grands défrichements
Les défrichements consistent à transformer une terre couverte de végétation naturelle, de forêt le plus souvent, en une terre cultivable. Ils n'ont pas cessé depuis le néolithique. Quand on parle des grands défrichements cependant, on désigne les vastes étendues transformées en terres cultivables dans l'Europe médiévale.
1. Trois vagues
Du xie au xiiie siècle, l'Occident médiéval connaît un essor agricole considérable en raison de sa croissance démographique ; l'aspect le plus spectaculaire en est l'extension des surfaces cultivées grâce aux grands défrichements.
Le point de départ de ceux-ci est variable selon les régions ; précoces en Mâconnais, en Flandre, en Haut-Poitou, où l'attaque de la forêt commence dès la fin du xe siècle ; plus tardifs en Angleterre, dans le Midi français ou en Allemagne orientale, où ils ne commencent qu'au xiie siècle.
On a coutume de distinguer trois phases dans les défrichements, mais il faut préciser que certaines régions n'en ont connu qu'une, ou deux, et que ces différentes phases peuvent se chevaucher chronologiquement.
1.1. Les premiers défrichements
La première phase, caractéristique des xe et xie siècles, est marquée par un simple élargissement des terroirs existants ; il s'agit d'un défrichement discret, aux dépens de friches et de broussailles plutôt que de forêts ; il est l'œuvre de paysans qui agissent individuellement, parfois à l'insu du seigneur. Leur ampleur est difficile à préciser et, en tout cas, varie beaucoup d'une région à l'autre ; l'Angleterre, dans sa majeure partie, n'a connu que ce type de défrichements.
1.2. Les grandes entreprises du xiie siècle
La deuxième phase des grands défrichements se caractérise par la création de terroirs et de villages neufs. On s'attaque alors à la forêt, ce qui nécessite des capitaux et des moyens techniques plus importants ; ces défrichements ne peuvent être que le résultat d'une entreprise collective qui associe seigneurs et paysans (notons à ce propos que les moines, contrairement à une idée répandue, n'ont pas tenu les premiers rôles dans les défrichements).
L'aristocratie laïque comprend rapidement l'intérêt de cette entreprise ; en élargissant le territoire de leur seigneurie, les seigneurs accroissent le nombre des hommes soumis à leur justice, et cela vaut bien les concessions faites sur le plan des redevances et des corvées. En Allemagne, de véritables contrats associent un seigneur à l'entrepreneur qui fournit la main-d'œuvre et se charge du travail.
Au cours de cette période, des terroirs et des villages nouveaux sont créés, ce dont témoigne la toponymie (« bourg neuf », « ville neuve »). Cet effort intense a revêtu beaucoup d'ampleur dans les zones vides, comme la Brie ou l'Allemagne orientale.
1.3. Le retour au défrichement individuel (xiiie siècle)
La troisième phase est plus discrète ; il s'agit d'un retour au défrichement individuel accompagné d'un peuplement intercalaire. Les noms de « clos » et de « plessis » évoquent cette troisième phase, qui n'intervient qu'au xiiie siècle et correspond à une poussée d'individualisme agraire.
2. Un progrès spectaculaire
Les défrichements cessent dès le milieu du xiiie siècle dans la majeure partie de l'Europe. Poussés à l'excès, ils ont entraîné une rupture de l'équilibre culture-élevage.
La fumure est alors le seul engrais existant ; étendre la culture aux dépens de la forêt, qui fournit à cette époque une abondante nourriture au cheptel, c'est réduire celui-ci, donc les engrais. En l'absence d'améliorations techniques, on aboutit à un plafond.
Les grands défrichements du Moyen Âge ont modifié assez radicalement les conditions de vie de la paysannerie européenne. L'extension des terres cultivées a permis le recul des famines et favorisé le passage à l'assolement triennal par adjonction d'une troisième sole à l'espace cultivé. Avec leur habitat groupé et leur terroir en openfied, ces défrichements sont pour beaucoup dans la formation des paysages ruraux européens.
Pour en savoir plus, voir l'article déforestation.