La Jordanie s'en tire moins bien. Ulcérée par une paix avec Israël (1994) dépourvue de toute contrepartie positive, l'opposition parlementaire, islamiste et progressiste, grogne. La majorité impose néanmoins l'investiture d'un jeune Premier ministre, Abdelkarim Kabariti, rapidement impopulaire. À tel point qu'une révolte éclate les 16 et 17 juillet, à Kerak, un chef-lieu du Sud, où l'armée impose l'état de siège. Une sourde agitation, imputée sans preuve à l'Irak, se répand dans tout le royaume, où sévit une crise de l'emploi sans précédent. Le bon accueil que le roi Hussein réserve à l'élection de M. Netanyahou n'arrange rien. S'alignant une fois de plus sur Washington, ce dernier prend part au sommet Clinton-Netanyahou-Arafat, en octobre, et s'expose de ce fait au risque d'une certaine désaffection de la part de ses sujets.
Chrono. : 18/04, 16/07, 17/07.
Les monarchies du Golfe : Arabie saoudite, Bahreïn, Qatar, Koweït, Émirats arabes unis
En Arabie Saoudite, où le roi Fahd est revenu aux affaires, au moins nominalement, après quelques mois de convalescence, un attentat au camion piégé frappe, le 25 juin, la base américaine de Khobar, l'un des QG de la force multinationale de surveillance de l'Irak du Sud. Causant la mort de 19 Américains, cette action non revendiquée vise certes les États-Unis et la présence impopulaire de 40 000 de leurs ressortissants, à proximité des lieux saints musulmans. Elle dénote aussi la vigueur d'une opposition interne, souvent d'inspiration intégriste, prompte à dénoncer la gabegie et la corruption, quand le pays en est, fait inhabituel, aux restrictions budgétaires.
Dans l'État satellite voisin de Bahreïn, aux deux tiers chiite, le désordre est endémique. L'opposition ne cesse de réclamer le rétablissement de la Constitution de 1975. Fomentant des attentats, elle a la réputation d'être noyautée par un Hezbollah-Bahreïn manipulé par l'Iran.
Le Qatar, future puissance gazière de la région (7 500 milliards de m3), accentue la politique d'ouverture de l'émir précédent, détrôné en 1995 par son fils Hamad ben Khalifa. D'un côté, il héberge une force aérienne américaine, accueille une mission commerciale israélienne et reçoit le Premier ministre Shimon Peres, auquel il promet pour l'avenir d'abondantes livraisons de gaz naturel, mais, de l'autre, il préconise la fin de l'embargo irakien et entretient avec Paris une relation privilégiée.
Fidèle à sa pratique électorale, le Koweït renouvelle, le 7 octobre, son Assemblée nationale, où les libéraux sont en recul. L'électorat (les nationaux de sexe masculin) ne représente que 15 % des personnes résidant au Koweït. Le prince héritier Saad al-Abdallah al-Sabbah, maintenu à la tête du gouvernement dans une ambiance islamisante modérée, donne la priorité à la protection américaine.
Moins riche en pétrole, mais aussi beaucoup moins endettée, la fédération des Émirats arabes unis, toujours présidée par l'émir d'Abu Dhabi, cheikh Zayed ben Soltan, demeure un excellent client de l'Occident, qui en apprécie la tranquillité politique et la solvabilité. Quoique plaidant pour la levée de l'embargo irakien, la fédération demeure le rendez-vous de nombreux marchands d'armes. Elle attend de la Cour internationale de justice de La Haye qu'elle règle son différend territorial avec l'Iran.
Chrono. : 1/01, 25/01.
Sultanat d'Oman et République yéménite
Naguère en guerre, les deux États, riverains de l'océan Indien, séparés par le désert d'Hadramaout, se tournent le dos mais apurent néanmoins un contentieux frontalier de détail. Gardien du détroit d'Ormuz, face à l'Iran, le sultanat d'Oman, d'obédience kharidjite, traditionaliste à l'intérieur, mène une politique étrangère pro-occidentale qui va jusqu'à l'ouverture à Mascate d'une représentation commerciale israélienne. Comme les autres monarchies de la péninsule, il est membre du Conseil de coopération du Golfe qui, sous coordination saoudienne, est censé veiller à la sécurité de la région. Le sultan Qabus ibn Said étant célibataire et sans enfant, on s'interroge sur sa future succession.