« On ne comprend pas pourquoi les femmes sont plus nombreuses que les hommes à contracter l'infections reconnaissent les spécialistes. Il est évident que plusieurs facteurs entrent en ligne de compte, notamment le fait que le VIH se transmet plus facilement de l'homme à la femme par les rapports sexuels que de la femme à l'homme. Mais il faut aussi tenir compte d'un facteur fondamental : les femmes sont en général infectées beaucoup plus tôt que les hommes pour des raisons tant biologiques que culturelles. Des études récentes conduites dans plusieurs populations africaines ont montré que la probabilité que les filles de 15 à 19 ans soient séropositives était de cinq à six fois plus grande que chez les garçons du même âge. Il est certain que les hommes plus âgés – qui forcent souvent les jeunes filles à avoir des rapports sexuels ou achètent leurs faveurs par des cadeaux – constituent la principale source d'infection par le VIH chez les adolescentes. »

L'impact de l'épidémie en terre africaine a d'ores et déjà fait exploser le seul cadre médical et sanitaire. Plusieurs pays africains ont ainsi, du fait du sida, reculé dans le classement dit « du développement humain » établi par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), classement qui cherche à offrir un reflet le plus objectif possible de l'état de santé, de richesse et d'éducation.

Toutes les modifications à la baisse dans ce domaine peuvent être imputées à la réduction de la durée de l'espérance de vie, conséquence directe de cette nouvelle maladie. On peut, à titre d'exemple, citer le cas de l'Afrique australe où l'espérance de vie à la naissance avait augmenté de 15 ans en passant de 44 ans au début des années 1950 à 59 ans au début des années 1990. À cause du sida, cette espérance de vie devrait reculer à moins de 45 ans entre 2005 et 2010. « Une augmentation massive du nombre des décès dans une population d'adultes jeunes et économiquement actifs aura inévitablement une incidence sur les économies nationales même s'il n'est pas facile de mesurer avec précision cette incidence » notent les experts des deux agences onusiennes.

Conscients des menaces existant dans ce domaine et enregistrant les premières conséquences de ce phénomène, plusieurs organismes industriels et commerciaux africains ont lancé des programmes de prévention associant des messages d'informations ainsi que des opérations de distribution de préservatifs masculins auprès de leurs employés. Ces programmes peuvent également fournir des traitements pour les maladies sexuellement transmissibles (autres que le sida) et des services de conseil pour le dépistage de l'infection par le VIH. Là encore, la question est de savoir si ces initiatives, a priori intéressantes, n'ont pas trop tardé, plusieurs études ayant démontré les taux très élevés d'infection à VIH chez les employés de différentes entreprises agricoles, minières ou bancaires africaines, ce qui laisse craindre de très fortes perturbations dans les systèmes de protection sociale et d'assurance-vie.

Europe et Asie : une situation inquiétante

Le continent africain mis à part, le constat des experts de l'OMS et d'Onusida est tout particulièrement inquiétant au vu de la dynamique épidémique mise en évidence depuis peu en Europe de l'Est.

« Les infections à VIH dans l'ex-Union soviétique ont, en moins de deux ans, doublé. En 1999, la consommation de drogues injectables est à l'origine, dans la région de l'Europe orientale et de l'Asie centrale, de la courbe d'augmentation d'infection par le virus du sida la plus rapide du monde », écrivent dans leur rapport les experts des deux agences onusiennes. Pour ces derniers, « le virus a été récemment introduit dans les réseaux de consommateurs de drogues injectables dans des villes de Russie où il était encore pratiquement absent. Ce phénomène vaut pour les petites villes de province comme pour les grandes métropoles. Cette année, à Moscou, par exemple, la prévalence du VIH s'est rapidement accru parmi les consommateurs moscovites. Plus de 2 700 cas d'infection ont officiellement été notifiés dans la capitale russe au cours des neuf premiers mois, soit trois fois plus que pendant toutes les années précédentes. »