Moyen-Orient

L'assassinat d'Yitzhak Rabin avait provoqué de vives inquiétudes quant à la poursuite du processus de paix israélo-arabe. Amplement confirmé cette année, le blocage des négociations affecte l'ensemble de la région, où, sous des formes différentes, gouvernementales et institutionnelles en Turquie, militaires et violentes en Afghanistan, l'islamisme s'impose peu à peu comme une force politique durable.

L'émergence en Israël d'un gouvernement prônant ouvertement l'annexion des territoires palestiniens conquis en 1967, ainsi que celle du Golan syrien, est l'événement politique majeur de l'année. L'image de l'allié américain d'Israël s'en trouve affectée. De même, la rigueur des représailles anti-irakiennes, et, surtout, leur inefficacité, suscite des réserves jusque chez ses plus fidèles soutiens. L'influence que les États-Unis exerçaient sans partage sur la région semble ainsi avoir atteint un palier. La crise afghane elle-même, bien qu'encouragée par l'allié pakistanais de Washington, ne saurait leur être favorable.

Israël et l'Autorité palestinienne : la crise

La liquidation en janvier d'Yehia Ayache, « héros » palestinien crédité du meurtre d'une soixantaine d'Israéliens, réactive l'escalade de la violence. Entre le 25 février et le 4 mars, 3 attentats suicides commis par la Résistance islamique palestinienne en Israël font plus de 60 morts. Du coup, la réélection de Shimon Peres comme chef de gouvernement travailliste de la législature suivante est compromise, malgré le soutien des États-Unis, qui organisent, le 13 mars, le « sommet antiterroriste » de Charm al-Cheikh. À un électorat partisan de la fermeté, le candidat travailliste concède le bouclage des territoires palestiniens, le report de l'application des accords israélo-palestiniens d'autonomie et l'ouverture au Liban d'un cycle de représailles.

En vain. Les élections législatives du 29 mai donnent 50,4 % des votes à Benyamin Netanyahou, chef du Likoud, parti nationaliste de droite. Avec le soutien de l'extrême droite, des partis religieux et d'élus de la dernière immigration russe, M. Netanyahou forme un gouvernement qui s'engage à poursuivre la colonisation des territoires palestiniens et à concrétiser l'annexion du « Grand Jérusalem », conformément aux promesses électorales. Malgré les recommandations d'un « sommet » arabe réuni au Caire, le 21 juin, pour une paix de compromis, le nouveau gouvernement ajourne, comme son prédécesseur, l'évacuation d'une partie de la ville d'Hébron, septième et dernière enclave promise à l'autonomie par l'accord de Taba (1995), de même qu'il n'engage pas, malgré le retard pris, les négociations sur le fond prévues par la déclaration d'Oslo (1993). Au contraire, ayant fait du général Ariel Sharon le ministre des « Infrastructures nationales », le gouvernement entreprend de développer la colonisation. Dans la partie arabe de Jérusalem, pour illustrer la souveraineté israélienne sur la « capitale réunifiée », il ouvre un accès à un « tunnel archéologique » creusé sous la vieille ville, ce qui déclenche, entre le 25 et le 28 septembre, un soulèvement palestinien de grande ampleur.

La méthode Netanyahou indispose les partenaires occidentaux et arabes d'Israël, naguère accoutumés aux ambiguïtés de Shimon Peres. Le président Bill Clinton lui-même, invitant le nouveau Premier ministre à deux reprises, lui recommande la modération. Le 1er octobre, il organise une rencontre à Washington entre M. Netanyahou, le président palestinien Yasser Arafat et le roi Hussein de Jordanie ; le président égyptien Hosni Moubarak s'étant, quant à lui, désisté. Il obtient qu'Israéliens et Palestiniens se rencontrent à nouveau autour de la table des négociations désertée depuis quatre mois. Le président français Jacques Chirac, plaidant de son côté, lors de son voyage en Israël, pour le respect des droits palestiniens et une comédiation européenne, n'est pas entendu.

Victimes de la supériorité régionale écrasante d'Israël et de son impunité internationale systématique, les Palestiniens passent de la résignation à la colère. Passé l'euphorie de l'élection, le 20 janvier, des 80 membres d'un Conseil de l'autonomie sans pouvoir réel, ainsi que l'accession de Yasser Arafat à une fonction présidentielle, la communauté palestinienne subit, après les attentats du printemps, une répression aggravée. En particulier, tandis que les polices de Yasser Arafat se lancent dans la chasse aux islamistes et bien que l'organe suprême de l'OLP – le Conseil national palestinien – ait voté, le 24 avril, la suppression dans sa charte fondatrice de 1964 des articles contraires à la reconnaissance d'Israël, un bouclage récurrent des territoires palestiniens entrave la circulation des biens et prive d'emploi 70 000 travailleurs.