royaume latin de Jérusalem
État latin du Levant qui dura de 1099 à 1291.
1. L'expansion franque
1.1. Un État ecclésiastique soutenu par Rome
Principal État né de la première croisade, il ne fut pas d'abord constitué en royaume. Au lendemain de la prise de Jérusalem (juillet 1099), les croisés ont décidé que le patriarche serait seigneur de la ville, Godefroi de Bouillon exerçant l'avouerie (charge d'avoué) du Saint-Sépulcre (1099). Mais son frère et successeur Baudouin oblige le patriarche pisan Daimbert à le couronner, et assure sa suzeraineté sur la Galilée, conquise par Tancrède (1100).
1.2. Un régime laïc et féodal
À Baudouin Ier, qui a finalement assuré la mise en place d'un régime laïc et féodal, au détriment d'un État ecclésiastique soutenu par Rome, succédera son cousin Baudouin II du Bourg (1118), dont la fille Mélisende épousera Foulques d'Anjou (1131-1143). Les deux fils de ce dernier régneront successivement, le premier, Baudouin III (1143-1163), n'ayant pas eu d'enfants ; le second, Amaury Ier (1163-1174), laissera un fils, Baudouin IV, qui mourra lépreux en 1185, et deux filles, Sibylle et Isabelle. La première parviendra en 1185 à assurer le trône à son mari Gui de Lusignan.
Cependant, le royaume, qui, au début, ne comprenait que les deux villes saintes de Jérusalem et de Bethléem, et un seul port, Jaffa, s'est constitué en occupant les villes de la côte, de Beyrouth (Tyr, 1124) à Ascalon (celle-ci en 1153 seulement). Il comprend tout l'intérieur jusqu'au Jourdain, dépassant le fleuve dans la principauté de Tibériade et dans la seigneurie d'Outre-Jourdain. Le Néguev est contrôlé par les Latins.
Mais les tentatives pour prendre Damas échouent, notamment en 1148, et les efforts du roi Amaury Ier pour annexer l'Égypte, malgré l'aide byzantine, ne peuvent empêcher Saladin de se rendre maître de ce pays, puis d'y joindre Damas (1176). Cette réunion met fin à l'expansion franque. Dominant les trois autres États latins, le royaume latin de Jérusalem atteignit son étendue maximale en 1186, allant de l'O. de Beyrouth à Ascalon, et à l'E. de Baniyas jusqu'au golfe de Aqaba.
2. Vers le déclin
2.1. Le royaume d'Acre
L'insubordination de Renaud de Châtillon, sire d'Outre-Jourdain, qui coupait les routes suivies par les caravanes musulmanes, provoque une guerre en 1187. Le royaume est miné par les querelles intestines entre ses souverains et leurs vassaux et par la faiblesse du pouvoir royal exercé par Gui de Lusignan (1186-1192). Le roi Gui est encerclé à Hattin (→ bataille de Hattin), avec son armée et capturé. Saladin peut ainsi s'emparer de tout le royaume, sauf Tyr, que défend Conrad de Montferrat. Gui, libéré, entre en conflit avec ce dernier et se décide à assiéger Acre. Après un long siège, la ville est reprise sur les musulmans (1191). Le royaume est réduit à une frange côtière de Tyr à Jaffa, Jérusalem restant en possession des Ayyubides. Acre sera pendant un siècle, grâce à un commerce actif et à la présence de comptoirs italiens, la principale ville du royaume (d'où son nom de « royaume d'Acre »).
2.2. La diplomatie heureuse de Frédéric II de Hohenstaufen
À la mort de Sibylle (1190) et après l'élimination de Gui de Lusignan, le royaume passe aux trois derniers maris de la reine Isabelle (1192-1205), seconde fille d'Amaury Ier : Conrad de Montferrat (1192), Henri de Champagne (1192-1197) et Amaury II de Lusignan (1197-1205). Marie de Montferrat (1205-1212) l'apporte à Jean de Brienne (1210-1225), époux que lui a choisi Philippe II Auguste et dont la fille, Isabelle de Brienne, épouse en 1225 l'empereur Frédéric II de Hohenstaufen.
Celui-ci obtient par la diplomatie ce que n'ont pas obtenu plusieurs croisades et une expédition en Égypte : la rétrocession de Jérusalem, Nazareth, Bethléem, Sidon et la seigneurie de Toron (aujourd'hui Tibnin), par le traité de Jaffa (1229), conclu entre l'empereur et le sultan Malik al-Kamil. Mais Frédéric s'attire l'hostilité des barons, qui chassent ses représentants d'Acre (1232), puis de Tyr (1243), tout en reconnaissant la royauté de son fils Conrad II (1228-1254), puis de Conrad V (1254-1268).
2.3. Le royaume de Chypre
Les Lusignan de Chypre (Gui, en 1192, a racheté aux Templiers le royaume de Chypre conquis par Richard Cœur de Lion) agissent comme régents au nom de ces derniers, avant de leur succéder sur le trône en 1268. Mais une prétendante vend ses droits à Charles d'Anjou, qui occupe Acre de 1277 à 1286. Dans ces conditions, l'exercice de l'autorité royale se révèle presque impossible. Des guerres civiles éclatent, qu'aggravent les conflits entre colonies italiennes très nombreuses et entre les Templiers et les Hospitaliers de Saint-Jean-de Jérusalem.
2.4. La chute du royaume
Réduit aux villes de la côte, le royaume avait réoccupé une grande partie de l'intérieur par un habile jeu diplomatique. Mais affaibli par les luttes entre les barons syriens (tel Jean d'Ibelin) et les représentants de l'empereur, il ne put résister aux Turcs Kharezmiens qui s'emparèrent, après leur victoire de Gaza (1244), de Jérusalem (1244), de Tibériade et d'Ascalon (1247). Malgré les efforts de Saint Louis et d'autres croisés, et en dépit des négociations avec les Mongols, les sultans et Mamelouks d'Égypte reconquirent un grand nombre de places (1263-1272), avant de s'emparer d'Acre et de Tyr en 1291. Il ne restait plus qu'un titre royal, dont rois de Sicile et de Chypre continuèrent à se parer.
Pour en savoir plus, voir l'article États latins du Levant.