivore, mais les goûts varient selon les individus : mouches, abeilles, papillons et même parfois araignées font partie du menu. Il ne s'attaque qu'aux petits insectes dont il ne fait qu'une seule bouchée, mais peut avaler une centaine de mouches en quelques minutes. Il assomme abeilles et guêpes avant qu'elles n'utilisent leur dard. Pour boire, le caméléon profite de la moindre goutte de rosée ou de pluie sur une feuille, qu'il « gobe », gueule entrouverte.
Des combats qui conduisent à l'amour
Les caméléons mâles se distinguent des femelles par leur plus grande taille, leurs couleurs vives et la présence de rostres flexibles ou rigides en prolongement du museau. Si elles existent chez la femelle, les cornes frontales simples, doubles, triples, quadruples sont toujours plus discrètes, et la forme du casque est moins marquée. Le mâle se reconnaît également au double renflement gonflant la base de sa queue et signalant la présence interne de l'organe copulateur pair, les hémipénis. En période de reproduction, généralement vers août-septembre pour le caméléon commun d'Europe et d'Afrique du Nord, le mâle devient irritable et présente une coloration plus vive qu'à l'accoutumée. Dès qu'un rival se présente, une sorte de tournoi commence : les adversaires gonflent le corps, se dressent sur leurs pattes et ouvrent grande la gueule pour souffler bruyamment. À ces provocations succèdent les coups de tête. Les casques s'entrechoquent, les cornes se croisent, telles les lances d'une joute médiévale. Les morsures ne sont pas feintes, et le vaincu sera celui qui abandonnera la lice, par faiblesse ou par peur. Pendant le combat, la femelle qui est l'enjeu de la rixe en attend passivement l'issue, camouflée dans les feuillages alentour. Le vainqueur l'immobilise en la saisissant à la nuque avec ses mâchoires, qui s'avèrent puissantes et capables des pires morsures. Avec les pinces de ses doigts, il tient le dos, les pattes et la queue de la femelle étroitement enserrés. Si celle-ci tente de s'échapper, il la poursuit en fouettant l'air de sa queue et cherche à la bloquer en l'agrippant avec ses doigts. Puis, enfin, il la domine et fait pénétrer soit un seul de ses hémipénis, soit les deux à l'intérieur du cloaque de sa partenaire.
Une longue incubation
Au début de la saison froide (période inhabituelle chez les reptiles), un mois après le début du développement embryonnaire, la femelle pond. Ses flancs gonflés laissent apparaître en transparence les chapelets d'œufs, et elle perd son appétit. Descendue à terre, tôt le matin, elle creuse un nid au pied de son arbuste d'adoption en grattant le sol de ses pattes avant. La tâche est rude et il lui faut plus d'une journée pour achever son nid. Quand celui-ci atteint de 10 à 20 cm de profondeur, elle y dépose de 6 à 40 œufs oblongs. S'il arrive qu'ils tombent à côté, elle les ramasse avec ses doigts et les replace avec les autres. Puis elle recouvre le tout de terre. Dès lors, comme tous les reptiles, à l'exception des caïmans et des pythons, la femelle n'a plus aucun contact avec sa progéniture. Les œufs restent en place dans le sol plusieurs mois et n'éclosent qu'entre mai et août, selon la température et l'humidité ambiantes du sol. Ralenti pendant l'hiver, ce développement peut durer six mois chez les caméléons des régions chaudes. Quand les œufs éclosent, les petits découvrent seuls comment chasser et, quelques jours après, ils se dispersent.
Si la plupart des caméléons sont ovipares, il existe aussi des espèces ovovivipares, comme Bradypodion pumilum dans Afrique méridionale et Chamaeleo bitaeniatus en Afrique orientale. La femelle porte les œufs dans son ventre pendant tout le développement embryonnaire et met au monde des petits qui rompent la membrane de l'œuf à la sortie du cloaque maternel. Mais, là encore, dès qu'il est né, le jeune caméléon se débrouille seul.
Pour tout savoir sur les caméléons
Caméléon commun (Chamaeleo chamaeleon)
Comme tous les membres de sa famille, le caméléon commun a le corps comprimé latéralement, ce qui, vu de face, lui donne l'air maigre. Il n'a pas de crête dorsale très marquée. Les crêtes osseuses de son crâne forment à l'arrière de sa tête une protubérance en forme de cimier de casque. Le caméléon commun peut arborer de nombreux tons de vert brillant, vert jaune ou olivâtre, présenter tous les tons de gris, du blanchâtre au noir, devenir brun rouge, mais il ne peut s'orner d'une robe d'un bleu éclatant comme le caméléon de Parson. En période de reproduction, le mâle est plus coloré que la femelle, pour mieux intimider ses rivaux.
Chez le mâle, la queue, plus longue, présente un renflement à la base de chaque côté du cloaque, là où se trouve l'appareil copulateur, ou hémipénis.
L'adaptation arboricole est poussée très loin, grâce à la réunion des doigts et des orteils en éléments opposables et à la queue préhensile.
Les caméléons réagissent très nettement aux bruits, mais l'audition ne joue qu'un rôle secondaire. La réduction des bulbes olfactifs du nez entraîne une déficience de l'odorat. Le sens le plus développé est la vision. La répartition spectrale de la vision est très proche de celle de l'homme, excluant l'ultraviolet et l'infrarouge. Six muscles activent la pupille et la braquent rapidement dans toutes les directions suivant un arc proche de 180°.
Appareil très perfectionné, la langue peut être dardée sur une longueur supérieure à celle du corps du caméléon grâce à des disques (nommés Z) intercalés dans les fibres musculaires autorisant à la fois une forte contraction et une grande vitesse. Le fourreau où joue le pédoncule lingual ne communique pas avec les voies respiratoires.
Le caméléon possède des dents toutes de même taille, avec lesquelles il mâchonne les grosses proies avant de les avaler, mais qui lui servent surtout à mordre ses adversaires.
Le caméléon respire par les narines. Ses poumons présentent des prolongements grêles et ramifiés, les sacs aériens, qui s'insinuent entre les viscères. La circulation pulmonaire n'est pas réellement indépendante de la circulation sanguine générale, malgré la séparation des courants veineux et artériel. Le cœur a un seul ventricule, pas entièrement cloisonné.
Comme la plupart des reptiles, le caméléon est un animal « à sang froid » (poïkilotherme), en fait qui prend la température du milieu ambiant ; il se réchauffe le matin en s'exposant au soleil. L'animal peut s'hydrater par la peau, celle-ci absorbant les gouttes d'eau comme du papier buvard.
Comme chez les autres lézards, la peau du caméléon est entièrement recouverte d'écailles, toutes de taille égale, qui correspondent à un épaississement de la couche cornée. Les écailles de la tête sont bien différenciées et portent chacune un nom ; certaines se transforment en épines, en cornes ou en crêtes. La peau a la particularité de croître périodiquement tout au long de la vie de l'animal, ce qui aboutit à la superposition de deux générations épidermiques successives et à la chute de l'une d'elles par la mue (plusieurs par an). Le caméléon grandit durant toute sa vie, mais on constate un ralentissement de la croissance et donc des mues chez les animaux âgés.
La faculté qu'ont les caméléons de changer de couleur se trouve chez de nombreux autres lézards et serait liée à l'action des nerfs spinaux, de l'hypophyse et de la glande médullosurrénale.
4 sous-espèces
On distingue quatre sous-espèces du caméléon commun : Chamaeleo chamaeleon chamaeleon, en Afrique du Nord, en Arabie, en Espagne, en Inde et au Sri Lanka ; C. c. musae, dans la péninsule du Sinaï ; C. c. orientalis, en Arabie ; C. c. recticrista, à Chypre, en Israël, au Liban et au Moyen-Orient, .
CAMÉLÉON COMMUN | |
Nom (genre, espèce) : | Chamaeleo chamaeleon |
Famille : | Chaméléonidés |
Ordre : | Squamates |
Classe : | Reptiles |
Identification : | Corps comprimé latéralement ; casque bien marqué et haut ; absence d'éperon au talon ; légère crête dorsale ; peau écailleuse ; queue enroulée ; doigts griffus en pinces ; langue protractile |
Taille : | De 20 à 48 cm |
Répartition : | Sud de la péninsule Ibérique, Crète, Sicile, Malte, sud du Péloponnèse, Afrique du Nord, Arabie, Asie méridionale |
Habitat : | Dunes, forêts littorales, zones désertiques, savanes arbustives |
Régime alimentaire : | Insectes, surtout orthoptères, diptères et lépidoptères |
Structure sociale : | Solitaire |
Saison d'accouplement : | Août et septembre (Europe) |
Saison de ponte : | D'octobre à décembre (Afrique du Nord) |
Nombre d'œufs par ponte : | De 6 à 12 (exceptionnellement 40) œufs de forme oblongue (longueur : de 10 à 19 mm, largeur : de 8 à 12 mm) |
Durée d'incubation : | De 6 à 9 mois selon la température extérieure |
Taille des nouveau-nés : | 35 mm du museau à la base de la queue |
Longévité : | Quelques années |
Statut : | Espèce protégée ; capture, commerce et détention interdits ; inscrit en Annexe II de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction ) et de la convention de Berne |
Signes particuliers
Œil
L'œil, gainé d'une grande paupière de peau fine et grenue, a la forme d'une poire. Chaque œil pivote indépendamment. Il se rétrécit en une étroite fente au repos. Sa cornée, très petite relativement à la taille du globe oculaire, est très mince, n'atteignant que 16 microns d'épaisseur. Comme tous les lézards diurnes, le caméléon a une rétine formée uniquement de cellules en cônes, mais de cinq sortes différentes et serrés les uns contre les autres, qui donnent une vision centrale étalée. Le champ visuel peut se comparer à celui d'un téléobjectif de 100-135 mm.
Oreille
Comme tous les reptiles, le caméléon n'a pas d'oreille externe. Son tympan est quasiment inexistant et sa caisse s'étend jusqu'à la région œsophagienne. Malgré une oreille moyenne rudimentaire, le caméléon réagit à des stimuli auditifs. Mais il capte mieux les vibrations que les bruits qui les ont émises.
Queue
Dans la continuité de la colonne vertébrale, la queue est couverte d'écailles, comme le reste du corps. Dotée de muscles puissants, elle s'amincit progressivement jusqu'à son extrémité. Elle est d'une grande solidité, car les apophyses articulaires de ses vertèbres sont toujours face à face, quelle que soit l'importance de flexion des vertèbres les unes par rapport aux autres.
Pattes
L'adaptation à la vie arboricole a entraîné une diminution du nombre des os du tarse et du carpe. Les métatarsiens s'articulent en deux groupes distincts opposables l'un à l'autre. Chaque ensemble est gainé dans une sorte de moufle d'où émergent seulement les griffes.
Les autres caméléons
La famille des caméléons, ou chaméléonidés (Chamaeleonidae), fait partie du sous-ordre des iguanes (Iguania), avec les iguanes vrais et les agames, dont ils se distinguent par des particularités physiologiques et surtout par leur façon de chasser avec leur langue. Cette spécificité leur a valu autrefois d'être appelés Rhiptoglossa (littéralement : jeter la langue).
Les chaméléonidés contemporains ont une distribution limitée à l'Ancien Monde, avec la plus forte concentration d'espèces en Afrique orientale et à Madagascar, et des ramifications vers l'Afrique occidentale, l'Afrique du Sud, la péninsule Ibérique, le Moyen-Orient jusqu'à l'Inde et Sri Lanka à l'est.
Toutes les espèces ont, comme le caméléon commun, un corps aplati latéralement, un crâne élevé et étroit, des mains et des pieds transformés en pinces, des yeux mobiles et indépendants, une langue protractile. Toutes sont arboricoles. La famille des chaméléonidés est divisée en six genres : Chamaeleo, Brookesia, Furcifer, Bradypodion, Calumma, Rhampholeon.
Le genre Chamaeleo
Il regroupe des caméléons à queue longue, enroulable et toujours préhensile, à doigts griffus, ayant la particularité de pouvoir changer de couleur. Certains dépassent 60 cm de longueur.
Une cinquantaine d'espèces recensées (plus de nombreuses sous-espèces), dont une trentaine à Madagascar. À ce genre appartiennent, outre le caméléon commun, le caméléon de Hoehneli (Chamaeleo hoehnelii), reconnaissable à son museau retroussé et à son casque proéminent, qui vit dans les montagnes d'Afrique orientale ; et Chamaeleo gracilis qui se rencontre en Afrique intertropicale. Quelques espèces sont spectaculaires, notamment :
Caméléon de Jackson (Chamaeleo jacksonii)
Peut atteindre une trentaine de centimètres. Le mâle ressemble à un tricératops miniature avec ses 3 longues cornes. Chez la femelle, seule la corne du museau est bien marquée, mais petite. Coloration générale terne : vert bouteille avec marbrures sombres ; écailles des lèvres et de la crête dorsale mordorées.
Répartition : forêt et montagne (jusqu'à 3 000 m d'altitude) ; Kenya et Tanzanie.
Alimentation : insectes.
Statut : indéterminé.
Caméléon à bandes latérales (Chamaeleo lateralis)
Longueur totale de 20 à 29 cm ; queue plus longue que le corps, surtout chez le mâle. Crêtes gulaire et ventrale peu marquées, crête dorsale formée d'une double série de granules. Pas d'appendice rostral ni de lobes occipitaux. Coloration très variable, parfois entièrement vert clair, parfois orné de motifs réticulés bleus, jaunes, rouges et noirs, quand le caméléon est excité ou que la femelle est gravide. Une ligne blanche, entourée d'anneaux noirs chez certains, orne souvent le ventre et les flancs.
Répartition : forêts, savanes, jardins, à Madagascar (sauf Nord et Nord-Ouest).
Alimentation : insectes.
Statut : espèce commune.
Caméléon à capuchon (Chamaeleo brevicornis)
Longueur totale : de 25 à 37 cm ; queue plus longue que le tronc ; crête pariétale peu marquée ; crête gulaire absente ou très fine ; 2 grands lobes occipitaux, « en oreilles d'éléphant », pourvus de grandes écailles ; crête dorsale formée de tubercules petits, pointus, irréguliers. Mâle : rostre unique, long de quelques millimètres, formé de la fusion des deux écailles du bout du museau. Femelle : le rostre n'est qu'un bourrelet osseux. Deux types de robe : gris clair avec marbrures sombres ou bien rouge-brique à brun noirâtre.
Répartition : forêts, même en altitude ; est et nord (montagne d'Ambre) de Madagascar et île Nosy Boraha.
Alimentation : insectes.
Caméléon nez fourchu (Chamaeleo bifidus)
Mâle pouvant dépasser 40 cm, caractérisé par deux longs appendices rostraux osseux horizontaux ; femelle n'atteignant pas 30 cm, sans appendices rostraux. Crêtes pariétale et gulaire absentes, crête dorsale, formée de tubercules pointus épars et courts, s'interrompant à l'arrière du corps. Chez le mâle, dos et flancs uniformément vert foncé (parfois présence d'une bande claire) ou gris noirâtre, avec ventre blanc sale ; femelle gris-bleu.
Répartition : forêts, côte est de Madagascar.
Alimentation : insectes.
Le genre Brookesia
Une trentaine d'espèces endémiques de Madagascar.
Ces caméléons ne changent pas de couleur de façon aussi spectaculaire que ceux du genre Chamaeleo, et présentent des épines sur le dos, de chaque côté des vertèbres ; leur queue est courte et rarement préhensile. Ils se nourrissent surtout de petits insectes.
Les caméléons de ce genre sont dans l'ensemble très petits. Brookesia minima, avec 3 cm de long, est le plus petit. En Afrique, seul Brookesia spectrum a une vaste aire de répartition et atteint l'Ouest (Congo, Cameroun).
Caméléon du Marojezy (Brookesia betschi)
Moins de 6 cm, dont 2 cm de queue. Corps subcylindrique dépourvu de crête dorsale, mais orné d'une dizaine de paires d'épines paravertébrales et d'une onzième paire dans la région sacrée, plus développée, formant un losange. Présence de 2 cornes supraorbitaires, plus longues chez le mâle. Ce dernier est gris-beige avec 2 taches jaunes et vertes sur la tête.
Répartition : forêt humide aux arbres couverts de lichens de moyenne altitude (de 1 300 à 1 450 m) du Marojezy ; Madagascar.
Statut : espèce rare.
Brookésie à sourcils saillants (Brookesia superciliaris)
De 8 à 9 cm ; véritable casque à pointe dirigé vers l'avant, caractéristique.
Répartition : de 600 à 1 200 m d'altitude ; Madagascar.
Le genre Furcifer
Une vingtaine d'espèces de Madagascar, dont le spectaculaire caméléon panthère.
Caméléon panthère (Furcifer pardalis)
Femelle brunâtre (30 cm max.), mâle vert (jusqu'à 44 cm) ; bandes verticales et longitudinales sur le corps ; crêtes orbitales proéminentes à l'avant du museau du mâle ; cônes dorsaux plus nombreux chez la femelle.
Répartition : forêts dégradées à climat chaud et très pluvieux, à Madagascar (entre Tamatave et Majunga), arbustes autour de l'étang de Saint-Paul, au nord-ouest de l'île de la Réunion (introduction par l'homme).
Alimentation : petits invertébrés et vertébrés vivants, y compris de jeunes caméléons ; végétaux à l'occasion.
Statut : commun sur son aire malgache. Importé et acclimaté à La Réunion, il y est très localisé, donc fragile.
Le genre Calumma
Une trentaine d'espèces de Madagascar.
Caméléon de Parson (Calumma parsonii)
L'un des plus grands caméléons. Couleur variable, du jaune au turquoise en passant par le vert. Deux sous-espèces : C. p. parsonii, qui peut atteindre 68 cm de long ; C. p. cristifer, qui mesure en moyenne 47 cm. Ce dernier présente une petite crête dorsale.
Répartition : forêts du centre-est de Madagascar
Alimentation : gros insectes et petits vertébrés vivants.
Statut : menacé dans le passé par des collectes pour le marché international, aujourd'hui par la destruction de son habitat.
Le genre Bradypodion
Le genre Bradypodion regroupe environ 25 espèces en Afrique méridionale et orientale.
Le genre Rhampholeon
Il regroupe une quinzaine d'espèces africaines, de couleur beige à brune. Il comprend plusieurs espèces de petite taille communément appelées « caméléons nains ».
Milieu naturel et écologie
En Europe, le caméléon commun habite les régions littorales dans les dunes et les forêts de pins ou d'eucalyptus. Très exposées au vent comme au soleil, les dunes subissent au cours de l'année des écarts de température allant de 10 à 30 °C. L'espèce ne semble pas souffrir du froid et vit jusqu'à 1 750 m dans l'Atlas, en Afrique du Nord, et jusqu'à 1 000 m dans les montagnes du Taurus, en Turquie. Selon le Français Robert Bourgat, l'amplitude, c'est-à-dire la variation de température au cours d'une journée, en Afrique du Nord atteint fréquemment 40 °C. On imagine par quelles couleurs de l'arc-en-ciel passe la robe du caméléon du matin jusqu'au soir avec de telles variations thermiques.
Tous les caméléons sont arboricoles, mais pas pour autant forestiers. Certains caméléons peuvent habiter, en Afrique du Nord, au Proche-Orient ou en Europe méridionale, des zones arides, voire désertiques, à végétation arbustive très espacée, comme c'est le cas par exemple de Chamaeleo chamaeleon ou de Chamaeleo calytratus. À Madagascar, les nombreuses espèces présentes se répartissent dans des biotopes très variés allant du jardin urbain aux forêts caducifoliées (arbres à feuilles caduques) de l'Ouest, en passant par les étendues forestières d'altitude et celles des zones tropicales ou équatoriales humides. La place des caméléons dans ces écosystèmes est aussi variable que ces écosystèmes eux-mêmes, représentant des extrêmes, du désert brûlant et sec à la forêt humide et froide.
Sensibles à la lumière et à la chaleur
Les variations des teintes des caméléons ne relèvent pas du mimétisme comme on l'a cru longtemps. Elles dépendent des réactions de l'animal, mais surtout des changements thermiques de son environnement et de l'intensité lumineuse qui influent sur le fonctionnement des chromatophores. Ainsi, dans l'obscurité ou la nuit, le caméléon commun « perd » toutes ses couleurs : lorsqu'il est au repos, il devient blanchâtre, livide. On connaît certains des facteurs intervenant dans ce phénomène spectaculaire de changement de couleur, et notamment la lumière. Par exemple, si l'on place l'une des faces du tronc d'un caméléon commun sous les rayons directs du soleil et que l'on cache l'autre face, on constate, après un quart d'heure, que la face ensoleillée a viré au brun sombre, alors que la face restée à l'ombre est devenue très pâle et tachetée de vert (cependant, si l'animal a froid, il devient entièrement sombre pour mieux capter les radiations solaires). Si l'ensemble du corps est soumis à la lumière, il devient uniformément brun sombre. Une autre expérience a montré que si l'on intercale un grillage entre l'animal et le soleil, l'ombre portée par les mailles va s'imprimer en jaune vif sur les flancs sombres ! Enfermé dans une boîte noire à une température de 25 °C, le caméléon prend une teinte vert brillant. Dans les mêmes conditions, mais à une température de 10 °C, sa peau tourne au gris terne.
Les autres lézards, proies ou rivaux ?
Les caméléons ont des relations un peu particulières avec les autres lézards, eux aussi insectivores. Dans certaines régions, comme en Afrique du Nord, seuls les caméléons sont arboricoles, ils n'entrent donc pas en compétition avec les lézards dans la recherche de leur alimentation. Mais ces derniers sont parfois la proie de certains grands caméléons qui n'hésitent pas à s'en nourrir, à l'occasion.
Des ennemis mal connus
Il semble que le plus grand nombre de prédations aient lieu lorsque les caméléons se déplacent maladroitement à terre, et qu'elles soient le fait d'espèces très diverses. Dans les arbres et les arbustes, où l'animal est nettement plus à l'aise, ce sont surtout des oiseaux diurnes que les caméléons doivent se protéger. Les serpents arboricoles sont également parfois susceptibles de s'approcher et de capturer un caméléon sur sa branche. Ainsi, en Europe, les deux principaux ennemis du caméléon commun sont un rapace, le busard cendré (Circus pygargus) et un reptile, la couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus).
Au moment de la mue, le caméléon est moins alerte et devient une proie plus facile. La mue a lieu 3 ou 4 fois par an, toute sa vie, quand l'animal est en bonne santé. Lorsque les conditions sont mauvaises et que l'animal est dénutri ou malade, il devient gris terne et sa mue, laborieuse, peut durer plusieurs mois.
Pendant la phase qui précède la mue, l'animal perd l'appétit et ralentit ses déplacements. La cornée s'opacifie, devient bleutée. Tout le corps prend bientôt une teinte bleuâtre sous l'effet de la lymphe, qui s'infiltre entre l'ancien épiderme et la nouvelle peau, formée de cellules peu kératinisées. Puis le vieil épiderme se détache par plaques depuis la commissure des lèvres jusqu'au dessous des pattes. Le caméléon, gêné par ces lambeaux de peau, se frotte contre des branches pour s'en débarrasser.
Les caméléons et l'homme
Fragile et mal aimé
Les rapports entre l'homme et le caméléon sont rarement agréables pour ce dernier ; et les légendes selon lesquelles le caméléon porte malheur ne suffisent pas à décourager certains de le capturer, provoquant ainsi la mort de cet animal inoffensif.
Menacé par les hommes
La pire menace que l'homme fasse peser sur le caméléon est la destruction de son biotope, notamment à cause de la déforestation. Le problème est particulièrement patent à Madagascar. Les deux autres causes principales de raréfaction des caméléons sont l'extermination de ses proies par des produits chimiques (pesticides) et le trafic pour le marché des animaux de compagnie. Pourtant, conserver un caméléon captif en bonne santé tient de l'exploit, et sa mise en terrarium est souvent suivie d'une mort rapide. Un trafic des espèces les plus rares, même protégées par la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction), persiste. Le caméléon commun, capturé et vendu aux touristes sur les marchés en Afrique du Nord, meurt le plus souvent rapidement, parfois après quelques jours seulement, faute d'insectes à se mettre sur la langue ou d'un environnement adapté.
Un animal sacré au rôle purificateur
Chez les Dogons du Mali, le caméléon figure dans les sanctuaires et apparaît dans les rituels comme l'animal purificateur, protecteur de la Terre et des hommes.
Pour les Pygmées Mbuti, le caméléon Aruméi aurait aidé le dieu Aribati dans sa création du monde. Cet animal sacré est aussi pour eux un objet de crainte, car ils le croient capable de manipuler l'éclair et lui attribuent la responsabilité du déluge : au temps où la Terre était vide de toute eau, Aruméi était grimpé sur le grand arbre Tii, qu'il avait fait pousser pour se rapprocher d'Aribati. Entendant des murmures à l'intérieur du tronc, il fendit l'arbre. Aussitôt, un fleuve d'eau en sortit et submergea la Terre.
Porte-malheur ou porte-bonheur
À Madagascar, le caméléon n'est pas vraiment fâdy (tabou), mais, chez certaines ethnies, rencontrer l'animal annonce un malheur à venir dans la famille, surtout si le promeneur marche dessus (le premier malheur est donc pour le caméléon !). Les auteurs anciens racontent que, sur la côte orientale de la Grande Île (aujourd'hui Madagascar), le caméléon était autrefois redouté des femmes célibataires, qui l'accusaient de pouvoir leur crever les yeux d'un coup de langue et de les empêcher ainsi de trouver un mari. En République centrafricaine aussi, on prétend qu'il peut attaquer en crachant dans les yeux une salive qui rend aveugle. Afin de se protéger contre ces dangers imaginaires, l'homme a tué l'animal pour lui prélever un fragment de peau ensuite porté au cou, séché dans un sachet, comme gri-gri.
En Afrique du Nord et en Espagne, au contraire, le caméléon est perçu comme un porte-bonheur. Mais, là encore, il s'est trouvé transformé en gri-gri .Dans certaines régions cependant, sa présence près de la maison est considérée comme bénéfique.
Proverbes et légendes de Madagascar
Le caméléon, avec sa maigreur, ses étranges excroissances, ses curieuses réactions de défense, ses yeux qui peuvent regarder dans des directions différentes, sa marche lente et ses possibilités de changement de couleur, a toujours frappé les imaginations et inspiré de nombreux proverbes tels que ceux cités par Raymond Decary dans son ouvrage Faune malgache (1950) : « N'imite pas le caméléon qui se gonfle d'autant plus que les amis qu'il rencontre sont faibles et malheureux » ; « Le destin est comme le caméléon sur un arbre, il suffit quelquefois qu'on siffle pour qu'il change de couleur » ; « Fais comme le caméléon en marche : regarde en avant et, en même temps, observe ce qui est derrière »...
L'origine des caméléons fait également l'objet de récits fabuleux. Ainsi, des légendes malgaches veulent que les caméléons soient le résultat de la transformation d'escargots de la forêt, ou encore qu'ils naissent de certains œufs de crocodiles.