Les biotechnologies
Biotechnologie, génie génétique, manipulation génétique, ces nouvelles technologies, créées il y a juste dix ans, sont désormais présentes dans les laboratoires et 1986 a vu l'apparition, sur le marché industriel, de plusieurs produits issus de ces techniques.
Pourquoi un tel engouement pour une technologie connue depuis 6 000 ans ? Pourquoi parle-t-on de « révolution », alors que la fermentation du pain, de la choucroute ou du vin sont déjà des biotechnologies ? Ce terme récent provient de l'anglais Biotechnology et devrait plutôt se traduire par génie biologique. Le mot anglais a été breveté en 1980 par un agent de change nord-américain, M. Hutton, qui en a déposé la marque aux États-Unis.
L'OCDE, dans un rapport consacré à cette question, avait recensé onze définitions relativement semblables. Celle de la France, du moins celle du rapport « Science de la vie et société » du ministère de la Recherche et de la Technologie, était présentée ainsi : « La biotechnologie consiste en l'exploitation industrielle des potentialités des microorganismes, des cellules animales et végétales ainsi que des fractions subcellulaires qui en dérivent. »
La biotechnologie a commencé à faire parler d'elle en 1975, lors de l'apparition des techniques de recombinaisons génétiques. En 1986, dix ans après la réunion d'Asilomar, au cours de laquelle un arrêt des recherches avait été demandé pour étudier les dangers de ce type d'expérience, plusieurs réalisations industrielles ont fait leur apparition : « médicaments » (hormones, enzymes, etc.) produits par des micro-organismes ou des cellules, plantes améliorées et résistantes à certains produits chimiques, tests de grossesse et diagnostic chez soi, etc. Ce n'est ni la révolution promise par les enthousiastes, ni le « bruit pour rien » annoncé par les sceptiques.
Alimentation : le premier bioréacteur
On vend déjà des croissants chauds partout, mais comme pour le pain de mie sans conservateur, Gérard Joulin, président du groupe Jacquet, a voulu maîtriser la biotechnologie de la congélation, de la décongélation, et de la fermentation du pain ordinaire. Avec des membres de l'Université technologique de Compiègne, les ingénieurs de chez Jacquet ont étudié les ferments responsables de la levée du pain et ont mis au point des « ferments biologiques adaptés (FBA) » supportant la congélation sans dommage pour le goût. Un microprocesseur, qui comporte un programme établi par les laboratoires Jacquet, conduit les différentes opérations : décongélation, fermentation (levée du pain), contrôlée de façon à amener la pâte « à point », et cuisson adaptée à la demande.
Cette première « armoire à pains et croissants chauds », qui constitue le premier petit « bioréacteur » automatisé, peut être installée n'importe où. Elle a été présentée en octobre 1985 au FIT (Festival Industrie/Technologie) et doit être exportée vers 40 points de vente nord-américains sous le nom de Little French Bakery (La Petite boulangerie française).
Combats pour la santé
Les anticorps monoclonaux : soldats à tout faire
En 1984, Cesar Milstein et Georges Köhler recevaient le prix Nobel de médecine pour avoir réussi, en 1975, à faire fusionner une cellule productrice d'anticorps (lymphocytes B) et une cellule « immortelle » (c'est-à-dire se multipliant indéfiniment). Cet « hybride » globule blanc-cellule immortelle se divisait en tube à essais et produisait des anticorps issus d'un seul lymphocyte (donc d'un clone), qui étaient par conséquent monoclonaux.
L'utilisation d'un anticorps monoclonal, agissant directement sur une cible, vient d'être autorisée aux États-Unis, en France et en Grande-Bretagne. Cet anticorps bloque spécifiquement le fonctionnement de certains globules blancs, les lymphocytes T, et permet ainsi d'empêcher « biologiquement » le corps de rejeter une greffe du rein, même après un traitement cortisonique. Cet anticorps, appelé OK T3 ou « Orthoclone », est commercialisé par l'entreprise américaine Ortho.
Un anticorps est une protéine fabriquée par des lymphocytes en réaction contre un intrus (antigène). C'est le principe même de la vaccination, qui implique l'injection d'une très petite quantité de « microbes » tués ou atténués. L'organisme « reconnaît l'étranger » et fabrique des anticorps spécifiques à l'envahisseur. Si ce dernier revient, la réponse immunitaire se déclenche et les lymphocytes produisent très vite et en grande quantité l'anticorps adéquat.