affirmation

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin adfirmo, « affermir », puis « affirmer ». En grec : kataphrasis, en allemand : Affirmation, Bejahung, Behauptung.

Esthétique, Logique, Morale, Politique

1. Au sens courant, proposition que l'on tient pour vraie, assertion. – 2. Au sens logique, proposition de la forme S est P, qui pose comme existante la relation entre le sujet et le prédicat.

La philosophie morale fait de l'affirmation un usage qui recoupe le langage courant et inclut l'idée de prétention ainsi que celle d'affirmation de soi. Chez Nietzsche, l'affirmation (Bejahung) désigne l'acception active du devenir et de l'éternel retour ; au lieu d'être subis comme destin ou fatalité, ils font l'objet d'une adhésion par laquelle l'individu affirme (au sens de behaupten) et reconquiert sa liberté, c'est-à-dire à la fois son « vouloir vivre » et sa capacité à poser des valeurs.

Pour les représentants de la théorie critique (Marcuse, Adorno), l'affirmation (qualifiée par le mot emprunté au français Affirmation) désigne au contraire l'adaptation et le conformisme, la perte de la vertu critique de la raison qui culmine dans le développement de la culture de masse (« industrie culturelle » – Kulturindustrie). Dans son essai de 1937, « Sur le caractère affirmatif de la culture », Marcuse expose les apories de la « culture affirmative » bourgeoise et l'évolution qui la conduit à son « autodestruction »(1). Dans sa Théorie esthétique (1970), Adorno reprend à son compte cette réflexion en qualifiant « la presque totalité des œuvres traditionnelles » d'œuvres d'art « positives ou affirmatives »(2). Pour lui, comme pour Marcuse, l'œuvre d'art affirmative condense le dilemme de toute production culturelle : le fait d'être à la fois idéologie et utopie. « Aucun art n'est dépourvu de la trace de l'affirmation dans la mesure où, par sa pure existence, il s'élève au-dessus de la misère et de l'avilissement des simples existants(3) ». Or, non seulement « l'affirmation et l'authenticité sont amalgamées », mais « le moment affirmatif se confond avec le moment de domination de la nature »(4). Par « culture affirmative », il faut entendre « la culture propre à l'époque bourgeoise, qui l'a conduite à détacher de la civilisation le monde spirituel et moral en tant que constituant un domaine de valeurs indépendant et à l'élever au-dessus d'elle »(5). On construit par là sous le nom de culture un édifice qui paraît harmonieux, mais camoufle les conditions sociales réelles, qu'on abandonne à la « civilisation », au règne de la loi économique de la valeur(6). C'est au premier chef à l'art qu'incombe cette fonction. N'ont place dans la « culture » que « la beauté spiritualisée et la jouissance spirituelle de celle-ci »(7). Pourtant, « la culture affirmative est la forme historique sous laquelle ont été conservés les besoins de l'homme qui dépassaient la simple reproduction de l'existence »(8). Dans la conclusion de son essai, Marcuse esquisse une « suppression-réalisation » (Aufhebung) de la culture affirmative, qui annonce ses œuvres ultérieures, en particulier Éros et civilisation (1955).

Gérard Raulet

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Marcuse, H., « Réflexion sur le caractère affirmatif de la culture », trad. in Culture et société, Minuit, Paris, 1970, p. 140.
  • 2 ↑ Adorno, T. W., Théorie esthétique, trad. Jimenez, M., Klincksieck, Paris, 1974, p. 213.
  • 3 ↑ Ibid., p. 214.
  • 4 ↑ Ibid., p. 213 sq.
  • 5 ↑ Marcuse, H., « Réfléxion sur le caractère affirmatif de la culture », trad. in Culture et société, Minuit, Paris, 1970, p. 140.
  • 6 ↑ Ibid., p. 132.
  • 7 ↑ Ibid.
  • 8 ↑ Ibid., p. 135.

→ civilisation, culture, idéologie, utopie, valeur, vie

Psychanalyse

Décision inconsciente d'accepter l'introjection des représentants de la pulsion.

Examinant les fonctions du jugement dans l'article sur la dénégation(1), Freud oppose la Bejahung à l'expulsion, Ausstossung. Suivant la lecture hégélienne d'Hyppolite, Lacan(2) fera de cette opposition l'équivalent de celle entre refoulement originaire et forclusion : ce qui est originairement refoulé constituant le symbolique, ce qui est forclos restant dans le réel.

L'intérêt de cette lecture est de légitimer l'idée freudienne que l'inconscient ne connaît pas la négation, et donc de considérer au principe de l'inconscient une opération unifiante qui obéit au principe de plaisir. La négation, grammaticale et secondaire, ne peut être assimilée à une destructivité primaire, qui n'a pour effet que de produire le réel comme impossible. Il est utile de comparer cette lecture de Lacan à celle que peut faire M. Klein, dans la mesure où, pour l'un comme pour l'autre, ces décisions primaires définissent l'écart logique entre psychose et névrose.

Jean-Jacques Rassial

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Freud, S., la Négation (1925), in Idées, Résultats, Problèmes, PUF, Paris, 1985.
  • 2 ↑ Lacan, J., Écrits, Seuil, Paris, 1966.

→ forclusion, négation, plaisir, refoulement