politique des réunions
Politique d'annexions territoriales pratiquée par Louis XIV en pleine paix, de 1679 à 1684.
Une interprétation avantageuse des traités…
Pour renforcer la frontière du nord-est de la France et améliorer en certains points son tracé, Louis XIV s'engage au lendemain des traités de Nimègue dans une politique d'annexions en pleine paix.
Inspirée par Charles Colbert de Croissy et Louvois, cette politique des « réunions » consiste à interpréter dans le sens le plus avantageux les articles des traités de Westphalie (1648) et de Nimègue (1678-1679), stipulant que les territoires cédés à la France le sont « avec leurs dépendances ».
En 1679, le conseil souverain de Brisach, pour l'Alsace, une chambre spéciale du parlement de Metz, pour les Trois-Évêchés et les Pays-Bas espagnols, et le parlement de Besançon, pour la Franche-Comté, sont constitués en « chambres de réunion ». Leur mission : rechercher dans les textes des coutumes locales les domaines ayant relevé selon le droit féodal, à un moment quelconque, des territoires cédés en 1648 et en 1678-1679 ; objectif : réunir à la Couronne par arrêts de justice ces domaines qui seront immédiatement occupés par les troupes françaises.
Ainsi, le parlement de Besançon décrète la réunion à la France du comté et de la ville de Montbéliard, possession du duc de Wurtemberg, mais déclaré dépendance de la Franche-Comté (septembre 1679-août 1680). La chambre du parlement de Metz annexe notamment Sarrelouis, Sarrebourg, Pont-à-Mousson, le comté de Vaudémont, le comté de Chiny, Givet, Salm, le comté de Deux-Ponts, Sarrebruck, Virton, Bitche, Neufchâteau et la quasi-totalité du duché de Luxembourg (hormis sa capitale) comme dépendant des Trois-Évêchés (avril 1680-mars 1681).
Le conseil souverain de Brisach proclame la souveraineté du roi de France sur l'ensemble de l'Alsace (9 août 1680) et sur la ville libre de Strasbourg, qui avait donné le passage aux troupes de l'empereur Léopold Ier à deux reprises (1674 et 1677) pendant la guerre de Hollande.
Dix villes (→ Décapole alsacienne) sont contraintes de prêter serment de fidélité à Louis XIV et les princes du Saint Empire ayant des possessions en Alsace (tels le margrave de Bade et l'Électeur palatin) sont tenus de prêter hommage au roi. Puis, en septembre 1681, Louvois, à la tête de 20 000 hommes, assiège Strasbourg, qui capitule le 30. Une médaille commémorative tire la leçon de l'événement : Clausa Germanis Gallia (la Gaule fermée au Germains).
À ces « réunions » s'ajoute l'occupation de Casale Monferrato (30 sept. 1681), vendue à Louis XIV par le duc de Mantoue et qui permet aux armées françaises de menacer le Milanais espagnol.
… Source de nouvelles tensions internationales
Ces « réunions », réalisées dans la paix en vertu de simples principes juridiques, suscitent en Europe inquiétudes et protestations. Devant la progression française au Luxembourg, Guillaume d'Orange travaille à reconstituer une coalition européenne pour le maintien des traités de Westphalie et de Nimègue : avec Charles XI, roi de Suède, lésé par la réunion du comté de Deux-Ponts, dont il est l'héritier, il signe à La Haye un « traité d'association » (10 octobre 1681) auquel adhère l'empereur germanique (février 1682), puis l'Espagne (mai).
Poursuivant malgré les clameurs de l'Europe sa politique d'annexions, Louis XIV fait assiéger Luxembourg par Louvois (1683). L'Espagne riposte par une déclaration de guerre à la France (26 octobre 1683), mais ses troupes inconsistantes sont incapables d'opposer une résistance aux armées françaises, qui s'emparent de Courtrai, de Dixmude (novembre 1683) et de Luxembourg (juin 1684).
Après cette offensive, l'empereur, soucieux de poursuivre ses avantages contre les Turcs, et le roi d'Espagne concluent la paix avec Louis XIV : par la trêve de Ratisbonne (15 août 1684), ils laissent au roi de France pour vingt ans tous les territoires saisis par voie de réunion depuis 1679. Mais, à l'issue de la guerre de la ligue d'Augsbourg, Louis XIV sera contraint de céder Casale Monferrato à la Savoie (traité de Turin, 29 août 1696) et de restituer toutes les réunions, sauf Sarrelouis, Strasbourg et l'Alsace (→ traités de Ryswick, 1697).
Pour en savoir plus, voir les articles Louis XIV, le royaume de France sous Louis XIV.