Bangladesh
Nom officiel : République populaire du Bangladesh
État d'Asie méridionale baigné au sud par le golfe du Bengale, le Bangladesh est limité à l'est, au nord et à l'ouest par l'Inde, au sud-est par la Birmanie.
Le Bangladesh est membre du Commonwealth.
- Superficie : 143 000 km2
- Nombre d'habitants : 171 186 372 (2022)
- Nom des habitants : Bangladais
- Capitale : Dacca
- Langue : bengali
- Monnaie : taka
- Chef de l'État : Mohammad Shahabuddin Chuppu
- Chef du gouvernement : Hasina Wajed
- Nature de l'État : république à régime parlementaire
- Constitution :
- Adoption : 4 novembre 1972
- Entrée en vigueur : 16 décembre 1972
- Révisions : juillet 1989, août 1991
STATISTIQUES : DÉMOGRAPHIE
- Population : 171 186 372 hab. (2022)
- Densité : 1 088 hab./km2
- Part de la population urbaine (2023) : 40 %
- Structure de la population par âge (2023) :
● moins de 15 ans : 26 %
● 15-65 ans : 68 %
● plus de 65 ans : 6 % - Taux de natalité (2023) : 21 ‰
- Taux de mortalité (2023) : 5 ‰
- Taux de mortalité infantile (2023) : 25 ‰
- Espérance de vie (2023) :
● hommes : 72 ans
● femmes : 76 ans
Avec une superficie légèrement supérieure au quart de celle de la France, cet État est deux fois et demie plus peuplé : la densité de population avoisine les 1 100 habitants au km2. L'agglomération de Dacca, la capitale, est une des plus peuplées du monde. Chittagong et Khulna dépassent aussi le million d'habitants. Le fort taux de fécondité et la baisse relative de la mortalité (bien que le taux de mortalité infantile reste très élevé) entraînent une très forte croissance de la population dont l'espérance de vie s'améliore (72 ans).
STATISTIQUES : ÉCONOMIE
- GÉNÉRALITÉS
- PNB (2022) : 478 milliards de dollars
- PNB/hab. (2022) : 2 820 dollars
- PNB/hab. PPA (2022) : 7 690 dollars internationaux
- IDH (2021) : 0,661
- Taux de croissance annuelle du PIB (2022) : 7,1 %
- Taux annuel d'inflation (2022) : 7,7 %
- Structure de la population active (2021) :
● agriculture : 37,1 %
● mines et industries : 21,7 %
● services : 41,2 % - Structure du PIB (2022) :
● agriculture : 11,2 %
● mines et industries : 33,9 %
● services : 54,9 % - Taux de chômage (2022) : 4,7 %
- Tourisme
- Recettes touristiques (2020) : 218 millions de dollars
- Commerce extérieur
- Exportations de biens (2022) : 51 868 millions de dollars
- Importations de biens (2022) : 81 660 millions de dollars
- Défense
- Forces armées (2020) : 227 000 individus
- Dépenses militaires (2022) : 1,1 % du PIB
- Niveau de vie
- Incidence de la tuberculose pour 100 000 personnes (2022) : 221
- Part en % des richesses détenues par les 10 % les plus élevés (2021) : 58,5 %
- Part en % des richesses détenues par les 50 % les moins élevés (2021) : 3,5 %
- Dépenses publiques d'éducation (2022) : 2,0 % du PIB
Depuis vingt ans, le pays connaît une croissance de 5 à 6 % par an, dopée en partie par l'envoi de fonds des émigrés et par les exportations vers l'Europe et les États-Unis. Si la filière textile se développe grâce à la sous-traitance et au bas coût de la main-d'œuvre, au détriment des conditions de travail, le taux de pauvreté (national) a sensiblement diminué au cours des vingt dernières années, passant de 48,9 % en 2000 à 18,7 % en 2022. La situation sociale et politique reste tendue à la suite des élections de 2024, mais après un ralentissement en 2020, la croissance est toujours estimée à 6 % en 2023.
GÉOGRAPHIE
Le Bangladesh s'étend sur la plus grande partie du delta du Gange et du Brahmapoutre. C'est une région très humide (avec de fréquentes inondations, souvent provoquées aussi par le passage de cyclones), productrice surtout de riz, alors que le jute est la première exportation. Le pays, démuni en ressources minérales, a vu récemment son industrie s'étoffer (jusqu'à représenter 30 % du produit intérieur brut, avec l'instauration de zones franches, surtout spécialisées dans le textile), mais il souffre du surpeuplement, accru par une rapide croissance démographique. Le Bangladesh, peuplé très majoritairement de musulmans, est l'un des États les plus pauvres du monde et survit avec l'aide internationale.
1. Le milieu naturel
Le Bangladesh appartient, pour l'essentiel, à la vaste zone deltaïque où se déversent les eaux du Gange, du Brahmapoutre, de la Tista (qui draine le Sikkim) et de la Surma-Meghna (qui draine le plateau de Shillong). C'est la partie vive de ce delta, presque totalement inondée pendant les mois d'été. Le pays comprend aussi, à l'est, une étroite région montagneuse : les collines de Chittagong, formées de chaînes plissées parallèles, qui appartiennent à l'Arakan. Il règne un climat de mousson très pluvieux (avec des moyennes pluviométriques de 1 850 mm à Dacca, 2 678 mm à Chittagong, plus de 5 m dans les collines de bordure). Mais il existe un grand contraste entre la saison sèche, de novembre à mars, et la saison humide, d'avril à octobre. La situation peut être aggravée par les cyclones qui ravagent les côtes du Bengale vers la fin de l'été et provoquent parfois des inondations catastrophiques dans les zones amphibies.
2. La population
Le Bangladesh, deuxième pays musulman du monde après l'Indonésie, est un État surpeuplé : plus de 156 millions d'habitants sur un territoire grand comme la Grèce, soit une densité de 1 100 habitants par km2. Il est constitué d'une population relativement homogène. Le pays correspond, en effet, à la partie orientale du Bengale qui fut partagé avec l'Inde selon des critères religieux, le Bengale-Occidental indien ayant accueilli les populations hindoues lors de la partition de 1947. Les marges montagnardes (Chittagong Hill Tracts) hébergent toutefois des tribus aborigènes tibéto-birmanes, bouddhistes, qui mènent une guérilla contre les colons bengalis poussés par la croissance démographique et encouragés par le gouvernement. La répression militaire a provoqué le départ de près de 100 000 personnes vers l'Inde voisine.
Le développement économique du pays est constamment freiné par la poussée démographique qui reste toujours trop forte, malgré les campagnes en faveur du contrôle des naissances lancées dès les années 1960. En dépit de la baisse de la croissance annuelle de sa population, passée de 2,8 % en 1975 à 1,5 % dans les années 1990, le Bangladesh manque toujours d'espace et de réserves alimentaires. Le pays, qui compte 31 % d'habitants âgés de moins de 15 ans, peine considérablement à fournir une éducation minimale aux enfants et compte 58 % d'analphabètes. Or l'éducation (avant tout celle des femmes, dont seulement 1 sur 4 sait lire) est un facteur déterminant pour le contrôle des naissances et l'amélioration de la santé publique. Cette dernière constitue un problème majeur, car le pays doit faire face à l'un des climats les plus hostiles de la planète en raison des cyclones dévastateurs (100 000 morts en 1991) à l'origine d'inondations récurrentes et d'épidémies. Les crues d'été, qui entraînent souvent l'inondation de 30 % du territoire du Bangladesh, charrient des sédiments et modifient les lits des fleuves : elles provoquent régulièrement un désastre économique (coût en vies humaines, cultures arrachées, villages dévastés). Le développement du pays passe avant tout par la mise en œuvre d'une politique hydraulique globale. Mais le manque de financement et surtout de volonté politique empêche la construction de digues résistantes. Cependant, l'Union européenne (encouragée par la France) a soutenu un vaste projet à long terme (Flood Action Plan) d'endiguement des côtes les plus vulnérables.
3. L'économie
3.1. L'agriculture
L'abondance de l'eau des fleuves et des pluies n'a pas que des désavantages : elle produit une terre très riche et permet une culture intensive, en particulier du riz (43 millions de tonnes en 2006). Trois sortes de riz sont utilisées : le riz aman, de bonne qualité, qui profite des pluies et de la submersion durant les crues, est récolté en décembre ; le riz aus, moins intéressant, croît sur les buttes et les berges et ne bénéficie que des précipitations. Enfin, on assiste à un développement du riz boro de saison sèche. La seconde production agricole du Bangladesh est le jute (1er rang mondial), culture inaugurée par les Britanniques, mais que concurrencent maintenant les textiles synthétiques, ce qui compromet son avenir. Ensuite viennent les plantations de canne à sucre, cultivée dans le Nord, et de thé sur les hauteurs de l'Est (monts de Chittagong). Malgré les efforts fournis pour l'amélioration des rendements du riz et la promotion des cultures de saison sèche, moins vulnérables, le pays reste tributaire d'un climat particulièrement capricieux. Le poisson constitue, à côté du riz, l'autre base de l'alimentation (importance de la pêche). L'élevage bovin a un rendement médiocre.
Le Bangladesh reste l'un des pays les plus ruraux d'Asie : 77 % de la population vit dans les campagnes, et principalement dans le gigantesque delta du Bengale. L'agriculture emploie en effet 51 % de la population active et fournit 20 % du produit intérieur brut (P.I.B.). La situation des paysans est très précaire, du fait de l'absence de toute réforme agraire : la taille des exploitations est minimale, et le nombre d'ouvriers agricoles (paysans sans terre) est très élevé.
3.2. Le sous-développement industriel
Le Bangladesh doit son sous-développement industriel (28 % du P.I.B.) aux Britanniques puis aux Pakistanais : les premiers avaient concentré les usines à Calcutta, aujourd'hui dans le Bengale indien, tandis que les seconds avaient accordé la priorité à la partie occidentale du Pakistan. Le delta bangladais est, de plus, pauvre en richesses minières. Dépourvu de pétrole, le Bangladesh dispose cependant de quelques ressources d'énergie, notamment du gaz naturel, avec des réserves dépassant 200 milliards de m3 dans la région de Sylhet. L'hydroélectricité n'assure que 5 % des besoins du pays en électricité (son exploitation dépend l'Inde). L'industrie valorise surtout les produits de l'agriculture (jute, thé, sucre) et de l'élevage (cuirs et peaux). Elle souffre du manque de capitaux, de celui de techniciens et aussi de la pauvreté du sous-sol (en dehors du gaz). La majeure partie de l'industrie se confine à Dacca, la capitale, et à Chittagong (4,5 millions d'habitants dans l'agglomération), spécialisée dans l'industrie textile (traitement du jute).
C'est la présence de l'eau qui, une fois de plus, entrave l'amélioration des communications routières et ferroviaires : les fleuves sont difficilement franchissables ; depuis juin 1998, un pont relie les deux rives de la Yamuna, qui sépare l'est et l'ouest du pays. Un autre pont est en construction sur le Brahmapoutre pour faciliter l'accès à la capitale. Dans ces conditions, le développement du commerce intérieur est fortement pénalisé.
L'économie du Bangladesh se trouve depuis 1975 sous la tutelle des organismes internationaux, regroupés dans un consortium d'aide qui le contraint à mener une politique libérale orientée vers l'exportation, et à abandonner toute politique sociale. L'avènement de la démocratie a permis toutefois une hausse de la croissance du produit national brut et des exportations. Dans ce secteur, la transformation des produits textiles (prêt-à-porter) a connu un formidable essor, avec l'instauration de zones franches, et constitue plus des trois quarts des exportations. En dépit de ces progrès, la balance commerciale est toujours extrêmement déficitaire.
Les sites du Bangladesh classés à l'Unesco
Trois sites du Bangladesh sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco :
– ruines du Vihara bouddhique de Paharpur ;
– ville-mosquée historique de Bagerhat ;
– les Sundarbans.
HISTOIRE
Le Bangladesh correspond au Bengale oriental, région issue du partage du Bengale en 1947 et qui constitua alors le Pakistan-Oriental.
1. L'installation du nouvel État (1971-1973)
Proclamée en mars 1971 par le cheikh Mujibur Rahman, l'indépendance du Bangladesh ne devient effective que le 16 décembre 1971, à la fin de la guerre indo-pakistanaise. M. Rahman regagne le Bangladesh en janvier 1972 et forme immédiatement le premier gouvernement du nouvel État. Tous les membres de l'Assemblée nationale et des assemblées provinciales, élus avant mars 1971, forment la première Assemblée constituante du Bangladesh. Abu Sayyid Chaudhury est élu président de la République et M. Rahman devient Premier ministre. L'armée indienne se retire en mars 1972. Un accord d'assistance (janvier 1972) permet de faire face au retour des réfugiés ; il est complété, le 19 mars, par un traité indo-bengalais d'amitié, de paix et de coopération. Cependant, les rapports avec l'Inde se tendront progressivement, un contentieux hydraulique à propos des eaux du Gange et du barrage de Farakka opposant les deux pays. M. Rahman fait aussi appel à toutes les grandes puissances qui ont reconnu le nouvel État. Moscou accorde une aide financière ; les banques et les principales industries sont nationalisées. En octobre 1972, le gouvernement présente un projet de Constitution : le nouveau régime sera une démocratie parlementaire, les députés seront élus au scrutin de circonscription et le Premier ministre sera choisi par le président de la République, lui-même élu par le Parlement.
2. L'échec de la démocratisation (1974-1979)
Lors des premières élections générales de mars 1973, M. Rahman remporte une victoire écrasante, mais la puissance de la bourgeoisie pro-indienne, le développement de la misère et du banditisme, la pression de la gauche et de l'extrême gauche le contraignent à accentuer la répression. En décembre 1974, il proclame l'état d'urgence ; investi des pleins pouvoirs, il abolit le système parlementaire et instaure un régime présidentiel, appuyé sur un parti unique. Il accède en même temps à la présidence de la République, dont A. S. Chaudhury avait démissionné en décembre 1973, mais il est assassiné lors du coup d'État militaire d'août 1975. Le Bangladesh devient République islamique, mais, dès novembre 1975, des rivalités au sein de l'armée amènent au pouvoir le général Zia ur-Rahman en tant qu'administrateur de la loi martiale. Pour désamorcer l'opposition, les Bengalais sont appelés à désigner leur président au suffrage universel : la consultation du 3 juin 1978 donne 78 % des voix au général Zia ur-Rahman. Les élections législatives du 18 février 1979 offrent au parti gouvernemental une large majorité dans la nouvelle Assemblée nationale.
3. La dictature du général Ershad (1982-1990)
Le 30 mai 1981, le général Zia est assassiné par un groupe d'officiers. Le général Hussain Mohammed Ershad prend le pouvoir en mars 1982 en destituant Abdus Sattar, élu président au mois de novembre précédent. Après avoir instauré la loi martiale et dissous l'Assemblée, il se proclame chef de l'État en décembre 1983 et se maintiendra au pouvoir jusqu'en 1990. Pour donner les apparences de la légitimité à la dictature militaire, le général Ershad fait organiser des élections en mai 1986, remportées par son parti, le Jatiya Dal. La levée de la loi martiale (décembre 1986) mais surtout le trucage évident des élections renforcent les divers mouvements d'opposition. Ceux-ci se regroupent en deux tendances : le mouvement libéral de la bégum Khaleda Zia, veuve du général Zia ur-Rahman, forme le Bangladesh National Party (BNP), tandis que la Ligue Awami (AL), menée par Hasina Wajed, la fille de M. Rahman, constitue une formation d'obédience socialiste et laïque. Ces deux partis, dont le seul point commun est la volonté de renverser le dictateur, réussissent à mener des actions conjointes et parviennent à leurs fins le 4 décembre 1990, à la suite d'une vaste campagne d'opposition durement réprimée.
4. Le retour difficile de la démocratie (1991-1996)
Des élections législatives sont organisées en février 1991 alors que le Jatiya Dal est dissous. La victoire revient au BNP et Khaleda Zia est nommée Premier ministre ; la réforme de la Constitution permet l'instauration d'un régime parlementaire, mais le manque d'expérience politique du parti freine le processus de démocratisation. L'opposition de Hasina Wajed, soutenue par les intellectuels et des minorités non musulmanes, devient très vite active. De plus, fin avril, le pays est dévasté par un cyclone ; en provoquant la mort de plus de 100 000 personnes et en laissant 10 millions de sans-abri, celui-ci témoigne des faiblesses du pouvoir qui n'a pas réussi à organiser efficacement les secours. Conformément à son projet, le gouvernement de Khaleda Zia lance une série de mesures économiques libérales pour tenter d'attirer les investisseurs étrangers, mais les politiques sociales restent inexistantes dans un pays qui montre tous les signes d'un extrême sous-développement. L'opposition se durcit vis-à-vis du gouvernement : les syndicats lancent des mouvements de grèves et les députés hostiles au BNP décident d'opérer un boycott complet de l'Assemblée pour protester contre les multiples irrégularités durant les élections de 1994. Leurs revendications, c'est-à-dire la démission de la bégum et l'organisation d'élections par un gouvernement intérimaire neutre, ne seront pas entendues. Khaleda Zia organise des élections législatives en février 1996 et gagne par défaut, les partis d'opposition ayant boycotté le scrutin tout en orchestrant un mouvement de grève générale et de non-coopération. Devant l'escalade de la violence, le Premier ministre se résout enfin à démissionner.
5. Le premier gouvernement de Hasina Wajed (1996-2001)
La Ligue Awami de Hasina Wajed remporte les élections de juin 1996 par 146 sièges sur 299 à renouveler. Le nouveau gouvernement entame une série de mesures permettant, sur le plan politique et judiciaire, une plus profonde démocratisation du pays, et, sur le plan économique, un renforcement de la déréglementation et une plus grande ouverture vers l'extérieur. Il libère de prison le général Ershad, en remerciement du soutien de son parti (devenu le Jatiya Party) à l'AL, et fait abroger la loi constitutionnelle d'indemnisation, permettant de juger les meurtriers du père du Premier ministre, M. Rahman. Les réformes entreprises portent leurs fruits, cependant que l'opposition ne parvient pas à regagner un soutien populaire, malgré l'utilisation des méthodes mêmes que l'AL avait initiées (boycott de l'Assemblée, grèves) pour chasser le BNP du pouvoir. L'inflation décroît tandis que la croissance atteint 5 % en 1996 (taux maintenu les années suivantes) et que les exportations de textiles progressent. Mais, parallèlement, l'endettement du pays s'accroît et atteint un niveau inquiétant. Quant à la corruption, mal endémique, elle continue de prospérer. En revanche, les mesures de prévention contre les cyclones permettent de limiter les décès lors des saisons de 1997 et 1998. Les efforts de l'opposition menée par Khaleda Zia pour déstabiliser le gouvernement, encore redoublés à l'approche des élections législatives d'octobre 2001, ne parviennent pas à entamer la fermeté de Hasina Wajed, mais celle-ci en déployant l'essentiel de son énergie à combattre ces pratiques stériles délaisse la mise en œuvre de réformes toujours différées. Ainsi le bilan du gouvernement AL est-il mitigé. L'échec est notamment patent dans le domaine du dialogue politique, mais aussi dans celui des droits de l'homme avec l'adoption en 2000 d'une « loi sur la sécurité publique », autorisant un grand nombre d'abus comme la détention sans jugement de plusieurs centaines de personnes.
Quant aux négociations menées par le gouvernement avec les aborigènes des marges orientales (Chittagong Hill Tracts), qui mènent une guérilla active contre les colons bengalis musulmans, elles aboutissent à un accord signé entre les deux parties en décembre 1997. Mais l'opposition du BNP à celui-ci, jugé par ce parti comme une atteinte à la souveraineté nationale,retarde la mise en application de cet accord.
6. Le retour de K. Zia (2001-2006)
En octobre 2001, Khaleda Zia, à la tête du BNP et de ses alliés, revient au pouvoir en remportant la majorité absolue des 330 sièges de l'Assemblée (214 sièges, dont 17 à son principal partenaire le parti islamiste, Bangladesh Jamaat-e Islami). L'AL n'obtient que 62 sièges. Khaleda Zia forme un gouvernement avec les islamistes. Hasina Wajed reprend à son compte la stratégie d'obstruction systématique que sa rivale avait adoptée lorsqu'elle était dans l'opposition, d'où un climat politique marqué par la confrontation permanente, la répression et, en définitive, la violence. Des attentats réguliers visent indistinctement étrangers, membres des ONG, journalistes et hommes politiques. Ainsi un rassemblement de l'AL est-il la cible d'une attaque à la grenade à Dacca le 21 août 2004. Si le Bangladesh connaît une période de croissance (5,5 % par an en moyenne), cette dernière reste insuffisante et fort mal partagée tandis que dominent la corruption et toutes sortes de banditismes, révélant des collusions entre sphères politiques et milieux criminels. À quoi il convient d'ajouter l'agitation islamiste, de plus en plus organisée et meurtrière à partir de 2005. Il est vrai que les Bangladais condamnent très largement l'intervention américano-britannique en Iraq, contre laquelle ils manifestent massivement au printemps 2003 à Dacca. C'est dans ce contexte d'instabilité politique tendancielle qu'en novembre 2003 l'ancien président A. S. Chaudhury opère son retour dans la vie publique, aux rênes d'Alternative Stream, une formation chargée de dénoncer la pauvreté, la corruption, et les atteintes aux droits. Il n'en demeure pas moins que Khaleda Zia reste au pouvoir jusqu'en octobre 2006, date où, conformément à la Constitution, elle démissionne. Mais, en raison des tensions entre l'opposition et la majorité sortante, les élections législatives prévues sont repoussées.
7. L'état d'urgence (2007-2008)
Les désordres qui s'ensuivent (grèves générales à répétition, manifestations, dizaines de morts, appel au boycott des urnes par l'AL) poussent le président de la République à proclamer l'état d'urgence le 11 janvier 2007, à reporter sine die la consultation électorale, et à nommer Fakhruddin Ahmed, ancien gouverneur de la Banque centrale, à la tête d'un nouveau gouvernement intérimaire, qui dispose du soutien discret mais efficace de l'armée. Celui-ci se lance dans une campagne anti-corruption, qui aboutit à l'internement de nombreuses personnalités politiques, dont les deux anciennes Premiers ministres Zia et Wajed. Les pressions internationales le conduisent toutefois à déterminer un horizon pour les élections législatives : fin 2008. Mais, loin de permettre le rétablissement des libertés publiques, les manifestations d'étudiants à la fin de l'été 2007 incitent le pouvoir à durcir la répression. Le tout sur fond de mécontentement populaire, lié notamment à la gestion gouvernementale des catastrophes naturelles, particulièrement dramatiques en 2007, dont le pays est régulièrement victime : inondations ravageuses lors de la mousson d'août (un demi-millier de victimes directes et 8 millions de sinistrés), désastre lié au cyclone Sidr le 15 novembre (plus de 5 000 morts). Une nouvelle vague de milliers d'arrestations se produit au cours des mois de mai et de juin 2008, accentuant le caractère répressif du gouvernement intérimaire et augurant mal de la tenue des élections prévues pour la fin d'année. Pourtant, deux semaines avant celles-ci, l'état d'urgence est levé et la campagne se déroule dans des conditions « normales » : comme auparavant, elle voit s'affronter les deux rivales Khaleda Zia (BNP) et Hasina Wajed (AL). C'est cette dernière qui, avec 49 % des voix et 230 sièges sur 299 (contre 33 % et 30 représentants pour l'AL ; 7 % et 27 représentants pour son appoint le Jatiya Party), l'emporte le 29 décembre et redevient Premier ministre, avec pour tâches principales la lutte contre la pauvreté, la hausse des prix des produits de base et la corruption, le développement les droits, de la démocratie et des infrastructures. Toutefois, quelques semaines après l'installation du nouveau gouvernement, à la fin de février 2009, la mutinerie sanglante d'une unité des forces de sécurité à Dacca semble devoir à nouveau faire figure de preuve supplémentaire de la fragilité du régime et de l'instabilité chronique du pays.
8. Le nouveau gouvernement Wajed (2009-)
Le gouvernement Wajed sort néanmoins indemne de ces troubles et peut continuer à diriger sans encombres le pays. La croissance économique demeure soutenue, aux alentours de 6 % par an, mais loin des 9-10 % qui permettrait au Bangladesh de compenser le rythme de sa démographie galopante (plus de 1 % par an), de décoller à l’instar du grand voisin indien et de réduire pour de bon une pauvreté pour l’heure encore très largement endémique malgré les ambitieux plans de lutte dont elle fait l’objet. L’inflation, elle aussi, se maintient à un niveau élevé proche des chiffres de hausse du PIB et pouvant même dépasser les 10 % (2011), ce qui suscite régulièrement des protestations de la part des plus démunis. En juillet 2010, comme un peu plus tôt au printemps 2006, après de nombreuses et violentes manifestations, et malgré les fortes réticences des donneurs d’ordre internationaux, les ouvriers du textile obtiennent une hausse de 80 % de leur salaire de base, concession appréciable mais qui reste à leurs yeux nettement insuffisante : celui-ci passe de $23 à $43 à compter du 1er novembre, ce qui reste l'un des plus bas du monde, mais n’empêche pas certains façonniers mondiaux de décider de fermer leurs ateliers, non sans susciter de nouvelles protestations, comme en témoignent les heurts (4 morts, tués par la police) dans le district de Gazipur, en décembre, voire les étendre à d’autres secteurs, comme celui des produits pharmaceutiques un peu plus d’un mois plus tard.
Après avoir réagi à l’agitation sociale par le compromis et les concessions mais aussi par la fermeté, le cabinet Wajed doit faire face à la protestation des islamistes qui réprouvent en avril 2011 son projet d’accorder aux femmes l’égalité des droits et demandent l’instauration de la loi islamique. Les grèves et manifestations qui s'échelonnent dans le pays tout au long de l'année, sont réprimées dans la violence et font des blessés, ce qui écarte toute perspective de changement à court terme. Les mêmes réclament parallèlement l’instauration de la loi islamique et montent des coups d’éclat pour attester le règne ici et là, à l’échelle locale, de la charia. Le pouvoir ne transige pas et parvient à réviser la Constitution à la fin de juin, faisant renouer le pays avec la laïcité qui prévalait en 1972, même si l’islam reste « religion d’État ». Les partis d'opposition dénoncent quant à eux la suppression par cette réforme constitutionnelle de la disposition prévoyant la nomination d’un gouvernement intérimaire non partisan avant la tenue des élections législatives, un système introduit en 1996 afin de garantir l’équité et la transparence du scrutin.
Après de nouvelles manifestations dans le cadre d’une « marche pour la démocratie » qui conduisent à de nombreuses arrestations, les élections de janvier 2014 se déroulent dans un climat de violences et dans des conditions très critiquées, notamment par les Nations unies : boycottées par l’opposition conduite par le BNP de Khaleda Zia, elles donnent une majorité de 245 sièges sur 300 à la Ligue Awami (232 sièges) et ses alliés. Le taux de participation est estimé à 51 %. Reconduite à la tête du gouvernement, Hasina Wajed table sur une croissance économique soutenue (estimée à 6,5 % en 2015) et une réduction de la pauvreté qui permettraient au Bangladesh de rejoindre d’ici 2021 le groupe des pays à revenu intermédiaire.
Relativement épargné par la violence djihadiste qui ensanglante le Pakistan depuis plusieurs années, le Bangladesh n’échappe pourtant pas à la radicalisation de groupuscules islamistes tels que le Jamaatul Mujahideen Bangladesh et le Ansarullah Bangla Team. En témoignent une série d’assassinats, depuis 2013, visant des activistes laïques, des membres des minorités religieuses ou des homosexuels, l’annonce de la formation d’« al-Qaida dans le sous-continent indien » (AQIS) par Ayman al-Zawahiri en septembre 2014, incluant le pays dans son rayon d’action, ou la revendication par l’organisation « État islamique » de plusieurs attentats dont celui contre des ressortissants étrangers dans un restaurant de Dacca en juillet 2016.
Cependant, le gouvernement – qui est accusé de museler l’opposition sous couvert de lutte antiterroriste –, nie la présence de ces deux réseaux djihadistes et impute la responsabilité de ces violences à une tentative de déstabilisation par le BNP et son allié islamiste, le Bangladesh Jamaat-e Islami, interdit de se présenter aux élections de 2014 et dont plusieurs dirigeants ont été condamnés à mort et exécutés à l’issue des procès très controversés des responsables de crimes de guerre lors de la guerre d’indépendance de 1971.
Les atteintes aux libertés de réunion et d’expression se confirment : en témoignent la répression d’une manifestation (apolitique) d’étudiants en août 2018 et la volonté du gouvernement de contrôler les nouveaux médias grâce à l’adoption d’une nouvelle loi sur la sécurité numérique (septembre), qui renforce les dispositions restrictives de la législation existante (loi sur la Technologie de l’Information et de la Communication), elle-même critiquée depuis des années par des journalistes et militants politiques. Des empiètements sur l’indépendance de la justice sont également dénoncés.
En décembre 2018, la Ligue Awami et ses alliés remportent la quasi-totalité des sièges à la suite des élections législatives jugées frauduleuses par l’opposition qui, au sein du Jatiya Oikya Front sous la conduite de Kamal Hossain, juriste et ancien ministre du gouvernement Rahman ayant rompu avec H. Wajed, obtient moins de 10 sièges. K. Zia étant détenue depuis février après avoir été condamnée à cinq ans de prison pour corruption (et dans l’attente d’un nouveau procès), le BNP, qui dénonce le harcèlement judiciaire dont ses dirigeants sont victimes au nom de la lutte anti-corruption, rejette le résultat et refuse de siéger.
En janvier 2019, H. Wajed entame ainsi son quatrième mandat.
9. La politique extérieure
L'Inde, qui a permis l'indépendance du Bangladesh, n'en reste pas moins un grand frère envahissant : ce pays encercle la quasi-totalité du Bangladesh, et contrôle le débit des eaux du Gange et du Brahmapoutre qui forment le delta du Bengale ; le contentieux durable du barrage de Farakka, en Inde, a pu enfin être résolu en 1997 grâce à la signature d'un accord. La Ligue Awami (AL), au pouvoir jusqu'en octobre 2001, a réussi à maintenir des relations cordiales avec son puissant voisin. Pourtant en avril 2001 les deux pays ont fait face au plus grave incident frontalier de ces dernières années, provoqué par la construction par l'Inde d'une route dans une partie de territoire disputé. Depuis, les sources de tension demeurent – l'Inde accusant le Bangladesh notamment d'entretenir une menace islamiste sur son flanc oriental et d'y nourrir des flux massifs d'immigrants clandestins, et par là même de perturber les fragiles équilibres (économiques mais aussi ethniques et confessionnels) de ces provinces instables. Un programme de construction d’un mur de protection à la frontière a d'ailleurs de ce fait été mis sur pied par New Delhi, pour être interrompu lors du réchauffement des relations entre les deux voisins avec le retour au pouvoir en 2009 de Hasina Wajed. Depuis, des séries de rencontres bilatérales, dont la visite de Manmohan Singh en septembre 2011, multiplient les accords de sécurité et de coopération entre ces nations qui s’estiment désormais avant tout partenaires. À ce titre, Dacca se voit octroyer un prêt d'un milliard de dollars par New Delhi en août 2010.
D'une manière générale, le Bangladesh cherche à promouvoir la coopération et le développement économique à l'échelle continentale, au travers de l'Association de l'Asie du Sud pour la coopération régionale (SAARC) qu'il a contribué à mettre sur pied, pour créer un contrepoids à la puissance de l'Inde. À partir de 1999, le pays obtient un siège non permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, se fait, à cette tribune comme à l'OMC, l'un des défenseurs acharnés des pays les plus pauvres de la planète et, fortement menacé par une possible montée des eaux des océans, plaide ardemment pour la lutte contre le réchauffement climatique. Les relations avec son ancien tuteur, le Pakistan, se sont considérablement améliorées depuis l'indépendance même si demeurent des points d’achoppement, en particulier à propos de la reconnaissance officielle par Islamabad du génocide perpétré par ses troupes au moment de la guerre civile en 1971 : le tribunal spécial destiné à juger les responsables impliqués dans les massacres formé en mars 2010 après le succès électoral de Hasina Wajed entame ses procès à l’été 2012. Quant à la question des réfugiés musulmans de Birmanie – les Rohingyas fuyant depuis 1978 les persécutions et les discriminations dont ils sont victimes dans l’État birman Rakhine –, elle reste toujours pendante, en dépit du rapatriement d’une grande partie de cette minorité après l’exode du début des années 1990. À partir de 2017, victime de nouvelles persécutions orchestrées par l’armée birmane, cette population fuit en masse de l’autre côté de la frontière. Le Bangladesh abrite ainsi désormais sur son sol quelque 900 000 réfugiés rohingyas.
En outre, des liens économiques, commerciaux, policiers et militaires plus étroits se nouent désormais avec l'autre grande puissance régionale, la Chine. Enfin, le Bangladesh s’emploie à entretenir de bonnes relations avec les États-Unis, l’un de ses principaux débouchés pour ses exportations textiles.