Henri Alban Fournier, dit Alain-Fournier

Alain-Fournier
Alain-Fournier

Écrivain français (La Chapelle-d'Angillon, Cher, 1886-bois de Saint-Rémy, Hauts de Meuse, 1914).

La vie et l'œuvre

Ce fils d'instituteurs passe sa toute première enfance dans la campagne berrichonne, et les pages liminaires du Grand Meaulnes en évoquent l'enchantement. Années visitées par le merveilleux, plus tard par des rêves de paradis perdu. Mais l'enfant quitte trop vite à son gré la campagne natale pour s'installer à Paris (1898), puis à Brest (1901) et enfin à Bourges (1903). Studieux, il se décide à préparer le concours d'entrée à l'École normale supérieure. Il entre comme interne à Paris au lycée Lakanal : il y rencontre Jacques Rivière, qui épousera sa sœur Isabelle. La vie d'Alain-Fournier sera pendant onze ans illuminée par cette amitié incomparable pour Rivière dont témoignent les quatre gros volumes de leur Correspondance. Tous deux sont conquis par le symbolisme, et Fournier est séduit par Jammes, Maeterlinck et surtout Laforgue, en attendant la révélation de Claudel. Il écrit ses premiers poèmes et contes, qui paraîtront en 1924 sous le titre de Miracles.

Le 1er juin 1905, jour de l'Ascension, sa vie se trouve bouleversée par une banale aventure dont il sortira transformé : il rencontre une jeune fille, Yvonne de Quiévrecourt ; le 11 juin, jour de la Pentecôte, il a une longue conversation avec elle de Saint-Germain-des-Prés au pont des Invalides. Il ne la reverra plus. Mais il fait d'elle la figure soudain vivante de son rêve, lui dédie ses poèmes ; elle sera le modèle d'Yvonne de Galais, l'héroïne du Grand Meaulnes. En 1907, Fournier échoue à l'oral du concours et apprend, à son grand désespoir, qu'Yvonne de Quiévrecourt est mariée depuis l'hiver dernier. Il se décide à faire son service militaire, alors que la Grande Revue publie le premier de ses textes qui ait trouvé un éditeur, le Corps de la femme. Pour ce petit essai, dédié à Maurice Denis, le jeune homme change de prénom, afin de ne pas être confondu avec un champion cycliste : il signera dorénavant Alain-Fournier.

Libéré comme officier, en 1909, de ses obligations militaires, il se consacre désormais à sa vie d'écrivain. La Nouvelle Revue française publie de lui des notes de lectures et, en 1910, Alain-Fournier entre à Paris-Journal, où il tient un « courrier littéraire ». Il rencontre Péguy, qui s'exclame : « Vous irez loin, Fournier ; vous vous rappellerez que c'est moi qui vous l'ai dit. » La même année (1911), il fait la connaissance de Saint-John Perse et séjourne à Cuverville chez André Gide. En mai 1912, Péguy lui fait connaître Claude Casimir-Perier, qui l'engage comme secrétaire pour l'élaboration d'un livre : il est présenté à la maîtresse de maison, l'actrice Simone. À cette date, il a rédigé la presque totalité du Grand Meaulnes. Simone lit l'œuvre en manuscrit et, en juillet 1913, débute dans la Nouvelle Revue française la publication du roman : l'atmosphère féerique de l'œuvre, le réalisme familier des descriptions paysannes, la peinture de l'adolescence inquiète valent un succès immédiat à son auteur, qui manque de peu le prix Goncourt. Encouragé, Alain-Fournier jette sur le papier l'ébauche d'une pièce en trois actes, la Maison dans la forêt, et, conseillé par Simone, travaille à un nouveau roman, Colombe Blanchet. Ce roman, dont très peu de chapitres ont été mis au net, ne verra jamais le jour. La guerre a éclaté. Le 2 août 1914, Alain-Fournier est mobilisé. Le 22 septembre, les journaux signalent la disparition du lieutenant Fournier.

le Grand Meaulnes

Dans une petite école d'un village de Sologne, la vie des élèves est bouleversée par l'apparition d'Augustin Meaulnes. Celui-ci apporte avec lui la fraîcheur, la poésie, le dépaysement. Égaré au soir d'une escapade, il pénètre dans un château mi-réel, mi-fantastique. Émerveillé, le héros apprend qu'on va célébrer les noces du jeune châtelain, Frantz de Galais. Mais la fiancée ne viendra pas. Augustin est ravi par l'apparition d'une jeune fille, Yvonne, la sœur de Frantz. Meaulnes retourne alors dans le village, mais, désormais, il est l'être d'un autre monde et ne vit que pour revoir la jeune fille, tout en étant incapable de retrouver le château perdu. Un jour arrive à l'école un bohémien qui tente d'arracher à Meaulnes le plan qu'il a dressé d'après ses souvenirs de la région mystérieuse. Il ôte son bandeau et se fait reconnaître : c'est Frantz. Augustin doit jurer de lui prêter secours, s'il l'appelle. François Seurel, le narrateur, pendant une absence de Meaulnes, retrouve le château et la jeune fille, à laquelle il révèle l'amour d'Augustin. Les adolescents se marient, mais, le soir des noces, ils entendent le cri de Frantz, qui demande à Meaulnes de chercher avec lui la fiancée jadis perdue. Augustin part et ne reviendra en compagnie de Valentine, la fiancée de Frantz, que pour apprendre la mort d'Yvonne. Il s'en ira vers des horizons inconnus avec la petite fille que cette dernière lui a laissée. Le symbole est clair. Il est un point de félicité qui, une fois atteint, ne le sera jamais plus. Meaulnes vit dans sa quête de l'absolu et dans son rêve de bonheur, qui le rend inapte au bonheur réel.