Dans ces conditions, l'investissement repart nettement dans l'industrie manufacturière : 3 % en 1983, près de 6 % en 1984, peut-être davantage en 1985. C'est la forte remontée du taux d'autofinancement des sociétés qui lève les obstacles : la part de l'investissement financée sur ressources propres, qui était tombée à 46,2 % en 1982, s'élève à 60 % en 1983, puis à 72 % en 1984 ; elle pourrait dépasser 80 % en 1985, selon les prévisions d'un Institut spécialisé dans les entreprises l'IPECODE.

Croissance à la française

Malgré la bonne reprise de la conjoncture mondiale, la croissance économique reste faible, en France, dans les années 1983-1985. Le volume des exportations de biens et services, en baisse de 2,2 % en 1982, progresse cependant de 3,8 % en 1983 et de 5 à 6 % en 1984 ; une augmentation proche de 5 % est encore probable en 1985. C'est que deux années de rigueur intérieure contiennent fermement la demande intérieure. L'activité était faible en 1983, elle demeure peu soutenue en 1984 et n'accélère pas sensiblement en 1985. La progression du produit intérieur brut marchand, limitée à 0,7 % en 1983, n'atteint guère plus de 1,5 % en 1984 ; elle ne serait pas vraiment meilleure en 1985. Cette quasi-hibernation de la croissance avait conduit à une baisse de 0,5 % des importations de biens et services en 1983. Celles-ci se trouvent gonflées ensuite par la reprise de l'investissement industriel. Leur volume augmente modérément en 1984 (2,5 à 3 %), mais probablement davantage en 1985 (autour de 4 %).

La volonté de retour à l'équilibre du commerce extérieur, de restauration des équilibres financiers externes et internes, ainsi que les soucis de désinflation ont continué de gouverner les décisions des autorités jusqu'au début de 1985.

La hausse des prix

Le reflux de l'inflation apparaît fort besogneux. L'encadrement des prix à la consommation est maintenu plus longtemps que prévu ; il demeure très sourcilleux face aux entreprises de services ; il tire au plus juste les hausses de tarifs publics, et plutôt au-dessous des besoins des établissements prestataires, qui sont très endettés. L'indice des prix de détail avait augmenté de 9,6 % en 1983 ; il augmente de 7,7 % environ en 1984 (moyennes annuelles des prix). Son glissement du début en fin d'année est ramené de 9,3 % en 1983 à 6,9 % environ en 1984. Entre la France et ses principaux partenaires commerciaux, le différentiel d'inflation revient entre 2 et 3 % au milieu 1984 (4 % au milieu 1983) ; sa contraction est lente, car les partenaires demeurent incroyablement sages. C'est le reflux de l'évolution nominale des rémunérations qui constitue le plus net des succès enregistrés dans la désinflation.

Le déficit

Une autre grande difficulté subsiste : celle d'équilibrer les comptes des administrations publiques et sociales. En 1984, la hausse des taux des cotisations sociales a limité la dérive du déficit public. Le besoin de financement rapporté au PIB total dépasse cependant un peu 3 %, en 1984 comme en 1983, et s'élèvera à 140 millions de francs en 1984. Les dépenses d'équipement et de fonctionnement fixées à l'automne dernier pour 1985 sont étroitement contenues. Malgré cela, et selon tous les instituts indépendants de prévision, le déséquilibre des comptes publics devrait s'aggraver en 1985. La conjonction d'une baisse du taux des prélèvements obligatoires, de la montée des prestations sociales versées aux chômeurs et aux retraités plus nombreux, et de l'approche d'une élection importante crée des risques de distorsion entre évolution des recettes et des dépenses.

Jean Broizat