psychose
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Psychologie
Altération morbide de l'état mental désignant une perte du sens de la réalité que le malade ne reconnaît pas.
Le mot a été proposé au début du xixe s. par le psychiatre allemand E. Feuchterleben. Il a remplacé « folie » (qui est normatif et pas descriptif) et « aliénation mentale » (dont l'usage stigmatisant était lié aux effets médico-légaux de l'altération du jugement). Il n'implique pas d'étiologie psychique : la psychose de Korsakoff est organique (en général, démence alcoolique). On préfère toutefois psychose à démence pour souligner l'aspect psychique et relationnel du trouble, et le mot désigne alors les « folies essentielles » (sans lésions cérébrales) : paranoïa, mélancolie, etc. Les critères de Kraepelin (chronicité, évolution et endogénéité) dominent les nosographies actuelles.
Caractériser la psychose soulève tous les problèmes liés à la détermination de ce qu'on entend par réalité et croyance raisonnable dans cette réalité. Certaines psychoses juxtaposent à un comportement assez adapté des délires proliférants (paraphrénies), d'autres enracinent le délire dans l'interprétation de certains traits de la réalité (psychoses « déréalistes » et « réalistes » de Dumas). La conviction radicale oscillant sans dialectique avec la perplexité complète est un trait subjectif ordinaire. Comme la psychose n'est pas toujours déficitaire, elle peut soulever de redoutables difficultés de distinction d'avec la raison, voire l'originalité du caractère (Vouloir changer de sexe est-il un droit ou une maladie mentale ? Le testament d'un persécuté, qui est partial, est-il valide ?). Enfin, perdre le sens de la réalité commune n'est pas vivre sans un « monde » éventuellement cohérent, phénoménologiquement descriptible (Binswanger). Il y a des tentatives cognitivistes d'expliquer certaines psychoses schizophréniques en termes de déficit neuropsychologique (Frith), mais elles portent avant tout sur les symptômes négatifs (inhibition, ralentissement, etc., donc sur des aspects plutôt démentiels). Des modèles naturalistes raffinés s'efforcent également de vérifier sur la psychose des théories portant sur l'intentionnalité de l'action et ses perturbations (Proust et Jeannerod). Opposer névrose et psychose exige une théorie structurale. La psychose, ainsi, est une organisation interne du psychisme (repli sur le moi et déni de la réalité chez Freud), ou relève de modalités subjectives distinctes du rapport au corps, au langage et à la vérité (Lacan).
Pierre-Henri Castel
Notes bibliographiques
- Binswanger, L., Le cas de Suzan Urban, Paris, 1958.
- Joseph, I., et Proust, J. (éd.), La folie dans la place, École des hautes études en sciences sociales, Paris, 1996.
- Lacan, J., Les psychoses, Seuil, Paris, 1981.
→ concernement, délire, déraison, folie, névrose