Jean-Luc Godard

Jean-Luc Godard
Jean-Luc Godard

Cinéaste français et suisse (Paris 1930-Rolle, Suisse 2022).

Critique de cinéma passé à la réalisation, Jean-Luc Godard fut l'un des chefs de file de la « nouvelle vague » française. Remettant en question les codes idéologiques et esthétiques, il ne cesse d'explorer de nouvelles relations entre le spectateur et le film.

La naissance de la « nouvelle vague »

Né dans une famille de la moyenne bourgeoisie protestante – son père est médecin et son grand-père maternel banquier –, Jean-Luc Godard poursuit sa scolarité à Nyon, en Suisse, puis au lycée Buffon, à Paris. En 1949, il s'inscrit à la Sorbonne pour y étudier l'ethnologie. En 1954, il est ouvrier sur le chantier de construction d'un barrage en Suisse. Avec sa paie, il tourne son premier film, un documentaire de vingt minutes : Opération béton.

De retour à Paris, entre 1955 et 1958, Godard réalise quatre courts-métrages. Il fait la connaissance de François Truffaut, de Jacques Rivette et d'Éric Rohmer, qui feront partie de la « nouvelle vague ». Dès 1956, il collabore régulièrement à la revue d'André Bazin, les Cahiers du cinéma. En 1960, il signe À bout de souffle. Le caractère sans complexes du personnage principal (incarné par J.-P. Belmondo), le montage heurté du film, ses nombreux faux raccords focalisent l'attention de la critique sur le nom de Godard.

Attiré par la série B américaine et son monde de gangsters, Godard met en scène des marginaux en quête d'idéal. Toujours en 1960, il réalise le Petit Soldat, histoire d'un déserteur passé à l'O.A.S. L'année suivante, il épouse l'actrice principale du film, Anna Karina (née en 1940) – qu'il fait tourner, notamment, dans Une femme est une femme (1961) et Vivre sa vie (1962). En 1963, dans les Carabiniers, il parodie le genre héroïque des films de guerre. La même année, il tourne le Mépris – adapté du roman d'Alberto Moravia –, qui deviendra l'un des plus grands films du cinéma français des années 1960. Cette première période se poursuit jusqu'à Pierrot le fou (1965) [avec J.-P. Belmondo et A. Karina], recherche désespérée de l'amour fou et grand succès critique.

L'approche sociologique et politique

Jusqu'à Pierrot le Fou, Godard se montre poète ; après, il se veut sociologue. Il élimine ce qui lui paraît trop personnel dans ses créations et rend leur trame narrative de plus en plus mince. Ses films sont, sur le plan formel, des expériences (emploi du plan-séquence, des grands mouvements de caméra, du montage nerveux, du collage d'images et de sons). Masculin-Féminin (1966) confirme l'intérêt croissant de Godard pour l'analyse sociologique, tandis que Made in USA (1967) est son nouveau manifeste esthétique. En 1967, la Chinoise dévie le centre d'intérêt de Godard de la sociologie vers la politique. Pendant le tournage, il épouse l'actrice Anne Wiazemsky (née en 1947), petite-fille de François Mauriac. Réalisé la même année, Week-End, métaphore caustique sur la prostitution, est un film où tous les dérèglements sont présents.

Les événements de mai 1968 conduisent Godard à s'éloigner du circuit cinématographique classique. Le Gai Savoir (1968) – qui tente d'ébaucher une théorie du cinéma conduisant à la pratique révolutionnaire par la critique des images et des sons émis par la bourgeoisie – et One Plus One (1969) – série de séquences où le réalisateur, parallèlement aux séances d'enregistrement des Rolling Stones, donne la parole aux Black Panthers et à d'autres groupes contestataires – sont les deux derniers films où transparaît encore le Godard cinéaste « traditionnel ». Celui-ci s'implique ensuite dans les travaux du groupe marxiste d'inspiration maoïste Dziga-Vertov, avec lequel il tourne des documentaires expérimentaux et militants (jusqu'en 1972).

Le retour au cinéma

Après son incursion dans la politique, Godard quitte Paris pour Grenoble, où il travaille avec la cinéaste Anne-Marie Miéville (née en 1945) dans le cadre d'une société de production audiovisuelle. Il s'installe ensuite en Suisse, à Rolle, où il conçoit notamment – avec A.-M. Miéville, qui devient sa compagne – des séries d'émissions pour la télévision (Six fois deux/Sur et sous la communication, 1976 ; France/tour/détour/deux/enfants, 1977). En 1979, Sauve qui peut (la vie) amorce un tournant dans son œuvre, qui accorde désormais à la vidéo un rôle majeur. De nouveau, la réflexion sur ses méthodes créatrices forme l'ossature de ses films. À ce titre, Passion (1982) se présente comme le traité poétique de Godard, qui y dévoile son goût de l'emprunt culturel. Cela le conduit, dans Je vous salue Marie (1985), à mettre en parallèle le mystère que constitue son propre travail (le film en gestation) et une certaine idée du sacré. Avec Prénom : Carmen (1983) et Détective (1985), l'auteur s'intéresse, comme à ses débuts, à l'univers des gangsters et aux personnages de série B.

Par son rôle de chercheur impénitent, de questionneur de son époque, Godard renouvelle l'esthétique du film, et les rapports du cinéaste à la production. En 1990, il réalise un film au titre nostalgique et provocateur, Nouvelle Vague, qui rejette délibérément tout procédé réaliste de narration. Son J.-L.G./J.-L.G., réalisé en 1994, est un faux autoportrait. En 1998, il tourne Histoire(s) du cinéma – ensemble de quatre longs-métrages (plus de quatre heures de film) où se succèdent séquences d'archives, extraits de films, photos, citations et réflexions – où il donne à voir toute la force du septième art. Godard réalise ensuite Éloge de l'amour en 2001 et Notre musique en 2004. Deux ans plus tard, le Centre Pompidou lui consacre une rétrospective intégrale, « Voyage(s) en utopie, Jean-Luc Godard, 1946-2006 », qui – comme son œuvre, qui aime à manier la provocation et l'humour – suscite débats et controverses.

Jean-Luc Godard
Jean-Luc Godard
Voir plus
  • 1960 À bout de souffle, film de J.-L. Godard, avec J.-P. Belmondo.
  • 1963 Le Mépris, film de J.-L. Godard, avec B. Bardot, M. Piccoli, F. Lang, d'après le roman de A. Moravia.