Kubilay ou Qubilaï ou Hubilie
(1214-1294), empereur mongol (1260-1294) et fondateur en 1279 de la dynastie chinoise des Yuan.
La vie et le règne de l'empereur mongol
Il était le quatrième fils de Tuli (Toloui) [† 1232], le plus jeune des quatre fils de Börte, la première femme de Gengis Khan. Après la mort de ce dernier (1227), le pouvoir était passé à son troisième fils, Ogoday, puis, à la mort de celui-ci (1241), à sa femme, qui avait assumé la régence jusqu'en 1246, puis à son fils Güyük (?-1248). Le trône fut alors transféré de la maison d'Ogoday à celle de Tuli et passa au fils aîné de Tuli (et frère de Kubilay), Möngke (Mangu Khan) [1251-1259]. Kubilay reçut alors en apanage les régions correspondant approximativement aux actuelles provinces de Gansu et de Shaanxi, et fut chargé de mener des campagnes contre l'empire des Song du Sud. Il marcha contre le Sichuan, s'empara de Chengdu, puis pénétra au Yun-nan et prit Dali. En 1257, une nouvelle offensive fut lancée contre le bas Yangzi Jiang ; mais Möngke, qui se préparait à attaquer à partir du Sichuan, mourut subitement en 1259. Kubilay suspendit aussitôt les hostilités, regagna Shangdu (aujourd'hui Kaiping), sa résidence d'été au nord de Pékin, et s'y fit proclamer grand khan par son armée.
Son frère cadet, Ariq boga, ne reconnut pas son autorité et se fit proclamer également grand khan à Karakorum (1260). Kubilay lança une campagne contre lui et le défit en 1264. Ainsi débarrassé de toute compétition familiale, il put établir son autorité en Mongolie et reprendre la conquête interrompue dans le Sud. En 1267, l'offensive fut reprise ; en 1273, les deux villes jumelles de Xiangyang et de Fancheng, sur la Han inférieure, au Hubei, succombèrent après cinq années de siège ; en 1276, Hang-zhou, la capitale des Song du Sud, tomba à son tour. Le jeune empereur fut fait prisonnier, mais deux autres princes parvinrent à s'enfuir et se firent proclamer empereurs l'un après l'autre dans le Sud. Poursuivant leur avance en direction des provinces méridionales, les armées mongoles s'emparèrent des ports du Fujian (1277), puis de ceux du Guangdong (1279) ; les derniers partisans des Song se réfugièrent sur une flotte qui fut attaquée par les Mongols et battue au large de Canton. Kubilay était désormais maître de toute la Chine ; il fonda la nouvelle dynastie des Yuan en 1279. Son autorité fut également reconnue par son frère Hulagu, qui régnait en Perse, mais non par Qaïdu, un petit-fils d'Ogoday, qui se trouvait à la tête d'un vaste khanat au sud du lac Balkhach et qui, à partir de 1274, ne cessa de se comporter en rival.
Kubilay revendiqua alors la suzeraineté sur tous les pays de l'Asie orientale. En 1274, puis en 1281, à la suite de plusieurs missions infructueuses, il lança contre le Japon deux campagnes qui se soldèrent par des échecs ; la seconde fois, ce fut un « vent des dieux » (kamikaze), c'est-à-dire une tempête, qui vint au secours des Japonais. Kubilay ne fut guère plus heureux en Asie du Sud-Est ; une flotte expédiée contre le Champa (1283) et deux armées envoyées à travers le Tonkin (1285 et 1287) n'obtinrent que des succès sans lendemain ; néanmoins les rois du Dai Viêt et du Champa jugèrent plus prudent de faire acte de vassalité. En Birmanie, les troupes mongoles avaient occupé le défilé de Bhamo (Bamô) dès 1277 ; en 1283-1284, elles envahirent le pays et, en 1287, atteignirent la capitale Pagan, qu'elles occupèrent ; en 1297, le nouveau roi Kyawswa (Coswa) se reconnut vassal. En 1293, enfin, Kubilay lança une flotte contre Java avec un corps expéditionnaire de 30 000 hommes ; après une première victoire à Kediri, les troupes chinoises furent défaites par Raden Vijaya, un prince javanais qui profita de la situation pour créer la nouvelle dynastie de Majapahit.
L'œuvre de Kubilay
En Chine même, la politique de Kubilay fut plus positive. Celui-ci s'efforça de rallier à la cause des Yuan la plus grande partie des fonctionnaires chinois et sut faire appel à des conseillers d'origine Han. L'un d'eux Liu Bingzhong (1216-1274), un moine bouddhiste défroqué, lui adressa un Mémoire en dix mille caractères wanyanshu, qui était un exposé de politique et d'administration, et qui reprenait notamment le célèbre adage « On conquiert le monde à cheval, mais on ne peut le gouverner à cheval ». Ce fut le même Liu Bingzhong qui, à partir de 1267, fut chargé d'aménager la nouvelle capitale : – en mongol Khanbalik, en chinois Dadu –, sur le site de l'actuelle ville de Pékin. Kubilay étendit également à la Chine le système mongol des postes et fit remettre en état les routes de l'empire ainsi que les caravansérails qui les jalonnaient. Pour ravitailler la capitale et y faire parvenir le riz produit dans la région du bas Yangzi, il fit creuser un nouveau grand canal entre le Yangzi et Khanbalik. Il remit en vigueur le système des greniers de prévoyance et encouragea la reprise de l'agriculture. Moins heureux en matière financière, il reprit le système du papier-monnaie en vigueur sous les Song, mais ne put empêcher l'inflation. Il continua à appliquer le système de discrimination ethnique et de cloisonnement social, mis en place par ses prédécesseurs. En matière de religion, il eut de grandes sympathies pour le bouddhisme, mais se montra tolérant par ailleurs. Il favorisa les marchands musulmans de l'Asie centrale, qui eurent le monopole fructueux de la levée des impôts. Le marchand vénitien Marco Polo se présenta à la Cour en 1275 et travailla plusieurs années dans les administrations Yuan ; dans le récit qu'il nous a laissé, il considère Kubilay comme « le plus puissant homme et de gens et de terres et de trésors, qui oncques fust au monde, du temps de Adam notre père, jusques aujourd'hui… ».