La cohabitation des contraires
En 1996, l'actualité internationale a semblé obéir à une logique perverse. Douze mois durant, le monde a balancé entre la loi du plus fort et le concert des nations.
Terrorisme
L'année s'est achevée comme elle avait débuté : par une prise d'otages. Le 9 janvier, des rebelles tchétchènes, encerclés par l'armée russe dans la ville de Kizliar, au Daghestan, s'emparent d'un hôpital, où ils font prisonniers quelque 2 000 civils. Le commando réussit à s'enfuir. Mais les pertes sont lourdes : des dizaines d'otages ont été tués. Le 17 décembre, les guérilleros péruviens du mouvement Tupac Amaru s'infiltrent dans l'ambassade du Japon à Lima. Ils prennent 400 personnes en otages.
Mois après mois, le terrorisme fait couler le sang un peu partout. À Madrid, des Basques assassinent l'ancien président du Conseil constitutionnel. À Colombo, un séparatiste tamoul tue 72 passants après avoir fait sauter un camion de dynamite. Aux jeux Olympiques d'Atlanta, l'explosion d'une bombe fait 2 morts.
Rien de neuf sur les fronts de l'actualité. Les zones les plus dangereuses sont toujours les mêmes.
Il y a d'abord le Proche-Orient. Les Palestiniens qui n'acceptent pas la paix conclue par Yasser Arafat multiplient les attentats contre Israël. Entre février et mars, trois opérations suicide des mouvements islamistes, Hamas et Djihad islamique, font 61 morts. L'Iran, parrain du Djihad, pousse les chiites du Hezbollah à tirer, depuis leurs repaires du Sud-Liban, sur les villes israéliennes de l'autre côté de la frontière.
Shimon Peres, qui est en pleine campagne pour se faire élire Premier ministre six mois après l'assassinat d'Yitzhak Rabin par un extrémiste juif, doit absolument reprendre l'initiative. Face à Benyamin Netanyahou, qui promet de revenir sur les accords d'Oslo pour mieux assurer la sécurité d'Israël, Peres veut prouver sa fermeté en ordonnant « Raisins de la colère » : des représailles au Liban. Le remède est pire que le mal : le 18 avril, l'artillerie israélienne bombarde un camp de l'ONU, à Cana, où des civils libanais se sont réfugiés. Il y a 104 morts. Tsahal doit arrêter « Raisins de la colère ».
Le 29 mai, Peres perd les élections. Les adversaires, palestiniens et israéliens, des accords d'Oslo ont gagné : nouveau Premier ministre, Benyamin Netanyahou suspend le processus de paix. Ce virage ne rétablit pas le calme. Le 25 septembre, la décision d'achever de percer un tunnel dans la vieille ville de Jérusalem déclenche un soulèvement palestinien sans précédent depuis l'Intifada. Résultat : 84 morts, dont 15 Israéliens.
L'Algérie est un autre abcès. Malgré l'élection présidentielle de décembre 1995, qui a été un succès personnel pour le chef de l'État, Liamine Zeroual, jusqu'alors sans légitimité populaire, et malgré le résultat à la soviétique (85 % de « oui ») du référendum constitutionnel du 28 novembre 1996, la guerre civile continue. Toujours plus cruelle. Les islamistes, à qui l'armée a infligé de lourdes pertes, se rabattent sur une stratégie indirecte. Convaincus que, sans l'aide financière de Paris et son appui diplomatique, le régime d'Alger tomberait, les GIA décident de concentrer leurs coups sur la France. Le 27 mars, un commando enlève 7 moines trappistes qui vivaient dans le monastère de Tibéhirine, près de Médéa. Deux mois plus tard, l'« émir » Djemal Zitouni les fait décapiter. En août, c'est au tour de Mgr Claverie : il est assassiné devant la porte de son évêché d'Oran. Le 3 décembre, comme pendant la série d'attentats de l'été 1995, une bombe explose à la station du RER Port-Royal. Quatre passagers sont tués.
L'Afghanistan fait aussi reparler de lui. Depuis le départ de l'Armée rouge, en 1989, aucune des factions qui se disputaient le pouvoir n'avait réussi à l'emporter. Mais, le 27 août, les talibans créent la surprise en prenant le contrôle de Kaboul. Ces extrémistes musulmans sont soutenus par le Pakistan et par les États-Unis. Repliés dans leurs fiefs, les chefs de guerre Massoud, Dostom et Hekmatyar ne s'avouent pas vaincus. Le « grand jeu » continue.