Stephen Harper
Homme politique canadien (Toronto 1959).
1. À la tête des conservateurs
Titulaire d'une maîtrise d'économie de l'Université de Calgary, cet Ontarien d'origine, qui s'intalle en 1978 dans l'Alberta pour travailler dans l'industrie pétrolière, est élu une première fois à la Chambre des communes en 1993 comme candidat du parti réformiste dans la circonscription de Calgary-Ouest. Il quitte le Parlement en 1997 pour assurer la vice-présidence puis la présidence de la Coalition nationale des citoyens, un groupe de pression de droite.
En mars 2002, il succède à Stockwell Day à la direction de l'Alliance canadienne, puis aux élections législatives est élu sous cette bannière en mai de la même année, dans la circonscription de Calgary-Sud-Ouest. Artisan, au tournant 2004, de la fusion de l'Alliance et du parti progressiste-conservateur en une seule formation destinée à devenir la principale force d'opposition aux libéraux alors au pouvoir – le parti conservateur du Canada – il se porte à la tête de la nouvelle organisation dont il devient le premier dirigeant en mars 2004. Aux élections de juin 2004, il fait élire 99 députés, soit une dizaine de plus que la réunion des deux anciens groupes parlementaires de droite et, significativement, depuis ses bases occidentales, parvient à mordre sur l'électorat de l'Est, en particulier de l'Ontario.
2. Un Premier ministre intérimaire ?
Quand son parti arrive en tête (avec 36 % des voix et 124 sièges, soit une majorité relative) aux élections législatives fédérales de janvier 2006, il devient Premier ministre du Canada et forme un gouvernement minoritaire. Prétextant un mode de fonctionnement « dysfonctionnel », de surcroît préjudiciable en période d'incertitudes économiques croissantes, il obtient la révocation de la Chambre des communes en septembre 2008 et convoque pour octobre des élections législatives anticipées qu'il gagne, sans toutefois remporter la majorité absolue escomptée. Disposant d'un groupe renforcé quoique minoritaire, qui ne le met pas à l'abri d'un vote de défiance (menace de l'opposition en décembre 2008, repoussée en janvier 2009 à l'issue d'une suspension exceptionnelle du Parlement), il entend faire traverser à son pays la crise majeure qui s'abat alors sur le monde.
Promoteur d'un capitalisme de laisser-faire et d'un État décentralisé, aux dimensions réduites, partisan du conservatisme social et défenseur des valeurs morales, Stephen Harper partage nombre de vues et d'orientations avec le président G. W. Bush et les néoconservateurs du grand voisin. Son gouvernement entreprend tout d'abord de remodeler la culture canadienne selon cette optique générale : diminution des impôts, coupes dans les programmes sociaux fédéraux et la fonction publique, appel à l’embauche de travailleurs temporaires étrangers amenés à terme à remplacer les flux réguliers et conséquents d’immigrants, virage sécuritaire, durcissement des mesures contre le crime et importance accrue donnée à l'armée.
En politique étrangère, favorable à un réalignement sur les États-Unis, il prône le renforcement et la prolongation de l'intervention militaire canadienne en Afghanistan, adopte la position américaine vis-à-vis du terrorisme et rejette le protocole de Kyoto sur le réchauffement climatique. Mais devant la recrudescence des pertes sur le front afghan et le mécontentement consécutif de l’opinion, il est contraint, en 2008, d’annoncer le retrait du contingent canadien de ce théâtre d’opérations pour 2011, ce qui refroidit notablement les relations qu’il entretient avec Washington.
L'arrivée au pouvoir de Barack Obama et l'aggravation de la conjoncture économique à la fin de 2008 le conduisent également à amender son projet de société et, par le biais d'aides sectorielles ainsi que d'un plan de relance, à faire intervenir temporairement mais massivement le gouvernement dans l'activité du pays. De fait, après trois semestres de récession, le Canada, globalement peu endetté, doté d’un secteur financier solide peu affecté par la crise des subprimes, et par ailleurs dopé par la demande intarissable de la Chine en matières premières, renoue à l’été 2009 avec une croissance qui atteint le chiffre enviable parmi les grandes puissances occidentales de 3,2 % en 2010.
3. Bien établi à la tête du pays
Stephen Harper demande à la gouverneure générale Michaëlle Jean un nouveau sursis parlementaire, le temps que se déroulent les Jeux Olympiques d’hiver à Vancouver en 2010. Il préside également tout au long de l’année les travaux – peu concluants – du G20. Et si son gouvernement ne résiste pas finalement à la motion de défiance votée par l’ensemble des partis d’opposition à la fin de mars 2011, il sort renforcé des élections générales qui s’ensuivent : le 2 mai, les conservateurs qu’il emmène remportent 41 % des voix et une majorité absolue de sièges (166 sur 308), laminant au passage les libéraux, dépassés, en tant que formation d’opposition, par le plus radical NPD, et empiêtant jusque sur leur forteresse de l’Ontario. Le Premier ministre sortant, reconduit à son poste, obtient enfin les coudées franches qu’il cherchait à avoir pour gouverner le pays durant les cinq années à venir.
Et de fait, il développe la politique de libéralisation déjà engagée, multipliant avec les partenaires étrangers les accords commerciaux et s’employant à amarrer un peu plus son pays aux grands ensembles de libre-échange existants (UE) ou en formation. En parallèle, il poursuit le plan déjà amorcé de réduction des déficits en vue de rétablir les grands équilibres que la crise a momentanément rompus rompus – et parvient à présenter un budget quasiment neutre à la mi-décennie. Il appuie aussi l’intervention de l’OTAN en Libye à partir du printemps 2011 puis la coalition internationale dépéchée en Iraq en 2014. Il rappelle en outre les droits de son pays sur le Grand Nord arctique face aux prétentions russes et fait participer chasseurs et hommes à des exercices militaires en Roumanie lors de la crise en Ukraine. Défenseur et promoteur des ressources canadiennes, en particulier des sables bitumineux de sa province d’origine, il prend le contrepied des politiques environnementales adoptées par ses prédécesseurs, fait de son pays le premier à se retirer de la liste des signataires du protocole de Kyoto à la fin de 2011, puis rejette un an plus tard la deuxième version de ce programme international. Un temps éclaboussé par un scandale impliquant un de ses collègues sénateurs ainsi qu’un de ses conseillers (à la fin du printemps 2013), mais guère menacé par une opposition toujours en reconstruction, il compte sur la manne pétrolière et la poursuite régulière de la croissance pour faire taire les contestations et démentir toute idée d’usure du pouvoir.
Or c’est le tarrissement de cette dernière avec l’effondrement du prix du baril et le ralentissement des besoins chinois, associé aux remous suscités dans le gros de la population par le renforcement sécuritaire consécutif au double attentat d’octobre 2014, un certain style de gouvernement jugé de plus en plus opaque et autoritaire, et l’écornement de l’image internationale d’ouverture du Canada en matière d’environnement et d’accueil des immigrants qui précipitent sa chute. Décidé à prendre de court une opposition NPD ragaillardie qui, en mai 2015, emporte de manière fracassante la direction de sa province de l’Alberta, il convoque au début d'août des élections anticipées pour octobre. Or bien qu’incertaine jusque dans ses derniers jours, la plus longue campagne du pays, loin de fatiguer les citoyens, mobilise et consacre la figure du nouveau leader du Parti libéral, le jeune quadra et héritier Justin Trudeau, qui fait mordre la poussière aux conservateurs et, à la tête d’une majorité absolue au Parlement, succède au poste de Premier ministre à leur chef. Ce dernier, réélu à Calgary, n'en prend pas moins acte de la sanction des urnes et abandonne immédiatement sa casquette de responsable de formation.
Pour en savoir plus, voir l'article Canada : vie politique depuis 1965.