reggae
(anglais reggae)
Musique populaire jamaïcaine née, à la fin des années 1960, de la fusion du ska et des rythmes calypso venus de la Trinité avec le blues et le rock and roll nord-américain, et caractérisée par un rythme binaire syncopé avec le décalage du temps fort.
Un héritage
REGGAE |
Influences Musiques afro-cubaines Calypso Rhythm and blues Rock and roll |
1950 |
Ska The Skatalites Prince Buster Toots and the Maytals Desmond Dekker |
1960 |
Rock steady The Heptones The Wailers |
1970-1980 |
Reggae Bob Marley Lee Perry Jimmy Cliff Peter Tosh Gregory Isaacs Black Uhuru Burning Spear DJ et dub Lee Perry U-Roy Big Youth |
1980-1990 |
Raggamuffin Yellowman Shabba Ranks |
La présence de troupes américaines à la Jamaïque pendant et après la Seconde Guerre mondiale a laissé des traces sur la population locale. Des big bands de jazz se forment alors, précédant un fort engouement pour le rhythm and blues, qui durera jusqu'à l'indépendance de l'île, en 1962. À cette date, un nouveau genre musical, basé sur le contretemps, voit le jour : le ska, dont le tube My Boy Lollipop chanté par la très jeune Millie demeure l'illustration la plus célèbre. De déformations en assouplissements, le genre se métamorphose en reggae, un terme que l'on doit à Frederic « Toots » Hibbert, compositeur en 1967 de Do The Reggay (le mot lui-même étant, pour certains, une syncrétisation de « regular » et « guy » ; pour d'autres, il viendrait de « streggae » ou de « regge-regge », signifiant « violent » et « querelle » en patois local). Musicalement, le reggae reprend au ska son inversion des figures rythmiques du rhythm and blues, mais sur un tempo plus lent et des structures rythmiques plus élaborées : la guitare marque tous les contretemps par une croche ou deux doubles croches. Musique du ghetto, liée à la culture « rasta » (éloge de la vie naturelle, de la marijuana, de l'homme noir et de la culture noire issue d'Éthiopie), le reggae ne franchit les frontières jamaïquaines qu'en 1968 avec Israelites, une chanson de Desmond Dekker, mais il faudra attendre 1973 et la reprise, par Eric Clapton, du titre de Bob Marley I Shot The Sheriff pour que le grand public international et blanc se familiarise enfin avec son rythme chaloupé.
Un phénomène mondial
L'ascension de Bob Marley et celle de Jimmy Cliff, héros de The Harder They Come, film jamaïquain de référence signé Perry Henzel en 1972, impose définitivement le reggae tout autour de la planète. Une pléiade d'artistes et de groupes (Dennis Brown, Jacob Miller, Junior Murvin, Culture, Pablo Moses, Peter Tosh, Third World, Burning Spear …) s'engouffre dans la brèche, souvent grâce au producteur jamaïquain blanc fondateur du label Island, Chris Blackwell. À la fin des années 1970, Bob Marley est une star internationale, la première issue du tiers-monde. En Grande-Bretagne, la communauté immigrée s'identifie à cette musique qui se veut l'incarnation des cris de colère et de révolte des peuples opprimés de la planète. Elle fait entendre sa voix par l'intermédiaire de ses représentants Steel Pulse, Aswad ou encore le poète militant aux allures de Malcolm X, Linton Kwesi Johnson. Parallèlement, de nombreux groupes anglais, punks en tête, vont chercher et trouver leur inspiration dans le reggae : ainsi The Clash, Police, Ruts et même The Rolling Stones. En Jamaïque même, une nouvelle génération prend son envol, à l'image de l'époustouflant trio Black Uhuru, emmené par la meilleure section rythmique de l'île : le batteur Sly Dunbar et le bassiste Robbie Shakespeare. On retrouvera d'ailleurs ces deux acolytes derrière Serge Gainsbourg lorsque le compositeur français succombera à son tour aux charmes du reggae sur Aux armes et cetera. Pourtant, quand Bob Marley disparaît, en 1981, il s'avère bien difficile de lui trouver un successeur. Privé de sa locomotive, le reggae connaît une baisse de popularité malgré l'éclosion de deux stars en Afrique, terre promise des rastas : l'Ivoirien Alpha Blondy et le Sud-Africain Lucky Dube. Le rap devient peu à peu le champ d'expression privilégié du message radicalisé de la nation noire. Il faudra donc attendre le début des années 1990 pour voir émerger une nouvelle scène jamaïquaine autour de son rap à elle, le ragga, dont Shabba Ranks, Buju Banton et Chaka Demus & Pliers s'affirment les figures de proue.