Banque : après la tempête
Avec une crise de l'immobilier, suivie d'une récession générale, les banques traversent depuis deux ans une tempête sans précédent dans leur histoire. Alors qu'en 1991 elles affichaient des résultats en net redressement – elles avaient enfin surmonté les difficultés liées à la dette des pays du tiers-monde –, elles voient, depuis, fondre leurs sources de profits. La chute de l'immobilier de bureau, d'abord, a laissé des traces profondes et durables dans les comptes. Le marché s'est effondré, laissant sur les bras des banques des promoteurs et des marchands de biens endettés jusqu'au cou. Au total, le secteur immobilier est débiteur de quelque 400 milliards de francs aux banques. Celles-ci, pour se préserver des accidents, sont donc obligées d'accroître massivement leurs dotations aux provisions, ce qui réduit d'autant les résultats nets. Par ailleurs, la récession a grossi les rangs des PME en difficulté, et a accéléré la chute de l'investissement : autant de mauvaises nouvelles pour les banques qui, pour s'en sortir, sont devenues d'une extrême prudence. Une prudence qui n'a guère arrangé la situation économique. Accordés au compte-gouttes, les crédits aux entreprises n'ont guère servi de soutien à l'activité. Mais c'est cette prudence qui a permis aux banques de limiter les dégâts dans leurs comptes 1993.
Hiérarchie
Les bénéfices nets de l'ensemble des établissements de crédit avaient fondu d'en moyenne 21 % en 1992. En 1993, la chute semble s'être stabilisée. Les difficultés ne sont pas les mêmes pour toutes les banques : celles qui financent les PME (comme le CIC) ou celles qui avaient une stratégie offensive (comme le Crédit Lyonnais) souffrent beaucoup plus que les autres. Des écarts se sont creusés, que reflètent les notations accordées par les agences de rating anglo-saxonnes. Auparavant, toutes les banques françaises avaient peu ou prou la même note. En 1993, il est possible de dresser un véritable classement des banques françaises par leur solidité. Pour les grandes, le Crédit agricole et la Société générale arrivent en tête, suivis par la BNP, les banques populaires, la banque Paribas, le Crédit Lyonnais.
Le Crédit Lyonnais, qui s'était lancé dans une stratégie très audacieuse d'achat et de crédits, a pris la crise de plein fouet. Il y a deux ans, lorsqu'on demandait à son président Jean-Yves Haberer : « Que se passera-t-il pour la banque si la reprise de l'activité ne vient pas l'an prochain ? », il répondait : « elle viendra ». Il a perdu ce pari. La récession s'est aggravée, et la situation du Crédit Lyonnais aussi. La banque a affiché une perte de 1,9 milliard de francs au dernier semestre 1992, et une perte de 1 milliard de francs au premier semestre 1993. Le Lyonnais est devenu impossible à privatiser pendant un bon moment. À l'opposé, le CCF ou la Société générale, deux banques privatisées et peu engagées dans l'immobilier, ont traversé la crise comme des fleurs. Le Crédit agricole, les Banques populaires, le Crédit mutuel et les Caisses d'épargne s'en tirent également sans trop de casse.
La baisse des taux, a priori, n'est pas une bonne nouvelle, au moins pour les grandes banques de dépôt : celles-ci reçoivent de l'argent qu'elles ne rémunèrent pas (les dépôts à vue) et qu'elles prêtent à leurs clients à des taux élevés. Pourtant, lorsque les taux d'intérêt ont commencé à baisser, les banques se sont réjouies. Les raisons sont multiples : d'abord, seule une baisse des taux peut dégonfler les sicav monétaires, qui ont siphonné en partie les dépôts bancaires. Ensuite, cette baisse des taux est bonne pour l'activité, et donc pour ceux qui la financent. Les banques, qui trouvent leurs ressources en bonne partie sur le marché monétaire, peuvent même profiter directement de la réduction des taux pour redresser leurs résultats. Il suffit pour elles de ne pas répercuter cette baisse sur leurs clients, ou de la répercuter avec retard. Une fois répercutée, la baisse des taux allège alors les mauvaises créances, et donne des couleurs à la trésorerie des entreprises.