Claude Lanzmann
Cinéaste, journaliste et écrivain français (Bois-Colombes 1925-Paris 2018).
Issu d’une communauté juive de l’Europe de l’Est ayant immigré en France à la fin du xixe siècle, il devient membre des Jeunesses communistes alors qu’il est interne au lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand (1943). Durant l’Occupation, il n’a de cesse de prêter main forte à la Résistance, n’hésitant pas à convoyer des armes clandestinement, tendre des embuscades ou prendre le maquis (Auvergne). Après la Libération, admis en hypokhâgne au lycée Louis-le-Grand à Paris, il échoue cependant au concours d’entrée à l’École normale supérieure et s’inscrit en philosophie à la Sorbonne, où il parachève ses études supérieures (les possibles et les incompossibles chez Leibniz). Il prolonge ensuite l’expérience de la philosophie en Allemagne, d’abord à l’université de Tübingen (1947) puis à celle de Berlin (1948), où il anime un séminaire sur l’antisémitisme nourri par la lecture décisive et passionnée de l’essai de Jean-Paul Sartre : Réflexions sur la question juive (1946). Embrassant par la suite la carrière de journaliste (Elle, France-Soir, France Observateur, le Monde), il se signale par ses prises de position courageuses et ses articles dénoncent tour à tour la faiblesse de la dénazification dans les universités allemandes, le colonialisme ou encore l’usage de la torture pendant la guerre d’Algérie. Collaborant à la revue les Temps modernes de Jean-Paul Sartre à partir de 1952, il est le maître d'œuvre d'un numéro spécial – fruit de deux ans de travail – sur le conflit israélo-arabe (1967). Il deviendra directeur de la revue en 1986 après la disparition de Simone de Beauvoir (sa compagne de 1952 à 1959).
C’est à l’aube des années 1970 que Claude Lanzmann s’oriente vers l’écriture cinématographique. Il est ainsi l'auteur de trois documentaires de plusieurs heures : Pourquoi Israël (1972), Shoah (1985), une enquête magistrale de douze années sur l'extermination des Juifs d'Europe par les nazis, et Tsahal (1994), consacré à l'armée israélienne. « Je me suis, confie-t-il à propos de Shoah, arc-bouté de toutes mes forces à la stupeur, au refus de comprendre. J'étais un cheval avec des œillères, ne regardant ni à droite ni à gauche, mais affrontant ce que j'appelle le “soleil noir” de la Shoah. Et c'était la seule façon de procéder, cet aveuglement était le mode le plus pur du regard, la clairvoyance même. » En complément de Shoah, il a réalisé Un vivant qui passe (1997), témoignage d'un ancien inspecteur de la Croix-Rouge qui avait visité le camp de Terezin sans en percevoir la nature, puis Sobibór, 14 octobre 1943, 16 heures (2001), sur la révolte de trois cents Juifs du camp. Ses films documentaires sur l’Holocauste, tout comme son parcours de journaliste et d’écrivain, son rapport à la judéité ou sa vie bouillonnante d’engagements, sont largement évoqués dans son livre le Lièvre de Patagonie (2009).