le Gange
en sanskrit et en hindi Gaṅgā
Fleuve de l'Inde, long de 3 090 km, qui draine un bassin de 2 165 000 km2.
Le Gange draine le plus vaste des bassins fluviaux indiens (auquel on peut ajouter celui du Brahmapoutre, qui mêle ses eaux à celles du Gange dans un delta commun). Le cours du Gange comprend trois sections très différentes : le Gange himalayen, le Gange moyen et le delta.
Les sources du Gange sont situées dans le Garhwal, région de l'Himalaya central, sur le territoire de l'Inde. On distingue, parmi les cours supérieurs du fleuve, deux branches principales : l'Alaknanda, qui naît au pied glacier Gangotri près de Gaumukh (« la bouche de la vache »), à 4 195 m d'altitude, au-dessus de la ville sacrée de Badrinath, et la Bhagiratlu, dont les sources sont situées plus à l'ouest, au-dessus des villes sacrées de Kedarnath et de Gangotri. Ces cours supérieurs sont des torrents tumultueux coulant au fond de vallées en V profondément entaillées dans la montagne. Le chemin qui mène aux sources ne trouve généralement pas de place au fond de la vallée, mais a dû être taillé dans les rochers sur l'un ou l'autre des versants. C'est à partir du confluent de l'Alaknanda et de la Bhagirathi, à Devaprayag, que le fleuve prend le nom de Gange. La vallée s'élargit, se transforme en vallée à fond plat (large de 1,5 km environ à Rishikesh), puis franchit la chaîne des Siwalik à travers des gorges. Le cours montagnard se termine à Hardwar, où la largeur du lit se réduit à 750 m. Le Gange a alors parcouru 290 km sur une dénivellation de 3 600 m. Son débit minimal est de 200 m3s. À l'époque de la mousson, le débit maximal des rivières himalayennes est approximativement trente fois supérieur au débit minimal.
Sorti de l'Himalaya, à une altitude de 311 m, le Gange coule dès lors très lentement à travers une large plaine, la plaine Indo-Gangétique, édifiée par ses propres alluvions et celles de ses affluents. Il décrit une courbe vers le sud de cette plaine, tendant à longer la bordure des terrains anciens du Deccan, vers laquelle la masse des alluvions venues de l'Himalaya l'a repoussé. En amont du confluent de la Jamna, il ne fait pas encore figure de grand fleuve : sa vallée est incisée dans les cônes alluviaux qui se sont développés au pied des Siwalik. Il coule dans une plaine d'inondation de plusieurs kilomètres de large. La largeur modeste du lit mineur permet son franchissement par un certain nombre de ponts ferroviaires ou routiers. Il arrose Fatehgarh et Kanpur. C'est après Allahabad (confluent de la Yamuna) que le Gange apparaît comme un grand fleuve majestueux, décrivant de nombreux méandres, qui présentent jusqu'à Mirzapur et Bénarès (Varanasi) des berges convexes élevées et des berges concaves basses, sur lesquelles les crues se déversent occasionnellement. Par endroits, le cours du fleuve a incisé les roches cristallines du Deccan. Les affluents venus du Deccan, comme la Chambal, la Son, ne constituent, par leur débit, qu'un apport secondaire en comparaison de celui des affluents himalayens : sur la rive droite, la Yamuna ou Jamna ; sur la rive gauche, la Gogra, la Gandak, la Kosi, rivières présentant des caractères analogues à ceux du Gange supérieur. Par moments, aux époques de sécheresse, le fleuve roule moins de 150 m3s : c'est un cours d'eau étroit sinuant dans son lit majeur. À d'autres moments, c'est un fleuve très large. Les ponts qui le franchissent mesurent 870 m à Kanpur, 900 m à Allahabad, 1 055 m à Bénarès.
À 350 km de la mer, les eaux du Gange commencent à s'étaler dans un vaste delta couvert de rizières, puis se jette dans le golfe du Bengale. Elles parcourent encore 500 km dans leurs sinuosités. Le delta, qui constitue la plaine du Bengale, est commun au Gange, à la Tista, au Brahmapoutre. Il couvre 80 000 km2. Il n'a pas cessé d'évoluer. Au xvie s., les eaux du Gange s'écoulaient surtout par la branche occidentale, la Bhagirathi, ou Hooghly (Hugli), mais cette branche s'est graduellement ensablée, et les eaux ont cherché une issue vers le bras oriental de la Meghna. Aussi, ce delta comprend-il plusieurs zones inégalement évoluées, parsemées de lagunes et d'aires inondables. La partie orientale (au Bangladesh) est inondée pendant plusieurs mois chaque année. Cette partie orientale s'appelle, après sa réunion avec le Brahmapoutre, le Padma. Le long de la mer, le delta se termine par une large zone amphibie couverte de mangrove : les Sundarbans (sundar, beau, et ban, forêt). Les changements de lits dans le delta sont très fréquents, ainsi que les inondations.
De débit lent et irrégulier, le fleuve reçoit de ses affluents le produit de la fonte des neiges de l'Himalaya d'avril à juin, puis l'eau des pluies de mousson de juillet à septembre. Il charrie 1 million de tonnes d'alluvions par jour. Le débit moyen, à 600 km de l'embouchure, est de 13 000 m3s, mais avec des fluctuations qui peuvent aller de 150 m3s en saison sèche à 73 000 m3s en crue d'été, la largeur du lit majeur atteignant près de 1 km.
Le Gange a toujours joué un rôle capital dans la vie des hommes. Des villes importantes, dont plusieurs capitales historiques, se sont fixées sur ses bords : notamment Hardwar, Kanauj, Kanpur, Allahabad (l'antique Prayag), Bénarès (l'antique Kasi), Patna (l'antique Pataliputra), enfin Calcutta sur la branche deltaïque de l'Hooghly. Le Gange est le grand fleuve sacré de l'Inde, jouant un rôle essentiel dans le système religieux hindou. Plusieurs de ses villes sont des centres de pèlerinage importants, particulièrement Bénarès, Allahabad, Hardwar. Chaque année, quelque 60 000 pèlerins se rendent à pied aux sources du Gange.
Autrefois, le Gange était la principale voie de transports dans l'Inde du Nord. La navigation y a perdu de son importance en raison du développement des transports routiers et ferroviaires. Mais les cours d'eau du Bengale restent des moyens de transport très utilisés et sont aussi un domaine de pêche. La principale utilisation du fleuve est aujourd'hui l'irrigation, qui repose sur un système de canaux de dérivation, construits surtout dans la seconde moitié du xixe s. (Upper Ganges Canal, Lower Ganges Canal, etc.). Plusieurs ouvrages ont été entrepris sur son cours. Ils sont destinés à l'irrigation (barrage de Farraka) et à la production d'hydroélectricité (barrages de Kalagarh et de Rihand).
Les régions parcourues par le Gange constituent de nos jours l'une des plus importantes concentrations de population du monde.