Donald John Trump
Homme d'affaires et homme d'État américain (New York 1946).
1. Homme d'affaires
Petit-fils d'un immigré allemand ayant fait fortune dans le milieu de l'hôtellerie et du jeu au temps de la ruée vers l'or du Klondike, à la toute fin du xixe siècle, quatrième d'une fratrie de cinq, Donald Trump naît en 1946, juste après guerre, dans le quartier du Queens, à New York, au sein d'une famille aisée de promoteurs immobiliers. Envoyé adolescent dans une académie militaire pour canaliser un tempérament bouillant, il poursuit des études d'économie à l'université Fordham puis les complète à la prestigieuse Wharton Business School de Philadelphie.
Réformé, il échappe à la guerre du Viêt Nam et entre dans l'entreprise prospère de son père, où il se familiarise avec les divers métiers du bâtiment. Il prend les rênes de l'affaire à partir de 1971 et l'oriente vers la lucrative construction de tours d'habitations haut de gamme. Il jette alors son dévolu sur l'île de Manhattan, le secteur le plus spéculatif et le plus convoité de New York. Avec succès, puisqu'il érige bientôt, et entre autres, la Trump Tower, sur la très luxueuse Cinquième Avenue. Bâtie sur un savoir-faire rapidement reconnu et sur son nom, l'affaire familiale prend vite une nouvelle dimension, celle d'un empire international qui mêle construction, hôtellerie de prestige, jeu, événementiel, terrains de golf et toutes sortes d'autres activités, profitant de la dérégulation généralisée lancée par l'administration Reagan et renouvelant l'idée de success story typiquement américaine. À l'image de son P-DG, qui ne fait pas mystère de son goût pour les décors clinquants, de préférence plaqués or, l'entreprise illustre la croissance des années 1980 et le retour de l'« âge du toc » (Gilded Age) tel qu'il s'était exprimé précisément à l'époque où son ancêtre, Friedrich Trump, découvrait et exploitait les ressources immenses de l'Amérique.
Les affaires de celui qui apparaît désormais comme un nouveau magnat de l'immobilier connaissent des revers dans la décennie suivante, du fait du retournement du secteur de l'immobilier et d'investissements hasardeux dans les casinos d'Atlantic City (le Trump Taj Mahal, notamment) et dans une compagnie aérienne. Il est alors contraint de mettre en faillite nombre d'entreprises. Mais il joue de son entregent et de son pouvoir de conviction (du reste célébrés dans le best-seller qu'il fait publier en 1987, The Art of the Deal) pour négocier l'aide des banques, profiter de parapluies juridiques sur les banqueroutes et se remettre à flot. Dès lors, il poursuit l'expansion de son empire en y ajoutant la vente d'objets à son nom et en investissant le monde du show-business par le biais des nombreux événements, trophées et concours que ses sociétés patronnent, mais aussi par la multiplication de ses apparitions à l'écran (dans des films ou des séries) ainsi que sa contribution (participation et production) au célèbre et populaire jeu de télé-réalité The Apprentice, de 2004 à 2015. C'est donc un milliardaire connu et apprécié d'une partie du public américain qui entre alors dans l'arène politique − et en brise tous les cadres.
2. Trublion politique
Comme la plupart des New-Yorkais, D. Trump émarge sur les listes d'électeurs démocrates. Mais la politique de l'offre et de dérégulation résolument conduite par R. Reagan le convertit au républicanisme, au point qu'il envisage de mener le ticket du parti au scrutin de 1988 – perspective qui reste sans lendemain puisque c'est le vice-président sortant, G. H. Bush, qui est investi.
À nouveau tenté par la politique, et cette fois séduit par l'itinéraire et les idées du milliardaire texan Ross Perot, il rejoint le parti de la Réforme à la toute fin des années 1990, avec l'intention de se présenter aux suffrages des Américains lors de la présidentielle de 2000. Mais le faible score qui lui est prédit par les instituts de sondage et les dissensions internes de la formation l'en dissuadent. L'idée d'une candidature à la fonction suprême refait un temps surface quatre ans plus tard, puis en 2012. En 2006 et 2014, il envisage de concourir à l'élection au poste de gouverneur de l'État de New York, pour y renoncer finalement.
Fermement opposé à G. W. Bush, il contribue aux levées de fonds de nombre de démocrates, dont, en particulier, H. Clinton, qu'il soutient lors des primaires de 2008. Mais l'élection de B. Obama, puis l'application partielle du programme économique de ce dernier ancrent définitivement D. Trump dans le camp républicain. Il se joint bientôt à la mobilisation contre le nouveau Président organisée par les groupes du Tea Party, en distillant des doutes sur une possible naissance de ce dernier en Indonésie (pays, de surcroît, à majorité musulmane) et en contestant ainsi sa légitimité en tant que chef de l'État. À ce titre, il vit l'échec de M. Romney en 2012 comme une véritable catastrophe.
En juin 2015, il franchit le pas et annonce avec fracas sa future participation aux primaires républicaines. Jouant du sentiment de déclin partagé par une grande partie de la population, il s'engage à restaurer la grandeur d'un pays qu'il juge affaibli par huit ans de direction démocrate, près de trois quarts de siècle de promotion du libre-échange économique et d'intervention dans les affaires du monde, et des décennies de gestion par une classe politique sclérosée et corrompue, éloignée des réalités du terrain et de l'entreprise. Sur fond de menace terroriste, il s'en prend aux immigrés, en particulier mexicains, et promet de construire un mur les empêchant d'entrer aux États-Unis, tout en déportant la douzaine de millions de clandestins. Contre toute attente, et toute tradition, ces propos iconoclastes, loin de le discréditer irrémédiablement, le portent dans le quarteron de tête de la douzaine de prétendants à l'investiture. Et de poursuivre sur sa lancée, en vitupérant les musulmans et en appelant à l'interdiction (inconstitutionnelle) de leur entrée en Amérique, après les attentats de Paris et de San Bernardino qui marquent la fin de l'année 2015.
3. Candidat du parti républicain
De fait, c'est en tant que favori qu'il aborde la campagne des primaires et, s'il manque de peu d'arriver en tête dans l'Iowa qui ouvre en février 2016 le bal de la consultation, il l'emporte dans la plupart des scrutins qui suivent et ne tarde guère à évincer le gros de ses adversaires, y compris les plus chevronnés et qualifiés, à l'instar d'un Jeb Bush ou d'un Marco Rubio. Au grand dam de l'appareil du parti, tétanisé à l'idée d'investir un candidat aussi novice, imprévisible, improbable, et pour le moins hétérodoxe, ne restent face à lui au début du mois de mai que le sénateur du Texas Ted Cruz, pourtant peu apprécié de l'establishment républicain, et le gouverneur de l'Ohio John Kasich, plus modéré mais terne, tous deux condamnés à se retirer de la compétition devant l'ampleur du mouvement populiste que les plus radicaux ont soulevé – et que le magnat de l'immobilier et vedette de la télé-réalité a relayé, incarné et habilement utilisé. Et toutes les entreprises menées en interne pour barrer la route à une personnalité perçue comme désastreuse pour l'image et le succès de la formation tournent court. À l'usure, D. Trump s'est imposé.
La convention nationale républicaine de Cleveland, en juillet, s'ouvre sous de mauvais auspices : bunkérisée par peur des débordements provoqués par les manifestations d'opposants, boudée par une bonne partie de l'establishment du parti – dont les anciens présidents Bush –, elle offre toutefois à D. Trump l'occasion de présenter sa famille, en particulier ses enfants, et le colistier qu'il s'est choisi, le gouverneur très religieux de l'Indiana, Michael Pence, ancien représentant de son État rompu aux arcanes de Washington, ce qui donne des gages aux chrétiens évangéliques tout en contribuant à rassurer les plus sceptiques.
La campagne qui l'oppose à sa rivale démocrate Hillary Clinton est jonchée d'écueils que, fidèle à sa réputation de bagarreur impénitent, il aborde frontalement. Il poursuit dans les attaques, qui bien souvent se retournent contre lui, et se retrouve plus d'une fois empêtré dans des scandales qui, normalement, auraient été rédhibitoires (liens avec la Russie de Poutine ; état financier de son empire et montant de ses impôts, non divulgué, contrairement à l'usage ; relations avec les femmes). Mais il n'en a cure et ses soutiens, avec lesquels il entretient un lien très fort lors de ses nombreux meetings et via les réseaux sociaux, ne semblent pas lui en tenir rigueur, même si les sondages le donnent régulièrement perdant. Il parie en revanche sur la détestation de son adversaire dans de larges fractions de l'électorat, y compris chez les militants démocrates, sur l'inquiétude suscitée par la menace terroriste et le désarroi des ouvriers victimes des délocalisations, et sur une puissante demande de changement. Son expérience d'homme d'entreprise comme ses succès en affaires rassurent et semblent de nature à compenser son inexpérience politique. Enfin, il bénéficie des ultimes rebondissements de l'affaire du serveur mail de sa rivale, qui brisent la dynamique de campagne de cette dernière et jettent un peu plus le doute sur son intégrité et sa fiabilité.
Lors de l'élection, le 8 novembre 2016, il déjoue à nouveau les pronostics en décrochant la plupart des « États pivots » (Floride et Ohio, notamment) et quelques bastions ouvriers comme le Michigan et le Wisconsin, ce qui lui donne une nette majorité au collège électoral ; il remporte donc l'élection présidentielle, ce que confirme le vote des grands électeurs le 19 décembre (304 grands électeurs sur 538). S'il dispose de près de 3 millions de voix de moins, soit 2 points (avec un score de 46,2 %), que Hillary Clinton, il permet aux républicains de conserver leur contrôle des deux chambres du Congrès, avec la perspective inespérée de pouvoir gouverner... Donald Trump entre en fonctions le 20 janvier 2017.
4. Donald Trump et Kim Jong-un
L’élection de D. Trump coïncide avec l’accélération du programme nucléaire nord-coréen menée par Kim Jong-un. Théoriquement à portée d’une attaque nucléaire nord-coréenne, les États-Unis lancent une série d’ultimatums au régime. Cette stratégie de l’administration américaine, dite de la « pression maximum », vise à poser la dénucléarisation du régime comme la condition préalable à toute négociation. Pendant plusieurs mois, les deux dirigeants se livrent à un échange constant d’insultes et de rhétorique grandiloquente, dont l’issue reste incertaine.
Cependant, le 12 juin 2018, D. Trump s’affiche aux côtés de Kim Jong-un lors d’un sommet historique à Singapour. Il est le premier président américain en exercice à rencontrer le dirigeant de la Corée du Nord. À l’issue de leur entretien, les deux hommes s’accordent sur un texte mentionnant la « dénucléarisation de la péninsule coréenne ».
Pour en savoir plus, voir l'article États-Unis : vie politique depuis 1945.