Damas
en arabe Dimachq al-Chām
Capitale de la Syrie, sur le Barada, au pied de l'Anti-Liban oriental.
- Nom des habitants : Damascènes ou Damasquins
- Population pour l'agglomération : 2 574 000 hab. (estimation pour 2014)
GÉOGRAPHIE
Centre commercial ancien, aux confins de la montagne et du désert, nœud routier (atteint par la voie ferrée), desservie par un aéroport international, Damas, au centre d'une oasis (vergers, céréales), connaît une grande extension, aggravant le problème d'alimentation en eau. Artisanat varié à côté d'industries modernes. Université.
C'est la richesse de ses eaux qui explique Damas et sa remarquable continuité. Il fallait un centre urbain pour servir de capitale régionale à la Rhuta, région irriguée par les eaux dérivées du Barada, au débouché oriental des chaînons du Qalamun. Le site était tout indiqué, sur des bosses rocailleuses, non cultivables, qui bordent le fleuve au sud, à l'amont de la Rhuta, dans une position qui permettait ainsi de surveiller l'organisation des canaux de dérivation vers l'aval. C'est là que s'était développée la première agglomération, sans doute à l'emplacement du tell situé au sud-est de la Grande Mosquée actuelle. Pendant toute l'Antiquité, la ville est ainsi un centre notable (dont le plan de l'époque romaine se lit encore dans le tracé des rues actuelles) mais ne dépasse pas un rôle régional.
La fortune de Damas allait être liée à la conquête arabe et à l'implantation de l'islam. Sa situation, en effet, au contact des régions de culture pluviale du Levant littoral et des déserts intérieurs, approximativement sur l'isohyète de 200 mm, était éminemment favorable au développement d'une cité assurant les contacts entre les régions littorales du Croissant fertile, vouées à la vie sédentaire, et les déserts parcourus par les nomades. Elle était, des cités de la Syrie intérieure, la première à s'offrir aux Bédouins d'Arabie, qui fournissaient l'essentiel des armées musulmanes. Cette situation était propice à l'installation d'une autorité politique s'efforçant de contrôler à la fois les Bédouins du désert et les paysans du bourrelet côtier. On comprend que le calife Muawiyya, fondateur de la dynastie des Omeyyades, l'ait choisie comme siège de son pouvoir et capitale, par-delà la Syrie, d'un empire qui s'étendait de l'Inde à l'Espagne.
Dès lors se fixe la physionomie urbaine de Damas. C'est avant tout un centre religieux et intellectuel de l'islam. C'est ensuite un centre politique, fonction qui se poursuivra dans un rôle de capitale provinciale à l'époque ottomane, puis de capitale nationale après la naissance de la République syrienne.
L'activité économique reste principalement fondée sur le rôle de marché régional échangeant les produits de la Rhuta contre ceux de la steppe, et de centre de communications, jadis point de départ du pèlerinage de La Mecque ou des caravanes qui traversaient le désert. Malgré la difficulté des relations avec la Méditerranée à travers les montagnes, cette fonction sera maintenue par la construction de la route (1863) puis du chemin de fer (1894) vers Beyrouth, par un col à 1 500 m d'altitude à travers le Liban, tandis que l'apparition de la circulation automobile apportera un regain d'activité aux relations à travers le désert par la route la plus directe vers Bagdad. L'activité industrielle reste tout à fait secondaire. Le rôle de centre de décision pour les campagnes reste limité à l'environnement rural immédiat de la Rhūṭa, où la bourgeoisie damascène a toujours investi de préférence ses ressources, et où se dessine sous son impulsion une active expansion agricole, au-delà du noyau traditionnel, grâce à une irrigation à partir de puits avec élévation par pompes à moteur.
L'HISTOIRE DE DAMAS
Cette riche oasis, étape des caravanes, est mentionnée pour la première fois par Thoutmès III, qui l'a prise (vers 1482 avant J.-C.). Elle dépend des pharaons jusqu'au passage des Peuples de la Mer (1191 avant J.-C.), puis elle est occupée par les Araméens, qui y fondent un petit royaume (fin du xie s. avant J.-C.), soumis par David. Libéré de la domination de Salomon par l'Araméen Hezion, qui y fonde une dynastie, l'État de Damas devient le plus puissant État de la Syrie. Bar-Habad II organise des coalitions contre l'Assyrien Salmanasar III, qui, arrêté à Qarqar (853 avant J.-C.), revient à plusieurs reprises attaquer Damas. Mais c'est Adad-nirari III qui fait capituler la cité (802 avant J.-C. ?). Israël en profite pour reprendre la première place en Syrie. Lorsque Teglath-phalasar III entreprend de soumettre toute la région, Razon de Damas s'oppose à lui ; l'Assyrien prend la cité et fait tuer son dernier roi (732 avant J.-C.). Privée de fonction politique, Damas reste la ville sainte de Hadad, qui y possède un temple célèbre. Elle ne reprend de l'importance qu'au ier s. avant J.-C., où elle est, avant l'annexion romaine, disputée entre les derniers Séleucides, le Nabatéen Arétas III et l'Arménien Tigrane.
Prise par Pompée en 64 avant J.-C., Damas est tantôt une principauté vassale des Romains, tantôt rattachée à la province de Syrie, ce qui devient sa situation définitive au iie s. après J.-C. Évangélisée par saint Paul (qui s'est converti sur le « chemin de Damas »), elle est très tôt le siège d'un évêché. La cité, qui souffre beaucoup des luttes du Bas-Empire entre Romains et Perses, est prise en 635 par les armées arabes du calife 'Umar.
La ville va désormais se dégager de l'influence occidentale pour évoluer dans l'orbite orientale. En grande partie islamisée, elle adopte la langue de la nouvelle révélation : l'arabe. En 660, elle passe même au rang de capitale, devenant sous les Omeyyades, pendant près d'un siècle, le centre d'un immense empire. Mais, en 750, à la chute des Omeyyades, le centre de l'empire est déplacé en Iraq, et Damas, délaissée par les Abbassides, devient une simple ville de province. Elle constitue alors un centre actif d'opposition et de révolte contre les Abbassides.
En 878, Damas passe sous les Tulunides (vassaux des Abbassides) avant d'être occupée par les Ikhchidites. En 970, ces derniers doivent céder la ville aux Fatimides, qui les ont évincés du Caire deux années auparavant. Sous cette dynastie chiite, Damas connaît plus d'un siècle d'anarchie avant de tomber, en 1076, sous la domination de dynasties turques, d'abord les Seldjoukides, ensuite les Burides.
Occupée en 1154 par Nur al-Din, le maître d'Alep, Damas retrouve son rang de capitale et devient alors la citadelle de l'orthodoxie musulmane face aux Fatimides chiites et aux Francs « infidèles ». En 1176, deux ans après la mort de Nur al-Din, son ancien vassal kurde, Ṣalah al-Din (Saladin), champion de la « guerre sainte », fait son entrée à Damas. Après la mort de Saladin (1193), la dynastie ayyubide décline sous l'effet des querelles fratricides, et Damas est prise par les Mongols en 1260. Libérée par les Mamelouks, elle devient, jusqu'en 1516, avec de légères interruptions, une dépendance égyptienne. Menacée plus d'une fois par les Mongols, elle est en 1400 livrée au pillage par Timur. Ce dernier quitte Damas en 1401, emmenant avec lui à Samarkand les meilleurs artisans et techniciens de la ville. Privée de ses cadres, pillée par les Mongols, Damas peut remédier à cette situation grâce à son rôle de transit dans le commerce entre l'Europe occidentale et l'Orient.
En 1516, les Ottomans enlèvent Damas aux Mamelouks et s'y maintiendront, avec quelques années d'interruption, jusqu'en 1918. Devenue le centre d'un modeste pachalik, la ville connaît pourtant, pendant une bonne période, une relative prospérité grâce au commerce et au pèlerinage de La Mecque. La conclusion en 1536 du traité de capitulations entre la France et la Porte ouvre aux négociants français les ports ottomans et permet à Damas d'avoir une grande activité commerciale.
De 1832 à 1840, l'ancienne capitale des Omeyyades échappe aux Ottomans pour tomber sous la domination de l'Egypte de Méhémet-Ali. Mais la Porte rétablit son autorité sur Damas. À la suite de l'opposition entre Druzes (chiites) et Maronites (chrétiens) au Liban, la ville connaît de violentes manifestations qui donnent quelquefois lieu, comme en juillet 1860, à de terribles massacres entre musulmans et chrétiens.
Dans la seconde moitié du xixe s., Damas devient le centre le plus actif du nationalisme arabe. Des sociétés secrètes, fondées au cours de cette période, appellent la population à secouer le joug ottoman. Elles se montrent particulièrement actives pendant la Première Guerre mondiale, à une époque où Damas constitue pour les forces germano-turques une base de premier ordre dirigée contre la zone de Suez. Cette action, menée de pair avec l'émir Faysal, fils du chérif de La Mecque Husayn, aboutit à l'élaboration d'un plan d'action contre les Turcs avec l'aide des Anglais et au « protocole de Damas » demandant à la Grande-Bretagne de reconnaître l'indépendance arabe. Les Turcs réagissent violemment contre ce courant ; le 6 mai 1916, 21 partisans de la cause arabe sont exécutés à Damas. Mais, deux ans plus tard, la capitale syrienne est évacuée par les Turcs.
Au mois de mai 1919, les Syriens élisent un congrès national, qui, en mars 1920, proclamera l'indépendance de la Syrie et désignera Faysal comme roi. Mais, en avril 1920, la S.D.N., contre la volonté de la population, confie le mandat de la Syrie à la France. Damas, occupée le 25 juillet 1920, oppose alors aux nouvelles autorités une résistance qui aboutit au bombardement de la ville le 18 octobre 1925.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la ville est investie par les troupes de la France libre et de la Grande-Bretagne. Le 16 septembre 1941, après la proclamation, par le général Catroux, de l'indépendance de la Syrie, Damas retrouve sa situation de capitale. Cependant, la décolonisation ne se fait pas sans douleur, et la capitale syrienne est bombardée le 29 mai 1945, quelques mois avant son évacuation par les troupes françaises.
DAMAS, VILLE D'ART
Introduction
Damas a joué un rôle essentiel dans l'histoire de l'art musulman, non parce qu'elle ne cessa jamais d'être métropole, mais parce que, capitale des Omeyyades, elle en fut un des promoteurs. Son passé est très ancien, et ce n'est pas par hasard si le principal monument de la ville, la Grande Mosquée, est érigé là où se sont succédé, depuis des millénaires, les lieux de culte.
La Grande Mosquée des Omeyyades
La Grande Mosquée est mise en chantier par al-Walid, en 705, pour être le signe éclatant de la suprématie politique et du prestige moral de l'islam. Construite en dix ans, elle atteint pleinement le but recherché par l'ampleur et la majesté de ses proportions la richesse de son décor, la splendeur de ses matériaux, l'importance de son rôle culturel.
En dépit des souffrances qu'elle eut souvent à supporter (incendie de 1893), elle a conservé beaucoup de sa beauté d'antan. Malgré sa fidélité aux traditions antérieures, le concours d'ouvriers d'origines diverses, ses matériaux de remploi, elle est bien la première grande réalisation architecturale qui réponde aux besoins du culte et aux prescriptions de l'islam. Précédée par des porches à vestibule et par une grande cour, bordée de portiques où s'élève un joli édicule octogonal posé sur huit colonnes corinthiennes (maison du Trésor), flanquée de minarets sur plan carré, copies des clochers syriens, c'est un long édifice couvert en plafond, à trois nefs parallèles coupées en leur milieu par une haute travée conduisant au mihrab. En 1082, à la croisée de la nef centrale et de la travée, les Seldjoukides ont aménagé une coupole en remplacement des deux antérieures, disparues. Les arcs qui délimitent les portiques sont sur piliers, ceux de l'oratoire sur colonnes inégales, le plus souvent à chapiteaux corinthiens. Tout le sol était, à l'origine, pavé de marbre, ainsi que la partie inférieure des murs. Toutes les surfaces supérieures avaient reçu une parure de mosaïques naturalistes – à paysages et architectures, mais d'où était exclue soigneusement la vie humaine et animale – , considérées comme les plus belles du monde par leur technique, leur grâce et leur fantaisie. De tout ce décor somptueux, il ne reste plus que des fragments, d'ailleurs importants, en particulier dans la partie est.
Le Moyen Âge
Alors que la Syrie construit traditionnellement en belle pierre, Damas, au Moyen Âge, emploie aussi le bois, voire la brique. Cette variété des matériaux peut exiger un décor dissimulateur, souvent plaqué. À l'époque de Zengi (xiie s.), la polychromie se développe, puis le xiiie s. fait retour à la pierre de taille. Les universités (madrasa) construites alors sont de formes très variées. Parmi les œuvres de cette longue période, il faut citer au moins le tombeau de Saladin, les caravansérails (khan) et les madrasa du xiiie s., Zahiriyya, Adiliyya et Salahiyya.
Époque ottomane
Sous la domination turque, Damas voit la construction d'un prestigieux ensemble, le Takkiyya Sulaymanniyya (1555), réplique syrienne de l'architecture d'Istanbul, et de nombreuses demeures, parmi lesquelles le Palais 'Azm (1749), modèle accompli de la résidence citadine, avec son harem pour les femmes, son salamlik pour les réceptions, ses bâtiments domestiques, ses cours et ses bains. Les traditions des grands ateliers ne se perdent pas ; elles s'illustrent en particulier par les céramiques dites « de Damas », parfois difficiles à distinguer de celles d'Iznik. Les noms de tissus damassés et d'armes damasquinées sont, en Occident, un écho de ces importantes industries. Le musée de Damas, qui possède aussi une belle collection d'antiques, conserve nombre de pièces éminentes des arts de l'islam.