Moïse Maïmonide
en hébreu Moshe ben Maimon, dit Rambam, en arabe Abū ‘Imrān Mūsā ibn Maymūn
Philosophe, théologien et médecin juif (Cordoue 1138-Fustat 1204).
À la fois érudit et chef de communauté, Maïmonide peut être tenu pour l’introducteur de la philosophie dans le judaïsme. Sa méthode est celle de l’exégèse allégorique et du commentaire philosophique. Sa pensée repose sur l’affirmation de la concordance entre la foi et la raison.
Une existence vouée à la connaissance
Né à Cordoue le 30 mars 1135, Maïmonide est issu d’une lignée de rabbins et formé très jeune par son père à la théologie, à l’astronomie, à la médecine, à la philosophie et aux mathématiques. L’arrivée au pouvoir, en 1148, des Almohades met fin au règne tolérant des Almoravides. Les juifs et les chrétiens doivent se convertir ou s’exiler. La famille de Maïmonide séjourne à Fès entre 1159 et 1165. Fuyant à nouveau le fanatisme, elle doit s’établir en Égypte après un court passage en Palestine. Maïmonide approfondit sa connaissance de la médecine, lit Hippocrate et Galien. Il échange avec ses contemporains, en particulier Averroès. Nommé par ailleurs « néguid », chef de la communauté juive d’Égypte, il est amené à légiférer, à entrer en relation avec les autorités politiques et les autres communautés. Exigeant envers soi-même, tolérant envers les autres, il incarne un judaïsme libéral.
Maïmonide compose son premier livre à l’âge de treize ou quatorze ans, la Terminologie logique, une introduction à l’art de philosopher qui lie logique et métaphysique ; les termes essentiels de la philosophie y sont clarifiés, en particulier la distinction entre puissance et acte. La plupart de ses ouvrages sont écrits en arabe et traduits ensuite en hébreu. Ils prennent différentes formes et touchent des domaines variés : texte de circonstance pour défendre les juifs contraints de se convertir à l’islam (l’Épître de la conversion, 1165), œuvre d’exégèse et de théologien (Commentaire de la Mishna, 1168 ; Une seconde Tora, 1187), de philosophe (le Guide des égarés, 1190), de médecin (Traité des aphorismes ; Traité des poisons et leurs guérisons, 1198).
Métaphysique et philosophie du sens allégorique
Le Guide des égarés est un texte capital dans l’œuvre de Maïmonide et dans l’histoire de la philosophie. Accomplissement de la pensée de toute une vie, il a pour but d’expliquer le sens des noms et des allégories des livres prophétiques. L’ouvrage est présenté comme ésotérique : il s’adresse à l’homme qui a étudié la philosophie et qui, « croyant aux choses religieuses, est troublé au sujet de leur sens ». Le propos est donc d’éclairer par la raison le texte révélé pour éviter les confusions induites par les homonymies, empêcher de prendre l’image pour la chose ou la chose pour l’image.
L’analyse procède à une critique du sens du discours, mais elle se porte également sur les questions métaphysiques les plus difficiles : pour clarifier le sens des allégories, il faut se reporter à ce qu’elles signifient. La spéculation se fait ainsi multiforme et déroute à dessein le lecteur non averti. Les chapitres s’enchaînent selon un ordre non linéaire, passant de l’étude textuelle à la philosophie la plus conceptuelle. Pour clarifier les notions de Dieu, de création, de providence, Maïmonide emprunte à la physique et à la métaphysique d’Aristote tout en les dépassant. La logique d’ensemble est toutefois simple : les trois parties conduisent de Dieu à l’homme face à Dieu.
Maïmonide meurt le 13 décembre 1204. Sa postérité sera considérable au Moyen Âge dans la pensée chrétienne, avec Albert le Grand ou Thomas d’Aquin, ou chez de grands philosophes postérieurs d’origine juive, comme Spinoza et Moses Mendelssohn.
Un grand médecin
Maïmonide fut un médecin réputé tant par la pratique que par les écrits théoriques. Il exerça ses talents à la cour des grands, que ce soit celle des Fatimides, chiites, ou celle du sultan Saladin, sunnite. Richard Cœur de Lion, également, lui aurait proposé d’entrer à son service. Des patients se déplaçaient de Syrie ou de Palestine pour le consulter. Maïmonide s’était tourné vers la médecine pour des raisons à la fois humanistes et religieuses : le goût de la vérité, l’amour des hommes justifiait, selon lui, que l’on se consacrât au « noble devoir de faire du bien aux hommes, qui sont les enfants de Dieu ». Son Traité des aphorismes est à lui seul une somme des connaissances médicales de son époque.