François Truffaut
Cinéaste français (Paris 1932-Neuilly-sur-Seine 1984).
D'abord critique aux Cahiers du cinéma, François Truffaut devint avec les Quatre Cents Coups le cinéaste le plus populaire de la « nouvelle vague ». Intelligence du récit, justesse de ton, vérité des personnages et lyrisme des mouvements de caméra caractérisent son art.
Le critique provocateur
Privé d'affection par ses parents et élevé par sa grand-mère jusqu'à l'âge de 8 ans, François Truffaut connaît une enfance solitaire et contestataire que remplissent seulement la lecture et le cinéma. Dès 1946, multipliant les fugues, il se réfugie dans les salles obscures et voit un nombre considérable de films ; l'année suivante, il fonde un ciné-club au Quartier latin et rencontre André Bazin. Guidé par ce dernier, il devient critique de cinéma, d'abord aux Cahiers du cinéma (1953), puis à Arts (1954).
Son enthousiasme provocateur, sa jubilation à polémiquer contre un cinéma français en léthargie, sa manière d'écrire à la fois claire et passionnée font de lui un des critiques les plus tonifiants et les plus lucides des années 1950. Il fustige alors non pas tant la tradition que la « médiocrité », et défend le cinéma de Renoir, de Guitry, de Hawks ou de Hitchcock, dont il est un fervent admirateur. Il interviewe d'ailleurs le réalisateur de Rebecca en 1955 pour les Cahiers du cinéma.
Le fer de lance de la « nouvelle vague »
En 1957, Truffaut fonde sa propre maison de production, les Films du Carrosse, en hommage au film le Carrosse d'or (1953) de Renoir. Mettant ses théories en application, il tourne les Mistons (1958), un moyen-métrage, et remporte un grand succès avec les Quatre Cents Coups (1959), œuvre sincère et sensible qui le rattache aux essais d'un Jean Vigo et obtient le prix de la mise en scène au Festival de Cannes. Il devient dès lors le cinéaste le plus populaire de la « nouvelle vague », portée aussi notamment par Chabrol, Rivette et Godard. L'année suivante, il signe Tirez sur le pianiste, d'après David Goodis, long-métrage au ton novateur inaugurant sa collaboration avec Suzanne Schiffman (1929-2001), qui deviendra sa fidèle assistante et coscénariste.
Ses films suivants (Jules et Jim, 1961 ; la Peau douce, 1963 ; Fahrenheit 451, 1966, d'après Ray Bradbury ; La mariée était en noir, 1967, d'après William Irish) confirment son talent personnel, à mi-chemin entre l'intimisme et le romanesque. Désormais, le réalisateur opte pour une écriture et des acteurs auxquels le public est habitué, ce cadre établi lui permettant de porter toute son attention à l'interprétation des personnages.
Le double d'Antoine Doinel
En 1968, avec Baisers volés, Truffaut donne une suite aux aventures d'Antoine Doinel commencées avec les Quatre Cents Coups. Il poursuit le cycle avec Domicile conjugal (1970) et le clôturera avec l'Amour en fuite (1979). Antoine Doinel, joué par un Jean-Pierre Léaud au charme lunaire, est – selon les mots de Truffaut – « la synthèse de deux personnes réelles, Jean-Pierre Léaud et moi ». Ces films légers, tour à tour drôles et graves, mais toujours émouvants, comptent parmi ceux qui contribuent le plus à la renommée du cinéaste.
Parmi les autres réalisations de Truffaut, citons : l'Enfant sauvage (1970), les Deux Anglaises et le continent (1971 ; nouvelle version [les Deux Anglaises] en 1985), la Nuit américaine (1973, Oscar du meilleur film étranger), l'Histoire d'Adèle H (1975), inspirée de la vie de la fille de Victor Hugo, l'Homme qui aimait les femmes (1977), la Chambre verte (1978), le Dernier Métro (1980, césar du meilleur film), la Femme d'à côté (1981) et Vivement dimanche (1983), qui confirme son intérêt pour les intrigues policières.
En septembre 1984, Truffaut est opéré d'une tumeur au cerveau. Moins d'un mois plus tard, il décède à l'hôpital américain de Neuilly-sur-Seine. Auteur d'un livre relatant ses entretiens avec Hitchcock (le Cinéma selon Hitchcock, 1966), il se sera plu à imiter son maître en apparaissant dans quelques-uns de ses films (notamment l'Enfant sauvage, la Nuit américaine, l'Histoire d'Adèle H et l'Argent de poche, 1976), ainsi que dans Rencontres du troisième type (1977), de Steven Spielberg.
L’article fondateur
En janvier 1954, dans le numéro 31 des Cahiers du cinéma, le jeune François Truffaut, allant sur ses 22 ans, publia un article qui devint bientôt célèbre. Cet article, intitulé « Une certaine tendance du cinéma français », faisait le procès brutal et partisan du « cinéma de la qualité ». Il accusait notamment René Clément, Jean Delannoy, Claude Autant-Lara, Yves Allégret (1905-1987) et leurs scénaristes – Jean Aurenche (1904-1992), Pierre Bost (1901-1975), Henri Jeanson (1900-1970) et Jacques Sigurd (1920-1987) – d’être « des bourgeois, faisant du cinéma bourgeois pour des bourgeois ».
Autour d’André Bazin et de la déjà fameuse revue jaune qu’étaient les Cahiers du cinéma, un noyau de chroniqueurs et de critiques s’était constitué, qui souhaitait accéder un jour à la réalisation. C’est ce noyau qui donna ses fondements au mouvement de la « nouvelle vague », lequel naquit véritablement en 1958 avec le film de Claude Chabrol le Beau Serge.