The Clash
Groupe britannique de rock et de punk formé en 1976 à Londres par Joe Strummer, alias John Graham Mellor (chant), Mick Jones (guitare, chant), Paul Simonon (basse) et Terry Chimes, puis Nicky « Topper » Headon (batterie).
« Nous avons entamé une bataille pour prouver que le rock rebelle peut être énorme sans se renier, sans faire de compromis. Ça, c'est un combat qui vaut la peine ! […] Clash doit être une formation de combat, un commando… » (Joe Strummer). 1976. Londres est une Cocotte-minute chauffée à blanc. Le punk s'apprête à mettre la ville à feu et à sang. Le guitariste Mick Jones et le bassiste Paul Simonon jouent dans le groupe punk des London SS. Joe Strummer enflamme toutes les nuits les pubs londoniens au sein des 101ers, formation improbable taillant à la serpette un rock and roll pur et dur. Les trois hommes, accompagnés de Terry Chimes à la batterie (et du guitariste Keith Levine, qui abandonnera vite le navire) sont faits pour s'entendre et forment alors The Clash, le plus fulgurant commando rock de l'époque.
Début d'une épopée. L'histoire du rock anglais est sur le point de vivre une de ses plus grandes épopées. L'heure est à l'urgence. En trois week-ends, Clash (qui répète dans un hangar de Camden Town, faute de pouvoir passer au Marquee, qui ne veut pas entendre parler de ces sauvages !) enregistre un premier album, The Clash (1977), qui va immédiatement sonner comme un manifeste. Le ton est donné… White Riot devient un des hymnes d'un « no future » que Clash veut révolutionnaire et militant. Déjà, avec ce premier coup de maître, Joe Strummer, Mick Jones et les autres jettent les bases d'une culture musicale qu'ils n'auront plus qu'à développer : solides racines rock and roll (illustrées par la reprise de Bobby Fuller, I Fought The Law), influences reggae dues à la fréquentation du quartier jamaïquain de Londres, Brixton (sur l'album figure une éclatante version de Police And Thieves, de Junior Murvin et Lee Scratch Perry), fièvre punk à tous les étages… Clash s'impose en Angleterre comme un des groupes parmi les plus virulents depuis le début des Who. Cette première bombe à peine lancée, Clash prend la route (alors que Topper Headon remplace Terry Chimes aux baguettes), le temps d'une tournée pour le moins houleuse (violence dans la salle, problèmes avec la police), où nos hommes se taillent, partout en Europe, une réputation de monstres sacrés. En 1978, leur deuxième album, produit par l'Américain Sandy Pearlman (le mentor de Blue Öyster Cult), confirme leur statut de groupe punk à la pointe du combat (d'autant que les Sex Pistols agonisent déjà !).
London Calling. Malgré leur profond mépris pour l'Amérique, les Clash partent en tournée, pour la première fois, outre-Atlantique, puis rentrent à Londres attaquer un troisième album qui restera dans l'histoire du rock comme un de ses dix plus grands chefs-d'œuvre : London Calling, le « monument » de toute une génération. D'emblée, Clash tape très fort en obligeant sa maison de disques, la multinationale CBS, a vendre ce double album au prix d'un single. La pochette, Paul Simenon en train d'écrabouiller une basse sur la scène du Palladium de New York, reste comme une des images parmi les plus emblématiques du rock. Le contenu des deux disques est proprement sidérant : d'un rock serré, nerveux, épileptique (Lost In The Supermarket, Spanish Bombs ou une reprise de Brand New Cadillac de Vince Taylor), à des hymnes belliqueux (London Calling, Four Horsemen), en passant par quelques réminiscences reggae (Revolution Rock, The Guns Of Brixton), London Calling offre à la veille d'une nouvelle décennie un véritable manifeste rock. Le succès de ce double album (appuyé par la sortie d'un film à leur gloire, Rude Boy) est fulgurant. Clash passe à ce moment précis pour le plus grand groupe du monde.
Radicalisme. Sandinista !, qui sort l'année suivante, pousse encore un peu plus loin le bouchon. Ce coup-ci il s'agit d'un triple album (toujours vendu à prix réduit : le groupe a abandonné ses droits sur les 200 000 premiers exemplaires vendus !), encore plus radical que London Calling. Les rebelles anglais rendent hommage à la révolution sandiniste, vilipendent l'impérialisme américain, prônent l'insoumission et le désarmement nucléaire à grands coups de rock hargneux (le fameux Police On My Back). Mieux, ce disque fleuve, truffé de reggae dubs parfois chaotiques, reflète une richesse musicale inespérée (certains titres paraîtront prophétiques plus de dix ans après, avec l'avènement de la house et de la techno, dans laquelle Mick Jones trempera le bout des lèvres). En Europe comme aux États-Unis, où ils remplissent désormais les stadiums, le phénomène Clash est gigantesque. Combat Rock, en 1982, va le porter jusqu'à son paroxysme en donnant du même coup à ce groupe londonien deux de ses plus gros tubes : Rock The Casbah (hymne funk arabisant) et Should I Stay Or Should I Go. Malheureusement, à la même époque, la machine commence à se dérégler. Joe Strummer disparaît sans donner signe de vie durant le printemps 1982. Déprimé, sous pression, le rocker se cache à Paris chez de vieux amis. Topper Headon profite de l'occasion pour quitter le navire (ce qui ne lui vaudra rien de bon : quelque temps plus tard, il tombe pour trafic de drogue et ramasse quinze mois de prison !). Rien ne va plus : en 1983, Mick Jones à son tour abandonne Clash pour monter Big Audio Dynamite (un des groupes les plus passionnants de la fin des années 1980), laissant Joe Strummer bien seul, à la tête d'un Clash qui a perdu son âme. Cut The Crap, en 1985 (où Joe Strummer est entouré de Paul Simonon, Nick Sheppard, Pete Howard et Vince White), apparaît comme le chant (bien médiocre) d'un cygne déplumé. L'aventure Clash est finie, après un ultime concert au Stade Olympique d'Athènes, laissant une œuvre énorme, d'une extrême densité et, accessoirement, quelques poses légendaires (ces guitares portées sur les genoux, le long de corps arc-boutés), que des générations entières de jeunes rockers tenteront d'imiter… Clash restera dans l'histoire comme le dernier groupe de rock classique, comme un gang de guérilleros pour qui le rock était avant tout un combat.