Isabelle Ire la Catholique
(Madrigal de las Altas Torres 1451-Medina del Campo 1504), reine de Castille (1474-1504).
Isabelle Ire de Castille et son époux Ferdinand II d'Aragon, dits les Rois Catholiques, mirent fin à la domination musulmane en Espagne avec la prise de Grenade. En cette même année 1492, la reine apporta sa protection personnelle au voyage de découverte de Christophe Colomb.
1. La reine autocrate
Fille de Jean II Trastamare (1406-1454), roi de Castille, Isabelle, née le 2 avril 1451, monte sur le trône grâce à une loi dynastique qui n'en exclut pas les filles et à l'appui des grands du royaume, auxquels doit céder son demi-frère, le roi Henri IV, en déshéritant sa propre fille. Ayant choisi l'alliance avec l'Aragon à l'alliance avec le Portugal, dans l'espoir d'unifier la péninsule Ibérique sous domination castillane, Isabelle est mariée avec Ferdinand depuis 1469, lorsque, le 13 décembre 1474, deux jours après la mort d'Henri IV, elle se proclame d'autorité « reine et propriétaire de Castille ». Alphonse de Portugal riposte en attaquant la Castille en mai 1475, avec le soutien des nobles hostiles au renforcement du pouvoir royal. Isabelle et Ferdinand sortent vainqueurs de ce conflit difficile.
La reine peut alors restructurer l'État en concrétisant les efforts de ses prédécesseurs. En 1476, une milice efficace, la Santa Hermandad, est créée dans chaque commune pour faire régner l'ordre. La justice est réorganisée sous la direction d'une haute cour de justice, tandis que les villes abandonnent une partie de leur autonomie au profit de gouverneurs, les corregidores. L'aristocratie perd son pouvoir politique au Conseil royal et son pouvoir financier après l'annulation de nombreuses concessions de rentes et de terres.
2. L'unité de foi, base de l'État
Afin d'occuper la noblesse tout en enthousiasmant le peuple, Isabelle et Ferdinand décident de mener à son terme la Reconquista, en s'emparant de l'émirat de Grenade. Ils y entrent effectivement le 2 janvier 1492. En reconnaissance, le pape Alexandre VI leur décernera en 1494 le titre de Rois Catholiques, qui les mettra à la hauteur du Roi Très Chrétien de France.
La reconquête intérieure se poursuit au moyen de l'implacable instrument qu'est l'Inquisition, installée en 1478 et confiée en 1483 aux soins du dominicain Tomás de Torquemada. C'est à l'instigation de ce dernier que les Rois Catholiques signent, le 31 mars 1492, le décret qui expulse tous les Juifs d'Espagne. En principe, cette mesure ne vise pas les conversos, les Juifs convertis après les persécutions antisémites de 1391, mais elle les concernera pour autant que la sincérité de leur conversion sera mise en cause. Il s'agit, en effet, de « purifier » le corps social en chassant d'Espagne tous ceux qui ne sont pas chrétiens. Les Juifs seront alors entre 50 000 et 100 000 à s'exiler au Portugal, dans les Flandres, en Italie, en Afrique du Nord et dans l'Empire ottoman, où ils fonderont les communautés séfarades d'Orient. Quant aux musulmans, ils sont également forcés de se convertir ou de s'exiler à partir de 1502. L'État espagnol en formation a désormais pour base l'unité de foi. Il rompt avec l'Espagne aux trois religions qui existait depuis l'invasion musulmane de 711.
3. La politique d'expansion
Les Rois Catholiques prennent une décision d'une portée insoupçonnée en acceptant le projet d'un marin génois qui veut établir une liaison directe avec l'Asie à travers l'océan Atlantique. Plusieurs fois débouté, Christophe Colomb a fini par emporter l'assentiment de la reine Isabelle en lui faisant valoir que la chrétienté avait tout à gagner dans l'aventure, qui devait permettre d'évangéliser de nouveaux peuples. La conquête de l'Amérique qui se prépare se fera au profit des souverains espagnols : en 1493, ceux-ci obtiendront l'investiture du pape sur les territoires découverts ou à découvrir, et, par le traité de Tordesillas (1494), ils arriveront à un compromis avec le Portugal sur le partage colonial.
L'expansion se fait aussi en direction de l'Afrique du Nord, où l'Espagne finit par occuper toute la rive sud de la Méditerranée, de Melilla à Bougie (aujourd'hui Béjaïa). En Europe, elle se rapproche de l'Angleterre et de l'empire des Habsbourg. La France est l'ennemi commun, qui menace les intérêts des Rois Catholiques dans les Pyrénées (Roussillon et Navarre) et dans le royaume de Naples. Ce dernier, après les défaites françaises, deviendra aragonais pour deux siècles. Enfin, des alliances matrimoniales décisives sont nouées, qui feront d'Isabelle la grand-mère de Marie Tudor et de Charles Quint. À la mort de la reine (26 novembre 1504), l'Espagne est devenue une grande puissance européenne.
4. Ferdinand, l'époux d'Isabelle
Ferdinand, roi d'Aragon et de Castille, formait avec Isabelle un couple uni dans les symboles (que sont, respectivement, le joug et les flèches, ensemble figurant sur les monuments et les monnaies) comme dans les décisions politiques. L'Aragon et la Castille n'en restaient pas moins deux entités qui conservaient des institutions distinctes. Ni Ferdinand ni Isabelle n'était, en titre, le souverain de toute l'Espagne.
Cette formule originale fut menacée à la mort d'Isabelle, car Ferdinand n’était plus alors que roi d’Aragon. De plus, un problème dynastique se posa lorsque Jeanne, sa fille et héritière légitime, fut déchue de ses droits à la couronne pour cause de démence. Ferdinand voulut pour successeur le fils de Jeanne, le futur empereur Charles Quint, qui établit la suprématie des Habsbourg en Espagne.
Pour en savoir plus, voir l'article Espagne : histoire.