Ingouchie

République de la Fédération de Russie, au centre-est du Caucase du Nord.

  • Superficie : 2 700 km2
  • Population : 412 997 hab. (recensement de 2010)
  • Capitale : Magas

La plus petite république du Caucase

L'altitude de ce minuscule territoire, issu de la partition de la république bi-ethnique de Tchétchénie-Ingouchie (1992), situé entre la chaîne du Grand Caucase et la partie ouest des hautes et moyennes vallées du Terek, de la Sounja et de leurs affluents, en particulier l'Assa, s'étage de 200 m à plus de 3 000 m. Le climat continental sec prédomine. L'élevage (moutons, bovins), l'agriculture vivrière, ainsi que des gisements pétroliers de faible taille aux installations d'extraction vétustes et une petite industrie de transformation constituent l'essentiel de l'économie du pays.

Un destin longtemps partagé avec les Tchétchènes

L'ingouche, comme le tchétchène, appartient au groupe nakh des langues paléocaucasiennes. S'appelant eux-mêmes Galgay, un ethnonyme qui évoque les Gargares, nom d'un peuple de l'Antiquité dont ils sont issus comme les Tchétchènes, les Ingouches doivent leur appellation actuelle à celle du premier village rencontré par les Russes lors de la conquête. Outre des valeurs communes à tout le Caucase – importance du droit coutumier, l'adat, sens de l'hospitalité et de l'honneur, solidarité familiale, respect des anciens, esprit d'indépendance –, ils partagent avec les Tchétchènes un système clanique peu hiérarchisé, organisé autour des teïpe, qui regroupent des familles liées par le sang (en ligne paternelle) et par les intérêts économiques. Des traces du polythéisme ancien ont survécu à la conversion au christianisme, sous l'influence des Géorgiens (xie s.), puis à l'islam (à partir du xviiie s.) par les Tchétchènes. Les Ingouches ont néanmoins offert une moindre résistance à la conquête russe que ces derniers, et leur région est rattachée dès 1810 à l'empire tsariste. La confiscation des terres de la plaine au profit des Cosaques du Terek provoque néanmoins des troubles importants dans les années 1860 et leur fait accueillir la révolution bolchevique avec espoir. (→ révolution russe de 1917.)

Les vicissitudes de l'ère soviétique

Rattachée d'abord à la République soviétique de la Montagne (1921), l'Ingouchie constitue une Région autonome (R.A.) dans le cadre de la R.S.F.S. de Russie en juillet 1924, partageant avec la R.A. d'Ossétie du Nord une même capitale, Vladikavkaz. Cette ville est ensuite attribuée à l'Ossétie du Nord, lorsque l'Ingouchie est réunie à la Tchétchénie en janvier 1934 dans une même Région autonome, transformée en République autonome bi-ethnique en décembre 1936 (capitale Groznyï). Celle-ci est abolie après la déportation de toute sa population ingouche et tchétchène en Asie centrale, ordonnée par Staline en février 1944, pour collaboration présumée avec les Allemands qui avaient occupé brièvement le Caucase en 1942. Distribuée entre la Géorgie, le Daguestan et l'Ossétie du Nord, la R.S.S.A. de Tchétchénie-Ingouchie est reconstituée en janvier 1957, mais avec de nouvelles frontières incluant quelques districts cosaques du territoire de Stavropol, lorsque, réhabilités, les « peuples punis » sont autorisés à revenir d'exil.

Les crises de l'après U.R.S.S.

Depuis 1957, les Ingouches n'ont cessé de réclamer le district de Prigorodny, attribué à l'Ossétie du Nord. La revendication prend un tour sanglant lorsqu'ils veulent faire appliquer, pour revenir à leurs frontières antérieures, la loi de la Fédération de Russie sur la « réhabilitation territoriale » d'avril 1991. Les affrontements avec les Ossètes provoquent des milliers de victimes, des chassés-croisés de réfugiés, l'établissement de l'état d'urgence et l'interposition des forces russes (1993).

En octobre 1991, les Ingouches boycottent les élections qui portent à la tête de la Tchétchénie-Ingouchie le général indépendantiste tchétchène Djokhar Doudaïev. La partition de la république bi-ethnique, de facto depuis janvier 1992, est avalisée par la loi russe du 4 juin 1992 qui précise que les Cosaques doivent être pris en compte lors du tracé des frontières, puis par un amendement constitutionnel de décembre 1992. En février 1993, le général Rouslan Aouchev est élu premier président de l'Ingouchie (il a été réélu en 1998). La république s'est dotée d'une Constitution le 27 février 1994, amendée le 25 juin 2008. En 2002, la capitale a été transférée de Nazran à la nouvelle ville de Magas, fondée en 1995 (300 habitants en 2007).

Lors des deux guerres menées par les Russes contre la Tchétchénie (1994-1996 et depuis 1999), les Ingouches n'ont pas rejoint les Tchétchènes dans leur mouvement sécessionniste, mais ont accueilli des dizaines de milliers de réfugiés chassés de la république voisine par les combats et les exactions. L'extrême précarité des conditions de vie de ces réfugiés (environ 200 000 en janvier 2001) et les pressions russes sur l'Ingouchie font craindre des risques de déstabilisation.

Vers un nouveau point chaud du Caucase ?

L'extrême précarité des conditions de vie des réfugiés (environ 200 000 en janvier 2001), les tensions persistantes en Tchétchénie malgré la fin officielle proclamée de la guerre, et les pressions russes sur l'Ingouchie font craindre des risques de déstabilisation, voire de guerre civile.

En avril 2002, Mourat Ziazikov, général du F.S.B. et adjoint du représentant spécial de Vladimir Poutine en Ingouchie, est élu président de la République d'Ingouchie face à Alikhan Amirkhanov, candidat soutenu par le président sortant Rouslan Aouchev. Ce dernier, opposé à la guerre en Tchétchénie, avait été contraint de démissionner, sous la pression du Kremlin, de son poste au Conseil de la Fédération (sénat russe). L'attentat contre une école de Beslan (Ossétie du Nord, septembre 2004, plus de 350 morts), et dans lequel sont impliqués des terroristes ingouches, relance les tensions avec les Ossètes. La politique musclée de mise au pas de Ziazikov, régulièrement dénoncée par les associations des droit de l'homme, débouche sur un regain de violence. Enlèvements et exécutions sommaires des opposants (comme le journaliste M. Evloïev le 31 août 2008) ou pro-tchétchènes imputés aux forces de l'ordre se sont multipliés, tout comme les attentats aux accents parfois islamistes contre policiers, militaires et représentants du pouvoir, dont des proches de M. Ziazikov. Démis de ses fonctions le 30 octobre 2008 par le président russe Dmitri Medvedev, M. Ziazikov est remplacé par un colonel des renseignements militaires, Iounous-Bek Evkourov, qui s'est illustré lors de la prise de l'aéroport de Priština au Kosovo (1999), ainsi que dans la guerre en Tchétchénie. En juin 2009, il est grièvement blessé dans un attentat revendiqué par un groupe de rebelles tchétchènes.