Rock : l'année Oasis
Les dinosaures sont restés au musée. La jeune vague a tenu le haut de l'affiche d'un bout à l'autre de l'année avec pour locomotive Oasis. Le groupe formé en 1991 par les frères Liam et Noel Gallagher est devenu un phénomène planétaire, accaparant les titres de la presse autant par ses concerts et ses ventes record que ses frasques.
Célèbre critique britannique au New Musical Express, Nick Kent, aujourd'hui installé à Paris, a publié l'Envers du rock (Éditions Austral), recueil de ses meilleurs articles, revus et corrigés. Des portraits magistraux de quelques agités célèbres, Iggy Pop, Brian Wilson ou Kurt Cobain.
Maelström
Après deux albums flamboyants, Definitively May Be, en 1994 et (What's The Story) Morning Glory, en 1995, Oasis est passé du statut de groupe brillant, efficace, drôle, et surtout aussi mal embouché que les Kinks et les Who trente ans plus tôt, à une notoriété mondialement supérieure à celle des Beatles, si l'on en croit les chiffres. En février, les 38 000 tickets d'un concert à Manchester furent enlevés en deux heures et, en août, 340 000 personnes ont acclamé le groupe lors de deux shows au Festival de Knebworth retransmis en direct dans 80 pays. On a enfin retrouvé un groupe de rock'n'roll au son nouveau et cependant profondément ancré dans la tradition, dont les chansons si elles ne brillent pas par l'originalité des paroles restent cependant en mémoire. Oasis, c'est un déluge de guitares sur une pop anglaise teigneuse, expédiée par un chanteur qui en fait plutôt moins que trop.
Oasis sait aussi entretenir l'attention des fans avec la perpétuelle querelle qu'entretiennent les frères Gallagher, sales gosses, buveurs, bagarreurs, hautains, mélange de punks gâtés et de rebelles jamais satisfaits. En pleine tournée américaine en septembre, Noel a quitté les autres musiciens avant de rentrer à Londres et d'annoncer l'annulation des derniers concerts prévus cette année. La dissolution semblait alors inéluctable avant que le groupe n'annonce aussitôt un nouvel album pour le printemps 1997.
Tendances
Mais la cure de jeunesse ne s'est pas limitée aux frasques des Gallagher. Derrière eux, on a vu poindre, ou confirmer, Bad Religion, Dog Eat Dog, Offspring, Green Day, Rage Again The Machine, Soundgarden, Smashing Pumpkins, tous héritiers du punk et du grunge, et surtout Skunk Anansie, trio britannique qui réussit une magistrale synthèse de hard rock et de funk.
Au chapitre des retours, 1996 fut, pour l'anecdote, celui des Sex Pistols venus, vingt ans plus tard, récupérer l'argent qu'ils n'avaient pas touché au temps de leur splendeur, et, surtout, celui de Patti Smith, égérie du rock new-yorkais éloignée des scènes depuis des années. À quarante-huit ans, avec Gone Again, album hommage à son mari Fred « Sonic » Smith, décédé, elle se montre toujours aussi attachante et lucide vis-à-vis d'un monde qui ne lui inspire guère d'optimisme.
Dépouillé
Après la démesure des concerts-marathons, Bruce Springsteen a pris une option franchement folk à la suite de son album (magnifique) The Ghost Of Tom Joad. Seul sur scène, il a donné en Europe plusieurs concerts entièrement acoustiques et a reçu un accueil parfois mitigé.
Cure terminale
Toutes les chances que Cure ne passe pas l'hiver. Après Wild Mood Swings, album mal vendu, et une tournée loin d'avoir fait le plein, Robert Smith, leader du groupe-phare des années 80, a annoncé à l'automne son intention de mettre fin à l'aventure.
Les Fugees ont réalisé le carton de l'année grâce à une reprise de « Killing Me Softly », un tube de Roberta Flack datant des années 70. D'origine haïtienne mais installé à New York, le trio se veut bien sous tous rapports, affirmant sa foi en Dieu et condamnant drogues et alcool.
USA
Bien que la presse française continue à l'ignorer, la scène rock américaine se porte bien entre Nashville et Austin. Au pays de la country et du blues est apparu le nom de Wayne Hancock, une voix d'or sur une gueule d'ange teigneux.
Michel Embareck