Louis Jouvet
Acteur et metteur en scène français (Crozon, Finistère, 1887-Paris 1951).
Grand ambassadeur de l'art théâtral français – il interpréta et mit en scène les répertoires de Molière et de Giraudoux –, Louis Jouvet sut allier exigence et popularité. Au cinéma, il joua de nombreux rôles importants, auxquels sa voix et sa diction ont donné un relief inoubliable.
Homme de théâtre avant tout
Après des études de pharmacie, Louis Jouvet aborde le théâtre par le biais de mélodrames qu'il joue dans des salles de quartier. En 1913, Jacques Copeau l'invite à le rejoindre au Vieux-Colombier. Jouvet participe activement à la vie du théâtre : il est décorateur, régisseur, accessoiriste, ouvrier menuisier ou électricien – en plus des rôles qui lui sont confiés. Enrichi par cette expérience et choisi par Jacques Hébertot (1886-1970) en 1922, il entame ensuite sa propre carrière à la Comédie des Champs-Élysées. Malgré le succès de Knock ou le Triomphe de la médecine (1923), de Jules Romains, les débuts sont difficiles. Gaston Baty, Charles Dullin, Georges Pitoëff, qui connaissent les mêmes difficultés, fondent alors avec Jouvet une association de solidarité connue sous le nom du Cartel.
Il faut attendre 1928 pour que Jouvet s'impose avec Siegfried de Jean Giraudoux, auteur dont il créera plusieurs pièces, parmi lesquelles La guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), Électre (1937), Ondine (1939) et la Folle de Chaillot (1945). À partir de 1934, Jouvet devient directeur du théâtre de l'Athénée. C'est là qu'il donne le meilleur de lui-même, influençant la vie théâtrale par ses trouvailles et par son approche de certains personnages classiques. Il restera directeur de l'Athénée jusqu'à sa mort, hormis de 1941 à 1945 : censuré dans ses choix par l'occupant allemand, il décide alors de partir en tournée en Amérique latine.
À la mort de Giraudoux, Jouvet se consacre essentiellement au répertoire de Molière et met en scène Dom Juan (1947) et le Tartuffe (1951). Accordant une place de choix à la réflexion sur son métier de comédien, il écrit notamment Témoignages sur le théâtre (posthume, 1952) et le Comédien désincarné (posthume, 1954).
Vedette de cinéma aussi
Louis Jouvet dit ne pas aimer le cinéma, mais, parallèlement à sa carrière théâtrale, il le servira aussi fidèlement que talentueusement. On peut distinguer quatre catégories dans les personnages qu'il incarne : les dévoyés, les policiers, les grands seigneurs et les originaux à tout crin.
Dans la première catégorie, on trouve le baron russe des Bas-Fonds (Jean Renoir, 1937), le tenancier sentimental d'Un carnet de bal (Duvivier, id.), le marlou d'Hôtel du Nord (Carné, 1938) et les trafiquants plus ou moins louches mais qui gardent dans leur déchéance de l'allure et du détachement (Forfaiture, L'Herbier, 1937 ; le Drame de Shanghai, Pabst, 1938).
Les rôles de policier mettent en valeur son sens aigu de l'observation qui lui permet de camper en traits simples et définitifs des êtres qui traînent, bien dissimulé, un passé amer (l'Alibi, Pierre Chenal [1904-1990], 1937 ; Quai des Orfèvres, Clouzot, 1947 – où sa création est sans doute la plus humaine et la plus sensible de toutes).
Les rôles de grand seigneur recouvrent un certain nombre de personnages qui n'appartiennent pas tous à la noblesse, mais qui se différencient du commun par leur distinction, leur désinvolture hautaine, le coupant de leurs affirmations et leur ton incisif (la Kermesse héroïque, Feyder, 1935 ; Entrée des artistes, Marc Allégret [1900-1973], 1938 ; Volpone, Maurice Tourneur [1873-1961], 1941).
Si c'est parmi ses rôles de composition qu'on trouve le moins de réussites (Topaze, Louis J. Gasnier [1875-1963], 1932), il y a d'éblouissantes exceptions, comme Knock (qu'il réalise lui-même avec Roger Goupillières [1896-1988] en 1933) ou Drôle de drame (Carné, 1937). Louange suprême, comme on dit « un film avec Gabin », on continue encore aujourd'hui de dire « un film avec Jouvet ».