Rhin
en allemand Rhein, en néerlandais Rijn
Fleuve d'Europe occidentale, dans les Alpes et qui se jette dans la mer du Nord au Pays-Bas ; 1 320 km.
GÉOGRAPHIE
Le cours du Rhin s'est établi tardivement. Au cénozoïque supérieur, les eaux des actuels bassins du Rhin et du Rhône valaisan se dirigeaient vers les mers qui occupaient alors la plaine hongroise. Au pliocène, l'Aar s'est dirigée non plus vers le nord-est mais vers la porte d'Alsace et la Saône, avant de s'orienter vers le nord pour rejoindre le Rhin moyen. Jusqu'au paléolithique, le Rhin alpin a continué à alimenter le Danube puis, à son tour, s'est détourné de lui pour prendre son tracé actuel vers l'ouest. Le Rhin traverse ainsi des régions très différentes, ce qui se répercute sur son régime et sur ses possibilités d'utilisation. Mais son cours, anciennement endigué et corrigé, constitue la plus importante artère fluviale européenne.
Le cours supérieur, jusqu'au lac de Constance, est celui d'un torrent alpin typique, formé par la réunion du Rhin antérieur (Vorderrhein), né dans le massif du Saint-Gothard, et du Rhin postérieur (Hinterrhein), issu du massif de l'Adula : les eaux proviennent de la haute montagne, ce qui assure une alimentation nivo-glaciaire, avec un maximum d'été (le débit de juin est de 524 m3s à l'entrée du lac de Constance, contre 71,2 m3s en février). La vallée est une auge façonnée par le glacier quaternaire du Rhin ; le fond est remblayé de cailloutis en forte pente. C'est une grande voie d'accès vers les cols des Grisons, très utilisés au Moyen Âge, et empruntés aujourd'hui surtout par les touristes. C'est aussi une importante région productrice d'électricité.
À partir du lac de Constance, le Rhin s'engage dans une vallée assez étroite, entaillée à travers les calcaires du Jura (chute du Rhin à Schaffhouse). L'alimentation locale, de type pluvio-nival, tend à provoquer des maximums secondaires vers le printemps et l'automne, ce qui, joint aux influences pondératrices du lac de Constance et des lacs du bassin de l'Aar, régularise sensiblement les débits, sans supprimer cependant le très net maximum d'été. La proximité de Bâle a entraîné la construction de nombreuses centrales hydroélectriques, de basse chute, exploitées en partie en commun par la Suisse et l'Allemagne fédérale. On trouve là un des principaux centres de l'électrochimie helvétique.
À Bâle, le Rhin sort de la partie alpine de son bassin, qui constitue 22,5 % de sa superficie totale, mais qui donne 43 % des eaux (plus de 1 000 m3s) ; il entre dans la zone hercynienne et suit le fossé d'effondrement d'Alsace et de Bade, qu'il a puissamment contribué à remblayer au quaternaire avec ses nappes de cailloutis fluvio-glaciaires alpins. Les plus récents dépôts, d'âge würmien, très peu altérés et infertiles, couverts de forêts et de prairies, ne portent que de maigres cultures. À l'état naturel, le Rhin dessinait des méandres divagants dans cette région en cours d'affaissement. Un lit artificiel a été creusé au cours de la seconde moitié du xixe s., et le fleuve est aujourd'hui enfermé entre des digues. Les ravages des inondations ont été en grande partie arrêtés ; mais le raccourcissement du fleuve, en augmentant sa puissance érosive, a provoqué la mise à nu des barres de calcaire que recouvraient ses alluvions (Istein) et l'enfoncement de la nappe phréatique, phénomène grave pour l'agriculture. Au moyen d'épis, les Allemands avaient rendu le fleuve navigable jusqu'à Mannheim. Après 1918, la France a reporté le terminus de la navigation rhénane à Strasbourg, puis, avec la construction du canal de Kembs (1928-1933), qui contourne la basse d'Istein, à Bâle. L'aménagement du grand canal d'Alsace double le Rhin d'une voie d'eau moderne et fournit une importante production d'électricité.
Après Kehl, le fleuve reçoit l'Ill (rive gauche). Dans ce secteur, le régime du Rhin se modifie sensiblement, surtout en aval des confluences du Neckar (rive droite) et du Main (rive droite), en amont de Mayence, qui apportent les eaux de l'Allemagne du Sud ; leur régime, nettement nivo-pluvial, diminue les maigres d'hiver.
Au-delà de Bingen, le Rhin quitte le fossé d'effondrement et amorce la traversée du Massif schisteux rhénan par la « Trouée héroïque », vallée très encaissée, antécédente par rapport au soulèvement qui s'est continué jusqu'au quaternaire. Des barres de quartzites, notamment au Binger Loch, ont gêné la navigation jusqu'à ce qu'on les entaille artificiellement, à la fin du xixe s. Cette vallée du Haut-Rhin moyen, très pittoresque, avec ses vignobles et ses « burgs » en ruine, est aujourd'hui une grande région de tourisme et a été inscrite sur la liste du patrimoine mondial par l'Unesco en 2002. Le fleuve reçoit la Lahn (rive droite), puis, à Coblence, la Moselle (rive gauche), qui contribue, comme le Main et le Neckar, à atténuer le caractère alpestre de son régime. À Bonn, à la sortie du Massif schisteux rhénan, le Rhin entre définitivement en plaine. À Cologne, les crues sont plus étalées. Les maigres d'hiver disparaissent et font place à des maigres d'automne, peu accentués d'ailleurs. Les conditions sont excellentes pour la navigation, avec un débit de 1 120 m3s en basses eaux et de 1 750 m3s en eaux moyennes. Le fleuve dessine de gigantesques méandres dans le fossé d'effondrement du bassin de Cologne, au milieu des terrasses anciennes déformées et des terrains tertiaires à lignites. En aval de Cologne, une superficie représentant 15 % du bassin ne fournit au Rhin que 8 % de ses eaux, de sorte que le régime ne se modifie guère. La faible pente le régularise en provoquant un amortissement des crues. La pondération du régime n'exclut pas de forts écarts : crues (maximum de 13 000 m3s à Lobith, en 1926) et profonds étiages, certaines années. Les glaces qui se forment à l'aval, en hiver, perturbent souvent l'écoulement et peuvent produire des embâcles qui sont remontées quelquefois jusqu'à 300 km en amont de l'embouchure. Le Rhin reçoit la Ruhr (rive droite) à Duisburg, puis la Lippe (rive droite).
Un peu en aval de la frontière néerlandaise commence le delta : le cours du fleuve se divise en bras dont le tracé a beaucoup varié avant que l'homme ne les fixe. L'IJssel rejoint l'ancien Zuiderzee près de Kampen ; le Vieux Rhin passe par Utrecht et Leyde, envoyant un défluent vers Amsterdam ; le bras principal, le Waal, a été séparé de la Meuse en plusieurs endroits avant de la rejoindre dans le Hollands Diep ; le Lek, enfin, se dirige vers Rotterdam et a été prolongé par la Nieuwe Maas et la Nieuwe Waterweg, voie entièrement artificielle accessible aux plus gros bâtiments de mer. Les grands travaux récents sur le Rhin en Hollande font partie d'un plan général d'aménagement des eaux, visant non seulement à améliorer la navigation comme l'accès au Rhin des ports de l'embouchure, mais aussi à protéger les nouveaux polders et à fournir les quantités d'eau nécessaires à leur mise en valeur. D'immenses digues (plan Delta, achevé en 1986) ont transformé les bras de mer de Zélande en étendues d'eau douce, des canaux, des barrages et des écluses ont été construits, assurant une nouvelle répartition des eaux du fleuve et leur entier contrôle.
La pollution croissante des eaux du Rhin, due aux rejets d'eau résiduaire par les industries et les agglomérations, fait problème pour les États riverains, surtout pour les Pays-Bas, qui trouvent dans le fleuve leur principale source en eau (la situation s'est toutefois largement améliorée aujourd'hui, sous l'impulsion notamment de la Commission internationale pour la protection du Rhin).
Le Rhin ouvre, de Bâle à la mer, une remarquable voie de communication, qui fit, dès le Moyen Âge, la prospérité des villes situées près de ses rives. Au xixe s. et au xxe s., ce rôle économique s'est encore accentué avec le développement de l'industrie moderne et Rotterdam est devenu l'un des principaux ports du monde. L'aménagement du fleuve a donné à la flotte rhénane des caractères particuliers : de gros remorqueurs d'une puissance de 2 000 ch et plus et des convois poussés de 5 000 t peuvent remonter, en hautes eaux, jusqu'à Bâle. Le fleuve est jalonné de ports actifs. Les facilités de la navigation rhénane ont joué un rôle capital dans l'essor de la Ruhr (avec les ports de Duisburg, Mannheim et Ludwigshafen), et, grâce à elle, Bâle a pu devenir le principal débouché de la Suisse, avec un trafic de 10 Mt de marchandises. À Strasbourg, le trafic est de 9 Mt. Le Rhin inférieur, en aval de Cologne, est l'un des fleuves les plus fréquentés du monde, avec près de 135 Mt de trafic à la frontière germano-néerlandaise, minerais et hydrocarbures vers l'amont, matériaux de construction et produits sidérurgiques vers l'aval. Par ailleurs, la liaison Rhin-Main-Danube a été mise en service en 1992. Le Rhin alimente aussi des centrales hydroélectriques et fournit l'eau de refroidissement de centrales nucléaires.
DROIT INTERNATIONAL
Prévu par l'acte final du congrès de Vienne, le régime d'internationalisation du Rhin a été institué par les conventions de Mayence (31 mars 1831) et de Mannheim (17 octobre 1868). La Commission centrale du Rhin comprenait les représentants des États riverains ; elle établissait des projets, contrôlait les travaux effectués par les riverains, et jugeait, en appel, les litiges relatifs à la navigation sur le Rhin. Modifié par le traité de Versailles (1919) et repris après la Seconde Guerre mondiale, le régime est dorénavant plus largement ouvert (aux non-riverains, comme les États-Unis, membres de la Commission à partir de 1950) et plus contraignant, puisque la Commission a un véritable pouvoir réglementaire. Les flottes les plus représentées sont celles de l'Allemagne fédérale et des Pays-Bas, puis de la France, de la Suisse, de la Belgique. Le parc français, reconstitué au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, a été groupé en un consortium unique.