Les Allemands ont aussi joué la même carte : en 1983, le premier satellite réutilisable, SPAS (Space Shuttle Pallet Satellite), a été mis au point par MBB-ERNO (le groupe spatial de la société allemande Messerschmitt).
Le programme « Palettes spatiales » a été utilisé au cours des missions de la navette Challenger en 1983-84, et, en octobre 1985, un mini-laboratoire, le Biorack, mis au point par l'Agence spatiale européenne, a pris en charge 14 expériences de biologie proposées par différentes équipes européennes et coordonnées par l'Allemagne fédérale. L'Europe prépare aussi pour 1988 une plateforme à trajectoire libre, EURECA (European Retrievable Carrier), pour des missions de longue durée.
Trois types de biotechnologies sont en expérimentation et parfois même en production industrielle dans l'espace, la chromatographie, l'électrophorèse et la cristallisation. La première, la chromatographie en microgravité, permet des purifications exceptionnelles. McDonnell Douglas commença les recherches dès 1972 ; en 1983, les expériences effectuées avec Ortho Pharmaceuticals Corporation, filiale de Johnson and Johnson, donnèrent des résultats significatifs. Ensemble, les deux sociétés auraient pu obtenir dès 1987 des molécules d'intérêt médical dont on ignore encore la nature, mais Ortho a rompu le contrat et s'est tourné vers le génie génétique avec une petite société qui doit lui fournir des bactéries faisant le même travail plus rapidement. Il sera intéressant de suivre les résultats promis et l'on verra qui gagnera, de l'électrophorèse spatiale ou du génie génétique.
Le principe de l'électrophorèse, c'est-à-dire du déplacement de molécules ou de cellules dans un champ électrique, est connu depuis longtemps ; il est utilisé fréquemment pour séparer des molécules ou des cellules qui ont des charges électriques différentes. L'électrophorèse à flux continu, mise au point par l'Allemand K. Hannig, de l'Institut Max-Planck de Munich, a été considérablement améliorée par l'électrophorèse en microgravité, c'est-à-dire en pesanteur très faible, mais non nulle, de 10–3 à 10–5 g : il n'y a plus d'effet de sédimentation ni d'échauffement. En revanche, on ne connaît pas encore le rôle que peuvent jouer les radiations ionisantes sur les molécules ou sur les cellules. C'est d'ailleurs l'une des expériences proposées par l'Allemand H. Bücker lors du vol Spacelab D1.
Le dispositif actuel de McDonnell Douglas permet d'injecter en permanence le milieu à épurer en bas de l'appareil, qui mesure 1,50 m de haut et 15 cm de profondeur, et de recueillir en haut les cellules ou les molécules « purifiées ». Un prototype industriel EOS-1 sera placé sous la soute de la navette qui doit partir en juillet 1987. Il mesurera 5 m de longueur et 1 m de largeur ; son rendement sera 24 fois supérieur à celui de l'appareil utilisé actuellement.
Étant donné le coût de l'expérimentation, il faut trier des molécules ou des cellules à très haute valeur ajoutée. C'est le cas, par exemple, des cellules du pancréas bêta produisant de l'insuline, de l'alpha 1-antitrypsine, des cellules rénales productrices d'urokinase ou de l'interféron.
La cristallisation des protéines d'intérêt médical permettrait d'étudier la structure de ces molécules et donc d'obtenir la synthèse rapide de médicaments. Cependant, les protéines, qui sont de grosses molécules, cristallisent très difficilement ; d'où le grand intérêt des premières expériences effectuées en 1983 par Spacelab 1 d'après un programme dirigé par le professeur Littke de Fribourg ; cet essai a permis d'aboutir à la cristallisation de trois protéines, lors du vol de Spacelab 2.
La NASA a créé un club d'industriels autour de l'Université d'Alabama : .Upjohn, SKF, Merck, Schering Plough, Burrough, Wellcome Upjohn. En France, trois industriels de la pharmacie, Rhône-Poulenc, Roussel-Uclaf et Sanofi, s'intéressent aussi à ce domaine de recherches qui fait partie de l'accord conclu avec le CNES et l'Aérospatiale. Ils espèrent mettre au point une technologie différente de cristallisation des protéines.
Les problèmes économiques
On a parfois oublié, dans le feu de l'enthousiasme, que les biotechnologies sont utilisées pour produire quelque chose qui doit être économiquement intéressant.