Plus significative encore que les chiffres des demandeurs d'emploi, l'évolution du taux de chômage en France rend compte de la détérioration de la situation. En effet, le pourcentage des chômeurs, par rapport à la population active, est passé de 7,4 p. 100 en 1981, à 9,8 p. 100 en 1984 et à 10,1 p. 100 à la fin de 1985. En septembre 1986, le taux de chômage atteignait 10,7 p. 100 de la population active, soit un taux bien supérieur à la moyenne enregistrée dans les pays de l'OCDE (8,3 p. 100).
Plus d'un Français sur dix est inscrit au chômage en 1986. Mais, certaines catégories sont plus frappées que d'autres. On note à ce sujet des évolutions qui témoignent d'une nouvelle aggravation du chômage structurel.
Si le chômage, depuis le début de la crise, touchait en priorité les jeunes dépourvus de formation et d'expérience professionnelle, il s'étend aujourd'hui chez les adultes de 25 à 49 ans et frappe le personnel qualifié. Des deux millions et demi de chômeurs recensés à la fin du mois de septembre 1986, on comptait 31 p. 100 d'employés et 22 p. 100 d'ouvriers parmi le personnel pourvu de qualification. Certes, les jeunes ont continué en 1986 à être les premières victimes du chômage. Un jeune Français sur quatre, dans la tranche des moins de vingt-cinq ans, est inscrit à l'ANPE comme demandeur d'emploi, soit un taux trois fois supérieur à celui que l'on enregistre dans la population adulte. Par ailleurs, les jeunes de moins de vingt-cinq ans représentent, en 1986, le tiers des chômeurs recensés. Mais, l'un des faits les plus inquiétants de l'année 1986 est incontestablement la très forte augmentation du chômage des adultes âgés de 25 à 49 ans. À la fin du mois de septembre, ils représentaient près de la moitié des demandeurs d'emploi (48,6 p. 100), comme si les mesures prises en faveur de l'emploi des jeunes avaient provoqué un effet relatif de glissement du chômage d'une tranche d'âge à une autre. Au cours des six premiers mois de l'année, le nombre des demandeurs d'emploi a augmenté en moyenne de 18 000 par mois. Cet accroissement a porté en priorité sur les femmes de 25 à 49 ans (+ 10 000 par mois), ensuite sur les hommes de cette même tranche d'âge (+ 4 000 par mois), et sur les jeunes de moins de 25 ans (+ 3 000 par mois).
Autre signe marquant de la crise, l'allongement de la durée du chômage. À l'automne 1986, l'ancienneté moyenne des demandes d'emploi était de 333 jours, soit une augmentation de 4 p. 100 en un an. Phénomène plus angoissant encore, un chômeur sur trois était inscrit à l'ANPE depuis plus d'un an, terme au-delà duquel les chances de se réinsérer dans la vie active se réduisent considérablement, comme l'indiquent les conclusions convergentes de toutes les études dont on dispose.
Quelle politique ?
« Pour créer de nouveaux emplois, l'économie française a besoin d'un supplément de liberté » déclarait devant les députés, le 2 avril 1986, Jacques Chirac, le nouveau Premier ministre de la cohabitation. Tenue par ses promesses préélectorales, comme la gauche cinq ans auparavant, la nouvelle majorité a eu pour objectif de mettre le libéralisme au service de l'emploi. Le gouvernement a pris une série de mesures visant à stimuler la création d'emplois dans les entreprises, tant par des incitations financières pour les jeunes, que par l'assouplissement des règles de l'embauche et du licenciement, considérées comme trop rigides par le monde patronal.
Le 16 juillet 1986, le Conseil des ministres adopte la première ordonnance de la cohabitation, signée par le président de la République, portant sur l'emploi des jeunes. Les mesures contenues dans l'ordonnance ont pour but d'inciter les employeurs à embaucher des jeunes de 16 à 25 ans, en leur offrant des exonérations, partielles ou totales, des charges sociales. Ces charges, qui représentent plus de la moitié du salaire versé, freinent les velléités d'embauche. Les jeunes, inexpérimentés et insuffisamment formés, sont plus particulièrement victimes de cette situation. L'allégement des charges sociales se traduit par une perte de 4,5 milliards de francs en 1986, pour les finances de l'État, entérinée par un collectif budgétaire. La même somme figure dans le projet de budget pour 1987.