Japon, un premier ministre de transition ?
Le Premier ministre, Ryutaro Hashimoto, est tombé en juillet, et – jusqu'à preuve du contraire – son successeur Keizo Obuchi n'a guère soulevé l'enthousiasme. Rien n'indiquait qu'il eût le profil de l'homme capable de redonner confiance à l'électorat par l'adoption de réformes économiques ambitieuses, alors même que les critiques à son égard sont venues de son propre parti.
Chute de la croissance, stagnation des investissements, endettement des banques, contraction du crédit, repli de la consommation, chômage en augmentation, atonie boursière et effondrement du yen : tel est l'inventaire des maux dont souffre l'archipel. Rien de bien encourageant pour les candidats du Parti libéral-démocrate (PLD) du Premier ministre sortant, Ryutaro Hashimoto, qui auront donc abordé les élections sénatoriales du 12 juillet 1998 dans de bien mauvaises conditions. Ce ne fut donc pas une surprise de voir le PLD perdre la majorité au Sénat et, comme il est de coutume au Japon, le chef du gouvernement en tirer les conséquences. Celui-ci, en démissionnant de la présidence du PLD, a ouvert la voie au chef de la diplomatie, Keizo Obuchi. Élu à la tête du PLD, ce dernier pouvait accéder sans difficulté au poste de Premier ministre, son parti disposant de la majorité à la Chambre basse.
Un homme de consensus
Il n'a pas fallu attendre longtemps pour que se confirme ce que la majorité des observateurs avait prédit. Homme de consensus, Keizo Obuchi ne semblait guère répondre aux attentes du pays de voir un homme de décision prendre sa tête, alors que « peu de cabinets dans l'histoire du Japon depuis la guerre ont été confrontés à des problèmes aussi graves », comme le notait le quotidien des milieux économiques Nihon Keizai.
Il est vrai qu'au regard des difficultés économiques et sociales qui plombent les perspectives de l'archipel le discours de politique générale ne pouvait que s'apparenter à un exercice périlleux. Ce fut le cas. L'opposition, la presse, mais aussi des membres du PLD ont « communié » dans un même esprit critique vis-à-vis des propositions du nouveau chef du gouvernement. Pourtant, Keizo Obuchi aurait difficilement pu promettre davantage : le nettoyage des mauvaises créances du système financier – plus de 10 000 milliards de yens de plan de relance ; près de 7 000 milliards de yens de réductions fiscales et l'abandon de la loi d'austérité budgétaire. Cet ensemble de mesures, qui étaient réclamées par les marchés, les économistes et les États-Unis, a suscité quelques commentaires peu amènes : pour l'observateur politique Makoto Sako, « ce sont les bureaucrates qui ont écrit le texte. Il n'y a pas de projet concret » ; pour sa part, Makiko Tanaka, députée PLD et fille de l'ancien Premier ministre Kakuei Tanaka, a jugé que « le discours d'Obuchi manque de force. C'est le début du gouvernement, mais ça ressemble déjà à la fin du cabinet Hashimoto ».
Sans doute, est-ce davantage la forme du projet présenté par Keizo Obuchi que son contenu qui lui a valu cette pluie de critiques acerbes. Et il est plus que probable que le PLD a misé sur les qualités de conciliateur de son représentant pour obtenir de la Diète qu'elle ne s'oppose pas plus que de raison à des réformes sur lesquelles il existe un large accord. D'ailleurs, le nouveau Premier ministre a montré qu'il n'entendait pas « passer en force », en renvoyant en 1999 le vote de la loi sur les réductions fiscales. Il reste que le temps pourrait bien faire défaut au PLD, qui, pour ne pas reconnaître sa responsabilité dans le krach immobilier et financier de 1991, a jusqu'à présent temporisé dans la gestion de la crise.
Les effets de la crise asiatique
En dépit des maux, réels, évoqués plus haut, le Japon n'a toutefois pas sombré dans la tourmente, tant il est vrai que la récession que traverse l'archipel n'a rien de commun avec les difficultés de ses voisins. Les différences sont en effet fondamentales. Contrairement aux pays pris dans la tourmente de la crise financière qui s'est mise à souffler sur l'Asie à partir de l'été 1997, le Japon n'est pas en cessation de paiement. Au contraire, il reste immensément riche en termes de réserves, d'avoirs à l'étranger et d'épargne. Son PIB équivaut aux deux tiers de celui des États-Unis et au double de celui de l'Allemagne. Rappelons aussi que l'archipel nippon contribue à financer le déficit budgétaire des États-Unis par les bons du Trésor américains qu'il détient. Enfin, son industrie, plus particulièrement les groupes tournés vers l'exportation, demeure très compétitive : l'affaiblissement du yen ne suffit pas à expliquer l'excédent commercial du Japon.