Les épidémiologistes estiment que l'épidémie de sida pourrait bientôt atteindre les populations des pays de l'Europe orientale. Ils observent d'autre part que les premiers signaux d'alarme sont d'ores et déjà observés au Moyen-Orient via les pratiques toxicomaniaques. La drogue est également directement en cause dans l'émergence et la progression de l'épidémie en Chine, où l'on compterait un peu plus d'un demi-million de personnes infectées sur un milliard d'habitants. Mais, dès à présent, les observateurs craignent que le VIH ne diffuse rapidement dans de plus larges fractions de la population chinoise, à la fois à cause de l'augmentation du nombre des toxicomanes dans ce pays, mais aussi du fait de la progression du nombre des prostitué(e)s. On compterait actuellement en Chine 4 millions de « professionnel(le)s du sexe » et, parmi eux plus de la moitié n'auraient jamais eu recours à l'usage du préservatif.

Le constat est plus contrasté dans les autres pays de l'Asie et du Pacifique. Mis en place de manière relativement précoce et très volontariste, le programme thaïlandais de prévention de l'infection par le VIH semble commencer à porter ses fruits, la proportion de femmes enceintes séropositives étant en réduction. À l'inverse, les dernières données épidémiologiques en provenance du Viêt Nam laissent craindre que les taux d'infection, jusqu'ici relativement faibles, ne soient en hausse, notamment chez les prostituées. L'autre grande inconnue majeure quant à l'avenir de la progression de la pandémie concerne l'Inde, pays où 4 millions de personnes sont infectées par le VIH et où la stigmatisation sociale à leur endroit est souvent considérable, les séropositifs pouvant être rejetés du système de soins, voire de leur milieu familial. « Or, dans un climat de peurs irrationnelles et de discrimination, l'action de prévention est extrêmement difficile, notent les experts. Pour que la prévention soit efficace, les questions sensibles telles que les rapports sexuels en dehors du mariage et l'utilisation du préservatif doivent être abordées franchement. Ceci s'applique bien entendu à tous les pays et pas seulement à l'Inde. »

Des thérapies antirétrovirales

C'est dans ce contexte que l'on observe, depuis cinq ans, le développement des progrès substantiels fournis par la mise au point et l'usage d'une série de médicaments antirétroviraux actifs contre le VIH. Parallèlement à de nouvelles méthodes diagnostiques, ces associations médicamenteuses, ou HAART (pour thérapies antirétrovirales hautement actives), ont notamment permis de réduire de manière spectaculaire les taux de mortalité chez les malades du sida. Aux États-Unis, ce taux a ainsi diminué de 47 % entre 1996 et 1997 et le même phénomène a été observé en Europe. Outre la réduction des taux de mortalité, l'administration de ces nouveaux traitements a permis d'améliorer considérablement l'état clinique des malades, souvent, il est vrai, au prix d'effets secondaires non négligeables. Plusieurs éléments laissent aujourd'hui penser que ces HAART ne doivent pas être considérées comme une panacée. L'épidémiologie tout d'abord montre que, si les taux de mortalité continuent de décroître, le rythme de cette décroissance ralentit et a été de 20 % entre 1997 et 1998.

Plusieurs travaux récents de recherche fondamentale ont d'autre part établi que, chez les personnes ainsi traitées et chez lesquelles le VIH était devenu depuis plusieurs années indétectable dans le sang, le virus était en réalité toujours présent. Publiée au printemps 1999, une étude menée par l'équipe du professeur Robert Siliciano (université John-Hopkins, Baltimore) a conclu que le VIH pourrait théoriquement persister durant soixante ans dans certains cellules du système immunitaire, et de nombreux arguments laissent penser qu'il existe au sein de l'organisme infecté des « sanctuaires » dans lequel cet agent infectieux peut demeurer comme « tapi » et recommencer à se multiplier dès lors que les traitements antirétroviraux seraient interrompus. En d'autres termes, aussi efficaces soient-ils, ces nouveaux traitements ne permettent pas d'obtenir une éradication complète du virus au sein de l'organisme.