Arthur ou Artus
Roi celte, semi-légendaire, du sud de l'Écosse (fin du ve s.- début du vie s.), qui, entouré des chevaliers de la Table ronde, est le héros des romans en vers regroupés sous le nom de romans bretons (xiie-xiiie siècle).
Chef légendaire celte d'un clan au pays de Galles, au début vie siècle, Arthur mène le combat contre les conquérants anglo-saxons et périt dans la lutte. La légende le transformera en un roi puissant, qui subjugue Saxons et Écossais par douze batailles, tient une cour brillante, est blessé par trahison à la bataille de Camlan, enlevé et transporté dans l'île d'Avallon auprès de la fée Argante. Il aurait fondé à Caerléon, ou Camalot, l'ordre des chevaliers de la Table ronde, autour de laquelle ceux-ci, tous égaux, prenaient leur repas.
La légende du roi Arthur
Autour de la personne du roi Arthur est née une légende qui, au Moyen Âge, a elle-même servi de prétexte à un cycle de romans groupés sous le nom de « romans de la Table ronde ». Aujourd'hui encore, il est difficile de distinguer quelle est la part de l'histoire dans le roman du roi Arthur et de ses chevaliers.
De l'histoire à la légende
Le nom du roi Arthur apparaît pour la première fois dans l'Historia Britonum de Nennius, au ixe s. D'après cet ancien chroniqueur, Arthur était un chef militaire qui, au vie s., avait pris la tête de la résistance galloise aux envahisseurs saxons. Après avoir remporté maintes victoires, il périt au cours d'une bataille, et son corps ne fut jamais retrouvé. Lorsque, en 1135, Geoffroi de Monmouth entreprit d'écrire l'Historia regum Britanniae, dont une bonne partie est consacrée à Arthur et à ses conquêtes, il fit très probablement œuvre de romancier plus que d'historien. Vingt ans plus tard, à la demande de Henri II Plantagenêt, maître Wace, un Normand, fit de l'Historia une adaptation en langue romane, le Roman de Brut, qui inspira une large part de la littérature médiévale et en particulier l'œuvre de Chrétien de Troyes.
Au moment de la conquête normande (1066), la légende d'Arthur avait déjà pris forme en Angleterre. Consignée en latin dans les monastères de l'île, elle était propagée de vive voix par les conteurs, héritiers des bardes celtes. Les Gallois, vaincus par Guillaume le Conquérant, étaient refoulés dans les régions les plus pauvres de leur pays ou obligés de traverser la mer pour s'établir sur les côtes d'Armorique ; mais ils prenaient mythiquement une éclatante revanche : de l'obscur petit roi Arthur, la légende faisait le souverain incontesté de la Grande et de la Petite Bretagne, le protecteur des Celtes, l'arbitre de la chrétienté. Arthur n'était pas mort ; il dormait d'un long sommeil, et son réveil devait marquer la libération des Gallois et des Bretons.
Après l'invasion normande, la légende celtique se diffusa sur le continent, par l'intermédiaire, notamment, des bardes armoricains qui connaissaient le breton et le français. Elle allait alors s'imprégner de l'esprit courtois qui s'était répandu dans le Nord de la France depuis le mariage du roi Louis VII avec Aliénor d'Aquitaine, la petite-fille du troubadour Guillaume IX d'Aquitaine.
C'est ainsi transformée que la légende d'Arthur a servi d'argument principal aux romans bretons de Chrétien de Troyes, humaniste attaché à la cour de Marie de Champagne, fille d'Aliénor d'Aquitaine. Dans ce cycle romanesque (avec Cligès, Erec et Enide, Yvain ou le Chevalier au lion, Lancelot ou le Chevalier à la charrette, etc.), on retrouve bien la matière, la féerie et la brutalité des récits primitifs, mais soumises à une première spiritualisation : celle de l'idéal chevaleresque. Le chevalier combat non plus pour la libération de son pays, mais pour mériter l'amour de sa dame par sa valeur et son obéissance. En quête d'aventures, il parcourt un monde surnaturel de forêts, de vallons, de rivières et d'îles, jalonné de châteaux fantastiques et d'abbayes, où par hasard il rencontre de savantes demoiselles et des ermites qui connaissent le sens des songes. Il doit affronter des animaux fantastiques, des nains rusés et des géants maléfiques. Le chevalier est seul : toute sa force réside dans son courage, sa loyauté et son amour, qu'il prouve par les armes. Le combat est toujours juste, si bien que le vainqueur a toujours raison. Entre deux aventures, les chevaliers reviennent à la cour du roi Arthur, qui réunit les plus valeureux autour d'une table ronde d'où toute préséance est bannie.
Dans l'œuvre de Chrétien de Troyes, le merveilleux et la chevalerie sont empreints d'un esprit d'observation et de fine psychologie. On y remarque, d'autre part, une évolution du mythe vers un symbolisme de plus en plus religieux et mystique. C'est ainsi que le Graal, vase précieux et mystérieux, apparaît dans Perceval ou le Conte du Graal. Ce roman ayant été laissé inachevé, la signification du mythe reste énigmatique.
La quête du Graal
À la fin du xiie s., cependant, un certain Robert de Boron allia explicitement la tradition évangélique à la légende arthurienne. Dans son Histoire du Graal, le vase sacré est alors identifié au calice qui servit à Jésus-Christ lors de la dernière cène, avant d'être utilisé par Joseph d'Arimathie pour recueillir le sang des blessures du Sauveur. Dans la Quête du Saint-Graal (écrite vraisemblablement par des moines cisterciens), la table sur laquelle repose le vase précieux est à la fois la pierre du Saint-Sépulcre, la table des apôtres et l'autel de la messe. Ainsi, Merlin l'Enchanteur, qui a dressé la Table ronde pour l'anniversaire de la naissance du Christ, s'adresse en ces termes à Arthur et à ses chevaliers : « Dieu m'a inspiré de dresser ici-même une nouvelle table rappelant celle de la Cène… »
À la Table ronde, une place doit rester libre auprès du roi. Elle est destinée au meilleur chevalier du monde, qui se révélera être Galaad, le fils de Lancelot. Galaad surmontera, en effet, toutes les épreuves, qui sont, il est vrai, purement symboliques, alors que les autres chevaliers courent des dangers réels. Ce mythe signifie donc que l'homme n'est rien sans la grâce divine ; il lui faut donc, en fait, renoncer à l'idéal chevaleresque, encore trop humain. Lancelot, qui était la plus brillante incarnation de cet idéal, s'incline d'ailleurs devant la supériorité de son fils. L'amour charnel, le courage, la morale courtoise sont dès lors condamnés. Le chevalier errant, ainsi que ses compagnons Yvain et Perceval, choisit la voie du mysticisme.
Si la légende arthurienne continua à donner lieu, au XIVe et au XVe s., à de nouvelles adaptations, notamment en Angleterre, le mythe cependant n'évolua plus. Lors de la Renaissance, il fut même oublié. Les romantiques le retrouvèrent cependant, et Richard Wagner y puisa l'inspiration de ses opéras Parsifal et Tristan et Isolde. Il retrouva une certaine faveur à partir du XIXe s. avec les Chevaliers de la Table Ronde (1813) de Creuzé de Lesser et le poème de E. G. Bulwer-Lytton (le Roi Arthur, 1848), avant de devenir avec Tennyson (les Idylles du roi, 1859) un gentleman victorien accompli, avec Cocteau un désintoxiqué (les Chevaliers de la Table Ronde, 1937) et avec Julien Gracq un vieillard douillet (le Roi pêcheur, 1949).