Sida, une pandémie en expansion

Près de vingt ans après avoir été identifié dans les milieux homosexuels de la côte ouest des États-Unis, le sida ne cesse de progresser à l'échelon de la planète, cette pandémie prenant dans de nombreux pays en développement les dimensions d'une catastrophe sanitaire et économique sans précédent. La progression continuelle de cette affection virale vient jour après jour ruiner les espoirs nourris par tous ceux qui imaginaient que la découverte des voies, sexuelle et sanguine, de la contamination par le VIH aurait pour effet d'enrayer durablement sa diffusion dans l'espèce humaine.

Le dernier bilan épidémiologique rendu public conjointement, à la fin du mois de novembre 1999, par l'Organisation mondiale de la santé et l'agence Onusida est à bien des égards désespérant. Il situe à 5,6 millions le nombre de personnes qui, à travers le monde, auront contracté une infection par le virus du sida au cours de la seule année 1999. Parmi elles, on compte 2,3 millions de femmes et 570 000 enfants de moins de quinze ans.

26 millions de personnes infectées

Plus généralement, il faut savoir que 33,6 millions de personnes sont aujourd'hui contaminées par le VIH. Certaines d'entre elles ont atteint le stade clinique de la maladie et souffrent d'une ou de plusieurs des maladies opportunistes qui caractérisent le sida. Les autres sont encore en phase d'incubation et, faute de généralisation de programmes de dépistage, la majorité d'entre elles ignorent qu'elles sont infectées et peuvent malheureusement ainsi contaminer leur(s) partenaire(s) sexuel(s). Durant la même année 1999, le sida aura tué 2,6 millions de personnes (et 16,3 millions depuis 1981). « Près de la moitié de toute les personnes qui contractent un infection par le VIH sont infectées avant l'âge de 25 ans et décèdent généralement avant leur 35e anniversaire », explique-t-on au sein de l'OMS et de l'agence Onusida. « Ceci fait planer une menace particulière sur les enfants. À la fin de 1999, le sida laisse dans son sillage un total cumulé de 11,2 millions d'enfants qui ont perdu leur mère (et bien souvent également leur père) avant l'âge de 15 ans. »

Toutes ces données inquiétantes viennent confirmer la plupart des cris d'alarme et des sombres prévisions émanant depuis près de quinze ans des épidémiologistes en charge du sida et de l'infection par le VIH, épidémiologistes qui ne cessent d'autre part de réévaluer à la hausse leurs estimations. C'est ainsi, par exemple, que les experts de la Banque mondiale prévoyaient en 1993 qu'il faudrait compter, pour l'ensemble du monde, 26 millions de personnes infectées par le VIH en l'an 2000 et qu'à cette date le sida tuerait chaque année 1,8 million de malades. Certains estimèrent alors que ces experts de la Banque mondiale péchaient par trop de pessimisme. On sait aujourd'hui, via les chiffres de l'OMS et d'Onusida, qu'il n'en était rien. Longtemps perçue comme une maladie touchant pour l'essentiel certaines fractions de la population des pays industrialisés (les homosexuels masculins et les consommateurs de drogues administrées par voie intraveineuse), l'épidémie de sida est désormais, pour l'essentiel, une réalité du tiers-monde. « Une majorité écrasante des personnes infectées par le VIH – environ 95 % du total mondial – vivent dans le monde en développement », soulignent les experts de l'OMS et d'Onusida. « Cette proportion va encore s'accroître au fur et à mesure de l'augmentation des taux d'infection dans les pays où la pauvreté et l'insuffisance des systèmes de santé ou des ressources destinées à la prévention et aux soins entretiennent la propagation du virus. La population des personnes séropositives s'accroît toujours et on peu prévoir que le chiffre annuel des décès dus au sida augmentera pendant de nombreuses années avant d'atteindre son maximum. »

L'Afrique en première ligne

On sait depuis plusieurs années déjà que ce sont les pays de l'Afrique sub-saharienne qui paient – et paieront – le plus lourd tribut à l'épidémie. Et, régulièrement, les nouvelles données épidémiologiques viennent confirmer ce phénomène. Plus de 23 millions de personnes sont infectées par le VIH dans ces pays, soit 70 % du total mondial et ce alors même que cette région compte à peine 10 % de la population du globe. En Afrique sub-saharienne, le fléau touche tout particulièrement les plus petits, contaminés lors de la grossesse, de l'accouchement ou de l'allaitement. C'est ainsi que les experts estiment que près de 90 % du demi-million des tout-petits infectés en 1999 vivent dans cette partie du continent africain. De nombreux éléments indiquent d'autre part que dans ces pays le nombre des femmes infectées est proportionnellement plus élevé que celui des hommes. Selon une série d'études conduites sous l'égide de l'OMS et de l'agence Onusida dans neuf pays d'Afrique sub-saharienne, on compterait d'ores et déjà, pour dix hommes infectés entre douze et treize femmes infectées. À la fin de l'année 1999, toujours selon ces deux institutions, 12,2 millions de femmes et 10,1 millions d'hommes âgés de 15 à 49 ans étaient infectés par le VIH en Afrique.