personne
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Du latin persona. En grec : prosôpon, « masque de théâtre ».
Philosophie Antique et Médiévale, Métaphysique, Théologie
Sujet de droit et d'obligation dans l'ordre moral et juridique. En métaphysique, substance individuelle de nature rationnelle, caractérisée par sa singularité, son incommunicabilité, sa complétude, elle se distingue de l'individu par son appartenance au monde spirituel.
La notion de « personne » (prosôpon) n'est pas entendue, chez les penseurs grecs, dans un sens philosophique. Elle renvoie, comme pour les Latins, au masque de théâtre. C'est le stoïcisme romain, d'époque impériale, qui fera évoluer la compréhension de ce terme, à partir de l'idée de rôle assigné à chacun par le destin(1), vers celle de personne juridique, sujet de droits et de devoirs. La personne métaphysique trouve, quant à elle, sa source dans l'utilisation par les Pères grecs et latins de la notion d'« hypostase » (hupostasis). À la suite de la controverse arienne et des difficultés liées à la compréhension du mystère de la Trinité à l'aide d'instruments conceptuels philosophiques, les premiers penseurs chrétiens eurent à préciser cette notion : Dieu était trois personnes, ou hypostases, qu'ils définissaient comme « substances singulières », en une seule nature (concile de Nicée). Mais c'est Boèce qui en donnera la définition que retiendra le Moyen Âge : « La personne est une substance individuelle de nature rationnelle »(2). Elle servira avant tout dans le cadre des controverses trinitaires et christologiques du xiie s., R. de Saint-Victor étant amené à modifier la définition boécienne dans un sens moins anthropologique, en définissant la personne divine comme « existence incommunicable de la nature divine »(3). Saint Thomas d'Aquin, au xiiie s., reviendra à la définition de Boèce, en précisant cependant que « rationnel » doit être entendu au sens d'« incommunicable »(4).
Michel Lambert
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Épictète, Manuel, 17.
- 2 ↑ Boèce, Contra Eutychen et Nestorium, 3 (Patrologie Latine, 64, 1345).
- 3 ↑ Saint-Victor, R. (de), De Trinitate (Patrologie Latine, 196, 945).
- 4 ↑ Thomas d'Aquin (saint), Somme théologique, qu. 29, art. 3.
- Voir aussi : Auer, J., Person : Ein Schlüssel zum christlichen Mysterium, Ratisbonne, 1979.
- Mc Partlan, P., « Personne », in J.-Y. Lacoste, Dictionnaire critique de théologie, PUF, Paris, 1998, pp. 901-905.
- Schwöbel, C. et Gunton, C.E. (éd.), Persons, Divine and Human, Edinburgh, 1991.
→ hypostase, individu, nature, substance
Philosophie Générale, Morale
Ce qui, dans l'individu, le hisse au rang d'universel en tant qu'il est une fin en soi et lui donne sa dignité : « les êtres raisonnables sont appelés des personnes, parce que leur nature les désigne déjà comme des fins en soi, c'est-à-dire comme quelque chose qui ne peut pas être employé simplement comme moyen »(1).
L'homme est une personne en tant qu'il possède en lui la loi morale, fait de la raison(2) qui fonde sa liberté, et c'est pour cela qu'il ne peut pas exister de méchanceté absolue, qui voudrait le mal pour le mal : car, s'il est possible de ne pas entendre l'impératif catégorique, il est par contre impossible de le pervertir(3). Il n'y a dès lors « rien de plus haut pour un homme que d'être une personne »(4), qui donne à l'individu une dimension juridique, selon le droit abstrait.
La notion de personne relève de ce fait également du droit, qui se situe à deux niveaux : d'une part la « personne physique », qui est l'individu sujet au droit, et d'autre part la « personne morale », qui est une collectivité ou un État et dont la conceptualisation remonte au droit romain. Cette théorie juridique a joué un rôle fondamental au Moyen Âge, et elle se retrouve chez des auteurs comme Hobbes ou Rousseau(5).
Didier Ottaviani
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Kant, E., Fondements de la métaphysique des mœurs, 2e section, trad. V. Delbos et A. Philonenko, Vrin, Paris, 1987, p. 104.
- 2 ↑ Boèce déjà définit la personne comme « substance individuelle de nature rationnelle », Contre Eutychès et Nestorius, III, in Traités théologiques, trad. A. Tisserand, Flammarion, « GF », Paris, p. 75.
- 3 ↑ Kant, E., La religion dans les limites de la simple raison, trad. J. Gibelin et M. Naar, Vrin, Paris, 1983.
- 4 ↑ Hegel, G. W. F., Principes de la philosophie du droit, § 35, add., trad. R. Derathé, Vrin, Paris, 1986, p. 96.
- 5 ↑ Derathé, R., Jean-Jacques Rousseau et la science politique de son temps, Appendice, III, Vrin, Paris, 1988, pp. 397-410.