Russie : population
La faible densité moyenne de la population (8 habitants au km2) témoigne de la faible occupation du sol, mais cache surtout l'inégalité de la répartition : la partie occidentale du territoire (Oural compris) regroupe pratiquement 80 % de la population sur 25 % du territoire, avec une densité moyenne de 25 habitants au km2, face à une densité de 2 habitants au km2 pour la partie asiatique du pays. Les Russes d'origine constituent un peu plus de 80 % de la population totale. Une vingtaine de minorités totalisent toutefois plus de 22 millions d'habitants, répartis dans des républiques et régions autonomes, principalement localisées dans la plaine russe (Volga supérieure) et au nord du Caucase. Un nombre important de Russes vivent dans les pays voisins (notamment en Ukraine, au Kazakhstan et dans les pays Baltes). La majeure partie de la population est aujourd'hui urbanisée (75 %). Moscou et Saint-Pétersbourg dominent le réseau urbain, mais plus d'une douzaine d'autres villes comptent plus d'un million d'habitants : Nijni Novgorod, Iekaterinbourg, Samara, Tcheliabinsk, Oufa, Perm, dans la région Volga-Oural, Novossibirsk et Omsk, en Sibérie occidentale. La chute de la natalité (10 ‰) et l'augmentation très sensible de la mortalité (surtout masculine) s'expliquent par la conjonction des difficultés économiques et des déficits sanitaires (hôpitaux, maternités et médicaments), si bien que la population de la Russie diminue de façon continue depuis 1992.
● moins de 15 ans : 18 %
● 15-65 ans : 66 %
● plus de 65 ans : 16 %
● hommes : 66 ans
● femmes : 75 ans
1. Les disparités du peuplement
Si la densité moyenne de la Russie (moins de 10 habitants par km2) révèle une faible occupation du territoire, les disparités régionales sont très fortes : la Russie d'Europe regroupe près de 80 % de la population sur à peine le quart de la superficie nationale. Seules quelques grandes agglomérations (région de Moscou et de Saint-Pétersbourg), le bassin de la Volga et les piémonts du Caucase dépassent 100 habitants par km2. En Russie d'Asie, le peuplement s'étire le long du Chemin de fer transsibérien, mais reste extrêmement faible. Aussi le gouvernement cherche-t-il à favoriser l'installation de migrants dans le sud de la façade pacifique, ainsi qu'en Sibérie occidentale et centrale.
La diversité ethnique de la population est très importante : on comptait, en 1989, 69 « nationalités » originaires du seul territoire de la Russie et 59 autres issues du reste de l'U.R.S.S. Les Russes, de loin les plus nombreux, représentent plus de 80 % de la population. Le groupe altaïque (Turcs, Mongols), au premier rang duquel se trouvent les Tatars (Tatars de Crimée, Tatars de Kazan) [5,5 millions], regroupe 7 % de la population. Viennent ensuite les Caucasiens (2 %) et les Ouraliens (1,5 %). Près de 65 % des non-Russes ont été pourvus d'un territoire national sous la forme de république ou de région autonome, ce qui leur a permis de conserver une spécificité culturelle et linguistique plus importante que les ethnies dépourvues de territoire propre. Les villes, généralement multiethniques, sont toujours dominées par les Russes ; les villages, en revanche, restent le plus souvent monoethniques.
2. Une évolution démographique inquiétante
Parallèlement à l'effondrement de l'U.R.S.S. et aux transformations radicales du pays, le déclin démographique de la Russie a donné lieu à plusieurs interprétations plus ou moins alarmistes renvoyant, le plus souvent, à l'évolution chaotique de la vie politico-économique de la Russie. De fait, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, la population de la Russie a diminué depuis 1995 (7 millions d'habitants de moins) et le bilan naturel négatif s'est amplifié. Cette évolution est liée à la fois à la baisse de la natalité (enregistrée à partir de 1988 ; depuis 2000, l'indice de fécondité est passé au dessous de 1,2) et à l'augmentation de la mortalité, qu'il faut attribuer, en partie, à la détérioration des conditions de vie. Néanmoins, d'autres facteurs, de plus ou moins long terme doivent être pris en considération pour éclairer cette évolution.
La lente dégradation du système sanitaire soviétique, signalée dès les années 1970 et toujours pas enrayée, l'effet de l'abandon des réformes anti-alcooliques initiées par Mikhaïl Gorbatchev (les causes de décès par mort violente sont exceptionnellement élevées en Russie), l'écart, hérité de la Seconde guerre mais toujours sensible dans le rapport hommes femmes (47 % d'hommes en 1990), les changements de comportements familiaux (allongement de l'âge au mariage et à la procréation) constituent ainsi des facteurs explicatifs importants dans ce déclin démographique qui se trouve partiellement compensé par la croissance des migrations.
3. L'évolution des migrations internes et externes
La croissance très importante de l'immigration vers la Fédération de Russie depuis 1990 a confirmé en l'amplifiant considérablement la tendance amorcée depuis la fin des années 1960 au départ des populations russophones installées jusque-là dans les régions non russes (pays Baltes et surtout Asie centrale). Ce processus, souvent assimilé à une forme de décolonisation spontanée a, en effet, accompagné la « nationalisation » progressive de la vie politique et économique des républiques soviétiques. Lors de l'effondrement de l'U.R.S.S., 25 % de Russes et russophones vivaient hors de la Fédération de Russie et plusieurs millions d'entre eux sont revenus, depuis, dans le pays, sous l'effet principal des tensions inter-ethniques qui ont caractérisé l'édification des nouveaux États issus de l'U.R.S.S. Ces « migrants forcés », selon la terminologie adoptée par les pouvoirs publics russes (en tant que citoyens russes, ils sont distingués des « réfugiés »), nettement sous-enregistrés (800 000 officiellement reconnus, mais ils seraient 3 à 5 millions selon les estimations), viennent en majeure partie d'Asie centrale. Ils ont contribué de façon importante à la croissance du solde migratoire, qui, selon les années, a varié de 100 000 à 600 000, le pic ayant été atteint en 1994 et le solde s'étant tari très fortement en 2000. Les troubles et les conflits, tant au sein de la Fédération (Tchétchénie) que dans l'étranger proche (au Caucase principalement) ont donné lieu à d'importants mouvements de réfugiés. Les deux interventions de l'armée russe en Tchétchénie auraient entraîné le départ de 400 000 à 500 000 personnes et les conflits en Transcaucasie et au Tadjikistan ont également généré d'importants flux. Les migrations internes, évaluées à 22 millions de personnes au cours des années 1990, sont significatives de la recomposition socio-économique de la Fédération de Russie.
Quant à l'émigration de Russie, elle a été également importante (1 million de personnes environ entre 1992 et 2000), mais a, en grande partie, été le fait de minorités (600 000 Allemands, notamment), se dirigeant principalement vers l'Allemagne, vers Israël et vers les États-Unis.
4. Villes et campagnes
La population urbaine n'est majoritaire en Russie que depuis les années 1950. L'habitat rural est surtout présent dans le Sud (steppes, terres noires…), sous la forme de grosses bourgades, tandis qu'au nord et en Sibérie les maisons sont beaucoup plus dispersées. La politique d'élimination de villages trop excentrés ou sous-peuplés, pour des raisons de sous-équipement, a été menée de façon chaotique et a été abandonnée durant l'ère Brejnev. En revanche, le nombre des datchas (maisons de campagne) a fortement augmenté depuis les années 1980. La population urbaine a connu, au xxe s., une très forte croissance, liée pour moitié à l'exode rural.
La majorité des villes ont été créées pendant la période soviétique : développement des activités industrielles et minières dans l'Oural, le nord-ouest et le centre de la Russie, mais aussi ouverture de fronts pionniers en Sibérie et en Extrême-Orient. L'importance accordée au développement des plus grandes villes, considéré comme plus rentable et plus rationnel par le régime soviétique, avec la construction d'infrastructures (métro) et d'équipements (universités), a déséquilibré l'aménagement du territoire. Treize villes dépassent aujourd'hui le million d'habitants et regroupent le quart de la population urbaine. Moscou et Saint-Pétersbourg concentrent, à elles seules, près de 10 % de la population russe.
Viennent ensuite Nijni Novgorod, Novossibirsk et Iekaterinbourg, avec 1,4 million d'habitants chacune. Le visage offert par ces agglomérations est assez représentatif de celui de l'ensemble des villes russes, de la Russie occidentale à l'Extrême-Orient : grands ensembles, larges avenues, centres déstructurés.
Les villes moyennes (entre 100 000 et 500 000 habitants) rassemblent 12 % de la population urbaine. On y trouve beaucoup plus de maisons particulières, mais le manque d'infrastructures et de services est patent. Les longues distances séparant les villes moyennes des grandes agglomérations (qui ne peuvent pas toujours, de ce fait, prétendre au statut de métropoles régionales) est une faiblesse importante de l'aménagement du territoire.
De nombreuses petites villes (moins de 100 000 habitants) sont de pures créations soviétiques (autour d'une activité industrielle) et manquent encore plus cruellement de moyens. C'est la centralisation à l'extrême du régime soviétique qui est le principal responsable de ce déséquilibre ; désormais, les mairies disposent de nettement plus de prérogatives vis-à-vis du pouvoir, et la privatisation du secteur foncier change considérablement les modes de développement urbain.
Pour en savoir plus, voir les articles géographie physique de la Russie et activités économiques de la Russie.