prochain

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin propeanus, de propre, « près de », « le plus proche ».

Morale, Philosophie de la Religion

Tout être humain, en tant qu'il est considéré par nous comme notre semblable, comme création divine à notre égal.

Dans son Vocabulaire technique et critique de la philosophie, A. Lalande(1) reprend la conception traditionnelle du prochain, qui veut qu'à l'origine le prochain désigne le « proche », l'homme de l'entourage (famille, tribu), et que ce soit avec le christianisme que cette notion s'universalise. En particulier, la parabole du Bon Samaritain (Saint Luc, X, 29-37) montre que le prochain n'est pas seulement notre compatriote, ou le membre de notre famille, mais l'homme, tout homme.

Or, dans la Religion de la raison tirée des sources du judaïsme(2), H. Cohen montre que, dès l'Ancien Testament, le « prochain » acquiert un sens universel. Tous les hommes sont des créatures de Dieu, et je dois donc aimer le prochain non parce qu'il serait un autre « moi », mais avant tout parce que lui aussi a été créé par Dieu à sa ressemblance. Cette distinction du prochain et de l'alter ego permet d'affranchir l'amour du prochain du sentiment subjectif dont je m'aime moi-même et, ainsi, de fonder son universalité. Car l'alter ego ramène l'autre au moi, à une subjectivité, tandis qu'autrui le rapporte à Dieu, c'est-à-dire à une objectivité.

F. Rosenzweig en revient quant à lui, dans l'Étoile de la Rédemption, à l'idée de proximité contenue dans le terme de « prochain » : Le prochain, c'est le plus proche, et c'est à lui que s'adresse l'acte d'amour rédempteur de l'homme sur le monde. Il ne s'agit donc que d'une détermination formelle et non d'une détermination de contenu : « le prochain n'est pas aimé pour lui-même, il n'est pas aimé pour ses beaux yeux, mais uniquement parce que justement il est là, parce que justement il est mon prochain. À sa place – à cette place qui est pour moi justement la prochaine – il pourrait aussi bien y en avoir un autre »(3).

Sophie Nordmann

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Lalande, A., Vocabulaire technique et critique de la philosophie, II, PUF, Paris, 1993, p. 838.
  • 2 ↑ Cohen, H., Religion de la raison tirée des sources du judaïsme, chap. VIII, PUF, Paris, 1994.
  • 3 ↑ Rosenzweig, F., l'Étoile de la Rédemption, Seuil, Paris, 1982, p. 257.

→ amour de soi / amour propre, autrui, commandement, morale, personne, rédemption