providence

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin providentia, de providere, « voir avant », « prévoir », « pourvoir ».

Philosophie Générale, Morale, Philosophie de la Religion

Attribut divin ou action par laquelle Dieu guide le cours des événements en fonction de la fin qu'il leur assigne. La doctrine de la providence divine ou de la providence naturelle s'oppose à l'idée de hasard.

Par la providence, Dieu exprime sa toute-puissance et son omniscience. Il s'efforce par là de mener à bien son projet ordonné concernant le monde. Cette hypothèse rencontre des problèmes : qu'en est-il du mal, du désordre ? Qu'en est-il de la liberté de l'homme ? Ces problèmes sont résumés dans l'expression selon laquelle les décrets de la providence seraient impénétrables.

Sénèque consacre un traité à ce sujet(1) : il montre à cette occasion que l'adversité permet d'exercer sa vertu mais surtout, en levant la contradiction, que ces maux ne sont que des « faux » malheurs, des indifférents car la vertu mène au bonheur. Si l'on entend par providence l'ordre du monde, alors le sage précisément veut l'ordre du monde. Cet ordre naturel et providentiel est aussi nommé « destin » (heimarménè ou fatum). Calvin, dans le commentaire qu'il propose du De Clementia de Sénèque(2), reproche aux stoïciens de faire de la providence une nécessité aveugle, donc d'ôter toute sagesse et tout libre arbitre à Dieu. Les fins de Dieu ne peuvent que nous être incompréhensibles, car la sagesse divine ne peut être déchiffrée par la sagesse de l'homme(3). Idée que l'on retrouve chez Descartes quand il affirme : « il ne me semble pas que je puisse sans témérité rechercher et entreprendre de découvrir les fins impénétrables de Dieu »(4). C'est à une telle conception que s'oppose Spinoza, en dénonçant l'illusion finaliste : « et c'est ainsi de proche en proche qu'ils ne cesseront de demander les causes des causes, jusqu'à ce que tu te réfugies dans la volonté de Dieu, c'est-à-dire dans l'asile de l'ignorance »(5).

Elsa Rimboux

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Sénèque, De la Providence ou pourquoi les hommes de bien ne sont pas exempts de malheurs, malgré l'existence de la providence, in Les Stoïciens, éd. P.-M. Schuhl, Gallimard, La Pléiade, Paris, 1962, pp. 757-773.
  • 2 ↑ Battle, F.L. et Hugo, A.M., Calvin's Commentary on Seneca's De Clementia with introduction, translation and notes, Leyde, Brill, 1969.
  • 3 ↑ Moreau, P.-F., « Calvin : fascination et critique du stoïcisme », in Le stoïcisme au xvie et au xviie s., sous la direction de P.-F. Moreau, Albin Michel, Paris, 1999, pp. 51-64.
  • 4 ↑ Descartes, R., Méditations métaphysiques, IV, éd. J.-M. et M. Beyssade, Garnier-Flammarion, Paris, 1979, p. 139.
  • 5 ↑ Spinoza, B., Éthique, livre I, appendice, éd. B. Pautrat, Seuil, Paris, 1999, p. 87.

→ destin, déterminisme, Dieu, fatalisme, finalisme, grâce, hasard, mal, prédestination