Pour ce qui concerne le crédit à la consommation, la concurrence a joué à fond : la Caisse d'Épargne de Paris, au début du mois de septembre, a annoncé qu'elle accorderait à ses clients des crédits à la consommation de 9 %, alors que la plupart des banques en étaient restées à des taux de 12 %. Quelques jours plus tard, toutes les autres banques ont dû s'aligner, même si elles trichent chacune un peu en assortissant ce taux alléchant de conditions très strictes.
Les privatisations, pour les banquiers, ont été – avec les tempêtes spéculatives sur les changes – la véritable bonne nouvelle de l'année. Non pas tant parce que deux des quatre premières entreprises sont des banques (BNP et banque Hervet), mais parce que la plupart des grandes banques participeront aux opérations. Le marché qui s'ouvre n'est pas négligeable, puisqu'il porte au total sur le placement de 200 à 300 milliards de francs de titres boursiers, et que la commission généralement prise par les banques chargées de ce placement est d'environ 2,5 %. Pour la privatisation de la BNP, c'est la banque Lazard qui a été choisie pour mener l'opération. Mais de nombreuses autres banques sont concernées, car elles sont chargées de distribuer les actions à leurs clients.
Les prix des services bancaires grimpent en flèche. La hausse est d'environ 8 % par an, contre 3 % pour les autres services. Les banques, qui n'ont pas le droit de faire payer l'usage des chèques, se rattrapent sur tous les services, sans toujours prévenir clairement leurs clients. La carte bancaire internationale du Crédit Lyonnais augmente depuis deux ans de plus de 10 % par an, alors que l'inflation n'est que de 3 %. Surtout, les banques déploient des trésors d'imagination pour vendre ces services par « paquets », les hommes de marketing disent « package ». Le client signe un contrat et a droit à une carte bancaire, des conseils personnalisés, un service Minitel, etc. Les clients apprécient : le package BNP, « Présence », a attiré plus de un million de clients en moins de deux ans.
Les banques multiplient les nouveaux services. La « banque à domicile », notamment, se développe à toute vitesse : les clients peuvent gérer leurs comptes par téléphone – y compris la nuit, chez une banque comme Cortal –, ou mieux, par Minitel. En 1993, 15 % du temps passé par les Français derrière leur Minitel était consacré aux services bancaires. Autre type de banque à domicile : le service vocal. On téléphone à un ordinateur doté d'une boîte vocale, avec lequel on communique en pianotant sur le clavier de son écran. Peu chaleureux, mais pratique et surtout rentable pour la banque, qui réalise des économies de gestion.
Le conflit des dates de valeur, qui oppose depuis longtemps les banques aux associations d'usagers, a été en partie tranché en avril par la Cour de cassation. Suivant en cela une vieille pratique, la plupart des banques ont pris l'habitude de faire quelques bénéfices en retardant de quelques jours l'inscription des dépôts sur les comptes. Avant d'inscrire ces dépôts, elles les font un peu « tourner », et en tirent profit. La Cour a décidé qu'il n'y avait aucune raison d'imposer de tels retards lorsque les dépôts sont faits en espèces (cas des commerçants). Un premier pas vers l'interdiction totale, espèrent les associations d'usagers.
Bras de fer
Les réductions d'effectifs, qui vont bon train depuis le début de la décennie, se sont accélérées depuis l'automne 1992. Les charges salariales représentant 60 % des frais généraux des banques, c'est là que celles-ci tentent principalement de compresser leurs coûts. La plupart d'entre elles ont engagé des plans dont la sévérité rompt souvent avec les pratiques du passé (même si l'on compte dans la profession encore très peu de licenciements secs). La BNP et la Société générale, notamment, ont mis sur pied des programmes de départs volontaires, qui ont permis la suppression de plus de 700 postes en 1993 dans chacune d'elles. Globalement, alors que jusqu'en 1992 le rythme des réductions d'effectifs du secteur bancaire était d'environ 1 % par an, il a plus que doublé depuis. Résultat de l'informatisation accélérée du secteur, c'est le bas de la pyramide hiérarchique et le haut de la pyramide des âges qui sont concernés. L'employé de banque tend à disparaître : il ne représente plus que 12 % du personnel, contre 36 % il y a dix ans.
La réforme des retraites bancaires, enfin, a été au centre d'un long bras de fer entre patronat et syndicats. Jusque-là, les salariés des banques disposaient d'un régime de retraite particulier : au total, les retraites bancaires étaient supérieures de 20 % aux autres. Mais le système, vieux de 40 ans, était à bout de souffle pour des raisons démographiques : 1,55 actif doit financer un retraité (contre 2,3 actifs pour un retraité dans le régime général). Les syndicats ont accepté que la profession rejoigne le droit commun. Pour les retraités actuels, la prime de 20 % disparaîtra progressivement, sur 10 ans.
Pascal Riché